Sophismes, des sophismes et encore des sophismes

Dans un article publié sur AgoraVox, monsieur « Salamanca » nous exhorte à mettre en place « une certaine forme de protectionnisme au niveau européen ». Voici ma réponse (dans les commentaires).

Monsieur Salamanca,

Vous pointez très justement du doigt la focalisation du débat politique sur des sujets d’importance mineure qui n’ont d’autre objet que de permettre à nos politiques d’adopter des postures sans jamais évoquer les véritables problèmes dont souffre notre pays. J’ai néanmoins 3 observations à faire sur le reste de votre article :

Quand vous écrivez « qu'un pays comme la Corée du Sud, qui privilégie ses produits et taxe fortement les produits importés, a connu un taux de croissance supérieure à 6 % » ; c’est deux affirmations sont exactes mais les lier entre elles et un non sequitur ; il est possible que vous ayez raison – ce n’est pas mon avis mais c’est en l’espèce sans importance – mais, présenté comme vous le faite ici, c’est un sophisme. Le taux de chômage au Venezuela, qui est infiniment plus protectionniste que nous, atteint 12.1% et son PIB s’est contracté de 2.8% en terme réel. Dans le même temps le taux de chômage Suisse – une des économies les plus ouvertes du monde – plafonne à 3.9% et son PIB réel a augmenté en 2010 de 2.8%. Devons nous en tirer des conclusions ?

Par ailleurs, vous affirmez que la France, à cause de son adhésion à l’UE, « a fait le choix d'une certaine forme de libre échangisme naïf, qui céderait tout face à une mondialisation qui se montre toujours plus agressive, sans fixer de règles ». Passons sur l’idée selon laquelle le libre échangisme serait « naïf » bien que l’écrasante majorité des économistes qui s’intéressent aux questions de commerce international soit en sa faveur ; je m’interroge surtout sur la base de votre affirmation. La France est-elle réellement plus ouverte aux échanges internationaux que ses pairs ? Par exemple, sur la base du score de liberté des échanges publié par la fondation Heritage – un indice composite qui prend en compte les barrières tarifaires mais aussi les barrières non-tarifaires (quotas, autorisations, règlementations etc…) – la France obtient un score de 82.6 à égalité avec le Japon tandis que les Etats-Unis (86.4), le Royaume-Uni (87.6), les pays scandinaves (Suède : 87.6, Norvège : 89.4, Danemark : 87.6) et 24 des 27 membres de l’UE sont plus ouverts que nous (nous sommes à égalité avec la Grèce et Chypre). Si la France est effectivement un pays relativement ouvert aux échanges internationaux, cette idée selon laquelle nous serions plus libre échangistes que des pays comparables est tout à fait fausse.

Enfin, vous terminez votre article en suggérant qu’une « certaine forme de protectionnisme au niveau européen » - et en l’espèce des taxes sur les produits non-européens – « permettrait notamment de faire financer une partie de sa protection sociale ». Passons sur les effets économiquement dévastateurs des politiques protectionnistes et sur leurs conséquences politiques (rappelons pour mémoire que la signature des accords du GATT (1947) et la création de la CECA (1951) étaient explicitement motivées par la volonté des Etats d’éviter de nouvelles guerres provoquées par les politiques de « nationalisme économique »). Proposer de surtaxer les produits bon marché que nous importons notamment de Chine pour financer nos dépenses sociales signifie faire financer lesdites dépenses par ceux qui achètent majoritairement ces produits : c'est-à-dire les plus pauvres d’entre nous.

Ne les appelez plus « pays émergents »

Encore une prouesse de Hans Rosling (avec sous-titres en français...).



Si vous n'avez jamais visité Gapminder, c'est un grand tort...

Déficit de la balance commerciale ? Et alors ?

Alors voilà, il parait que notre balance commerciale est déficitaire ce qui signifie que nous importons plus que nous n’exportons et que c’est grave puisque ça veut dire que nous nous appauvrissons. Nous sommes en 2011, ça fait donc 166 ans que Frédéric Bastiat, dans ses Sophismes Economiques, a expliqué en termes clairs et intelligibles par tous que cette idée est d’une stupidité sans nom mais l’actualité politique récente suggère qu’il est loin d’être inutile d’en remettre une couche.

Paul et Jacques sont – comme leurs prénoms l’indiquent – Français et vivent tous les deux à Strasbourg. Paul, pour des raisons qui lui appartiennent, souhaite acheter un Demi Souverain d’or tandis que Jacques – coup de chance ! – en a un qu’il souhaite vendre. Ils se rencontrent, se mettent d’accord sur un prix et échangent le Demi Souverain contre 130 euros. Qui a perdu dans cet échange ? Paul voulait sa pièce d’or et l’a eut tandis que Jacques voulait la vendre – c'est-à-dire l’échanger contre des euros – et a pu le faire. Comme nous sommes fondés à penser que 130 euros en billet de banque ne valent pas plus que 130 euros en or, aucun de nos deux protagoniste ne s’est appauvrit. Par ailleurs, si la transaction a eut lieu, c’est bien que Paul et Jacques estimaient l’un et l’autre que les termes de l’échange étaient mutuellement satisfaisants n’est-ce pas ? Bref, aucun des deux ne s’est appauvrit et les deux sont satisfait de cette opération. Imaginez maintenant que Paul n’ai pas acheté sa pièce d’or à Jacques mais à Franz, un allemand qui vit à Kehl, de l’autre coté de la frontière. En quoi cela change t’il les données du problème ? Paul et Franz ont échangé des euros contre de l’or, aucun des deux ne s’est appauvrit et chacun d’eux a de bonnes raisons d’être satisfait de cet échange. Seulement voilà : cette opération, considérée du point de vue de la comptabilité nationale, correspond à une importation nette de 130 euros. Autrement dit, l’échange entre Paul et Franz creuse le déficit de notre balance commerciale avec l’Allemagne de 130 euros. Question : pensez-vous que la France se soit appauvrit dans cette opération ?

Mais, me direz vous, l’or est un métal précieux ; c’est un cas particulier qui n’est valable que pour les métaux précieux (ou les machins précieux d’une manière générale). D’accord, imaginons que Paul cherche un manteau pour l’offrir à son épouse et que Franz tienne justement une boutique de vêtements à Kehl. Considérez vous que 130 euros d’or ont plus de valeur qu’un manteau « made in Germany » à 130 euros ? Si c’est le cas, j’ai une mauvaise nouvelle : vous êtes atteint du « syndrome de l’oncle Picsou » qui fait que vous attribuez à l’argent une valeur supérieure à ce qu’il vous permet d’acquérir. Par exemple, quand vous êtes malade – même gravement – vous préférez garder votre argent plutôt que de vous soigner parce qu’échanger quelques euros contre un médicament ou une visite chez le médecin risque de vous « appauvrir ». De la même manière, vous préféreriez mourir de faim avec votre or plutôt que d’acheter quelque chose à manger… Bref, c’est grave : consultez. Dans le cas qui nous occupe, l’épouse de Paul ne s’habillant pas avec des pièces d’or et les hivers de Strasbourg pouvant s’avérer relativement rigoureux, Paul n’a que des bonnes raisons d’estimer que 130 euros de manteau valent bien 130 euros en billets de banque qui valent eux ni plus ni moins que 130 euros d’or.

Bref, un déficit de la balance commercial, ça n’est rien d’autre que de l’argent qui sort et des biens et services d’une valeur équivalente qui rentrent. Vous trouverez certainement un jour un génie de l’économie domestique pour vous expliquer que c’est « comme un ménage ; on ne peut pas indéfiniment dépenser plus qu’on ne gagne ». C’est exact, sauf que ce que gagne Paul ce n’est pas ce qu’il exporte mais le salaire qu’il se verse (il est boulanger) et qu’il dépense beaucoup plus d’argent en France qu’en Allemagne sans avoir jamais réussit à convaincre son banquier de ne pas débiter son compte. Ce que nos génies de l’économie domestique n’ont manifestement pas bien compris, c’est qu’une économie créé de la richesse même si elle fonctionne en parfaite autarcie pour la même raison que le PIB planétaire augmente année après année sans que nous ayons encore exporté la moindre queue de cerise vers Mars.

Quand on y réfléchit un peu, cette idée selon laquelle « un pays qui importe plus qu’il n’exporte s’appauvrit » est une source inépuisable d’idioties. Imaginez que Jean achète pour 100 euros de vins français pour les vendre 250 euros dans son magasin de New York – soit 150 euros de marge par produit – et utilise le produit de ses ventes pour acheter du matériel informatique qu’il réimporte en France pour le vendre 300 euros. Résumé des opérations : Jean génère 200 euros de valeur ajoutée avec lesquels il va payer des salaires, des factures de téléphone, des impôts et se verser un dividende ou réinvestir dans le développement de son affaire. Que nous dit la comptabilité nationale ? Eh bien Jean à exporté pour 100 euros et réimporté pour 250 euros : ça fait donc un déficit commercial de 150 euros. Quelqu’un peut il m’expliquer où est le problème ?

Toujours pas convaincu ? Pas de problème : j’ai un plan radical pour résorber le déficit de notre balance commerciale. Voici les grandes lignes : je propose que le gouvernement français me verse chaque année une somme équivalente au montant du déficit de notre balance commerciale en contrepartie de quoi je m’engage à aller vivre en Chine et à dépenser jusqu’au dernier centime la subvention du gouvernement en produits français. Vous le voyez bien, cette manœuvre subtile et originale permettra d’augmenter nos exportations vers la Chine d’un montant égal à notre déficit – c'est-à-dire que nous comblerions ledit déficit – et qu’il n’en coutera rien au pays puisque chaque centime versé par le gouvernement sera remboursé par la richesse créé par mes importations. Vous noterez aussi que je n’en tire aucun enrichissement personnel puisque – encore une fois – je m’engage à dépenser tout, jusqu’au dernier centime.

Je vous laisse réfléchir là-dessus.

Tabarrok sur les idées et la mondialisation

Alex Tabarrok (co-auteur de Marginal Revolution) discute du rôle des idées dans le développement économique et des conséquences de la mondialisation sur notre capacité à créer de nouvelles idées sur TED.com (2009).

Il n'y a pas de « désindustrialisation »

Les appels au protectionnisme continuent. Du Front National au Front de Gauche en passant par cet écoanalphabète d’Emmanuel Todd, Arnaud Montebourg (PS), Julien Landfried (MRC) et jusqu’à mon pourtant très sympathique camarade causeur Laurent Pinsolle, tous appellent à « protéger notre industrie » en rétablissant des barrières douanières. Je ne reviendrais pas sur le caractère profondément inepte du mercantilisme et de la théorie de la balance commerciale – voir Frédéric Bastiat (1845) sur ce point – ni sur l’extrême dangerosité du nationalisme économique pour me concentrer – cette fois-ci tout du moins – sur cette fameuse « désindustrialisation » dont on nous rebat les oreilles depuis quelques années. Comme souvent, un petit détour par les faits (qui sont têtus) me semble nécessaire.

Ajustée de l’inflation et sur la base des chiffres de 2010, notre production industrielle a augmenté de 548% depuis 1950, de 114% depuis 1970 et de 31% depuis 1990 [1]. En termes de valeur ajoutée, notre secteur industriel a produit 6 fois plus de richesse qu’en 1950, 99% de plus qu’en 1970 et 21% de plus qu’en 1990. Le très léger recul de notre production industrielle et de sa valeur ajoutée au cours de la dernière décennie (de 2% et 1% respectivement) est intégralement imputable aux années 2008 et 2009 – c'est-à-dire à la crise dite des « subprimes ». Si pas « désindustrialisation » on entend une disparition des activités industrielles françaises, du point de vue de la production et de la création de richesse, ce phénomène n’existe pas.

En 1949, l’industrie représentait 32.6% de notre production totale ; cette proportion est montée jusqu’à 34% au début des années 1970 avant de décliner régulièrement pour atteindre 27.2% en 2010. En 1950, l’industrie produisant 15.5% de la valeur ajoutée française ; ce rapport atteint 20% au cours des années 1970 avant de rebaisser pour revenir à 15.7% en 2010 (soit le niveau de 1950). De ces chiffres ont peut conclure que la part de l’industrie dans notre production comme dans la création de richesse de notre économie a baissé depuis les années 70. En revanche, parler de désindustrialisation est un non-sens : cette évolution est tout simplement due à une progression plus rapide des activités de service.

De 1949 à la fin des années 70, l’industrie procurait environ 1 emploi [2] sur 4. Ce chiffre à commencé à décliner au détour des années 80 pour atteindre 13% en 2009. Entre 1975 et 2009, le nombre d’emplois créés par l’industrie française s’est réduit de 2.3 millions. Comme nous l’avons vu plus haut, cette perte d’emplois n’est pas liée à réduction de la production. Si le nombre d’emplois proposés par l’industrie a baissé c’est essentiellement et avant tout une conséquence du progrès technologique et de l’automatisation des chaînes de production. C’est ce même phénomène qui explique que la valeur ajoutée industrielle progresse plus vite que la production : nos industries sont devenues beaucoup plus efficaces et beaucoup moins intensives en main d’œuvre.

Dernier point sur ce sujet, une usine des années 50 à 70 était un lieu de production situé entre quatre murs au milieu desquels vous trouviez des ouvriers, des ingénieurs et un patron – certes – mais aussi des agents d’entretient, des commerciaux, des comptables, des chauffeurs-livreurs etc… Une des grandes évolutions qu’ont connues nos entreprises depuis cette époque tient en un mot : « externalisation ». Aujourd’hui, les agents d’entretient ne sont plus des salariés de l’entreprises – et ne sont donc plus comptés dans les bataillons des salariés de l’industrie – mais travaillent pour une société qui propose ses services aux entreprises industrielles. Or il se trouve que sur la période 1975-2009, le nombre d’emplois fournis par le secteur des « services aux entreprises » a augmenté de 2.6 millions. Les chiffres de perte d’emplois industriels sont donc très vraisemblablement largement surévalués.

Bref, il n’y a pas de « désindustrialisation ». Il y a une croissance plus rapide des industries de services, notamment liée à l’externalisation des fonctions annexes de l’industrie et il y a des progrès technologiques qui nous permettent de réorienter le travail autrefois utilisé pour des tâches répétitives et mécaniques vers des métiers où nous avons besoin d’êtres humains.

Nous ne connaissons pas le bilan net, en termes d’emplois, des délocalisations d’un certain nombre de métiers – et pas d’industries [3] – vers des pays où les salaires sont moins élevés : pour une filature fermée en France, combien d’entreprises ont pu se créer et prospérer chez nous parce qu’elles pouvaient faire assembler leurs produits à moindres coûts là bas? Quand Apple lance la production d’iPhone en 2007 et en confie l’assemblage à une entreprises située à Shenzhen, la firme de Cupertino employait 23 700 salariés. Au 25 septembre 2010, Apple comptait 46 600 employés. Combien d’emplois le simple fait de pouvoir disposer de produits électroménagers moins chers a-t-il créé en France ? Combien de vendeurs, de designers et d’ingénieurs ont t’ils trouvé un métier grâce à la hausse de la demande qui en a résulté ? Combien d’emplois les économies que nous avons réalisées en payant notre lave-linge une bouchée de pain ont-elles créé dans d’autres secteurs ? Combien d’emplois les activités d’imports et d’exports génèrent-elles ?

Einstein disait qu’un préjugé est plus difficile à briser qu’un atome. En voilà un qui ne déroge pas à la règle.

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[1] Chiffres de l'Insee. Est-il utile de préciser qu'ils sont ajustés de l'inflation ?
[2] En équivalent temps plein.
[3] Non, ce n'est pas la même chose.

Addendum: Don Boudreaux et Mark Perry ont le même genre de problèmes aux US...

Chronique de l’horreur écologique

Luc Rosenzweig nous propose sur Causeur.fr un article qui, outre le fait qu’il est merveilleusement bien écrit, pose (ou plutôt re-pose) le principe même de la démarche scientifique : le doute et le débat contradictoire. Le réchauffement climatique d’origine anthropique est une théorie - et en aucune manière une certitude absolue ou une vérité révélée – et il est sain, normal et même important que cette théorie soit scientifiquement contestée. Les ayatollahs « réchauffistes » qui prétendent faire taire ou discréditer leurs adversaires se comportent, en effet, comme les propagandistes d’une idéologie totalitaire. S’ils devaient avoir raison, les conséquences des solutions qu’ils proposent sur le genre humain seraient – et je pèse mes mots – apocalyptiques ; Et s’ils se trompaient ?

Free Competition in Currency Act of 2011

Le 15 mars 2011, Ron Paul a présenté le Free Competition in Currency Act of 2011 (H.R. 1098) à la chambre des représentants. L’auteur de « End The Fed ! », avait déjà tenté de faire passer des lois similaires (notamment en 2007) mais sans succès. Voici donc l’acte de retour dans le processus législatif. Ce dernier comporte trois volets :

1/ Eliminer la taxation des gains en capital sur les pièces d’or et d’argent (qui peuvent monter jusqu’à 35% à court terme et 28% à plus long terme) ainsi que les taxes locales prélevées par les Etats et les gouvernements locaux. L’idée de ces taxations est d’empêcher les citoyens américains de fuir l’inflation sur le dollar en achetant des métaux précieux. Les éliminer revient à permettre aux étasuniens d’utiliser des monnaies métalliques en lieu et place du dollar.

2/ Rappeler les lois qui établissent le cours légal du dollar US (United States Code, titre 31, section 5103) – c'est-à-dire les lois qui interdisent aux citoyens et aux entreprises américaines de refuser d’être payés en dollars US. Si cette loi passe, une entreprise étasunienne aurait le droit de demander à être payée dans une autre monnaie.

3/ Last but not least, l’acte ne propose rien de moins que d’en finir avec la prohibition des monnaies privées et de mettre un terme aux procédures judiciaires engagées contre elles (comme pour les Liberty Dollars). C'est-à-dire que n’importe quelle institution pourrait battre monnaie et – points 1 et 2 – pourrait être librement utilisée par les citoyens américains sans être surtaxée.

« If we don't do something about the dollar, disait Paul the market will. I would like to legalize competition in currency. ». Maintenant que le marché a clairement fait sa part du travail, se pourrait-il que le Free Competition in Currency Act signe la fin du monopole de la Fed ?

Tu ne cede malis


Nous vivons une époque troublée. Aussi loin que notre regard puisse nous porter, les crises ont de tout temps suscité chez les hommes le besoin d’être protégés et de chercher cette protection auprès de celui qui en est le pourvoyeur naturel, l’Etat. La mondialisation, les étrangers, les marchés et autres changements climatiques sont autant de sujets d’incompréhension et d’angoisse savamment entretenus des politiciens trop heureux d’alimenter le pessimisme ambiant pour mieux en récolter les fruits électoraux. La question qu’élude complètement cette surenchère sécuritaire, qui quoiqu’on en dise n’est pas plus virulente à droite qu’à gauche, tient en deux mots : nos libertés.

Etre libre ne consiste pas, comme le répètent à l’envie ceux qui ont la mémoire trop courte ou la main trop lourde, à « n'être soumis qu'aux lois ». Ce n’est pas parce qu’une loi a été votée, y compris par un gouvernement démocratiquement élu, qu’elle n’est pas liberticide, arbitraire ou qu’elle n’opprime pas une grande partie de ceux qu’on oblige à s’y plier. « L’individu, écrivait Turgot [1], a aussi ses droits, que la nation ne peut lui ôter que par la violence et par un usage illégitime de la force générale ».

« La liberté, nous dit la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article IV). Cette définition n’a pas été donnée dans l’urgence de la pression médiatique ni pour complaire à telle ou telle fraction d’un électorat versatile ; elle est le fruit des Lumières, de la réflexion des philosophes et des encyclopédistes qui avaient eux-mêmes eut à subir le joug d’un Etat total. Les hommes libres ont des droits inaliénables ; des droits qu’aucune décision arbitraire, aucun gouvernement ni aucune loi ne devrait jamais pouvoir remettre en cause. L’attachement qui est le notre à la démocratie, qui reste – pour suivre Winston Churchill – « le pire système de gouvernement à l’exclusion de tous ceux qui ont été essayés », ne doit jamais nous faire oublier que le vote majoritaire c’est aussi deux loups et un agneau qui votent pour décider du menu du dîner. La démocratie n’est pas et ne sera jamais l’unique condition de nos libertés et peut, corrompue par la peur, la haine et la soif de pouvoir, donner naissance aux régimes les plus atroces. Faut-il que l’histoire ne nous ait rien appris pour que nous soyons obligés de rappeler qu’un des pires régimes que l’humanité n’ait jamais connu est sorti des urnes et que rien de ce qu’il entreprit – jusqu’aux camps de la mort – n’était illégal ? Ceux qui voient dans la seule démocratie l’alpha et l’oméga de la liberté commettent une erreur fatale ; un Etat démocratique est une condition nécessaire mais en aucune manière une garantie suffisante.

Même en démocratie, voir dans le détenteur du monopole de la coercition la source de nos libertés est au mieux un contresens. La nature de l’Etat, son principe même, réside dans la protection qu’il nous accorde en échange d’une restriction de nos libertés individuelles. Il nous protège mais n’est pas le garant de nos libertés – il en est même l’ennemi le plus menaçant. Les philosophes des Lumières et ceux qui ont perpétué leur tradition l’avait compris. Le texte même de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 nous rappelle que, selon les termes de Friedrich Hayek, « ce n’est pas la source mais la limitation du pouvoir qui l’empêche d’être arbitraire ».

Si nous voulons vivre dans une société libre, nous devons admettre que la désirabilité d’une chose ne justifie pas l’usage de la coercition. Un homme libre doit être capable d’admettre que ses concitoyens ne vivent ni ne pensent pas nécessairement comme il souhaiterait qu’ils le fassent. Lorsqu’un peuple prend et perpétue cette détestable habitude d’en appeler au législateur et à la police à chaque fois que quelque chose lui déplait ou lui semble « injuste » [2], il sème les graines de son propre esclavage. C’est oublier qu’un Etat qui peut tout nous donner peut tout aussi bien tout nous prendre. C’est là le vice profond des idées socialistes – de gauche comme de droite – qui confondent le gouvernement et la société : refuser au gouvernement le droit de faire quelque chose ne signifie pas qu’on ne souhaite pas que cette chose soit faite ; cela signifie qu’on préfère la confier à la société civile plutôt qu’à l’appareil coercitif. C’est de ce corps d’idées, qui fait de l’Etat la source même de toute société que sont nées toutes les idéologies totalitaires.

Ceux d’entre nous qui aspirent encore à demeurer des hommes libres devraient toujours garder à l’esprit que derrière le protecteur pourrait bien se cacher le maître. Benjamin Franklin disait qu’« une société qui abandonne un peu de liberté pour gagner un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et perdra les deux ». L’histoire lui a-t-elle donné suffisamment raison ou devons nous encore sentir le poids des chaines pour mieux nous en convaincre ?


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[1] Dans une lettre au docteur Price datée du 22 mars 1778.
[2] Existe-t-il seulement une notion plus vague et moins universellement partagée que cette notion de « justice » ?

Égalité Taxes Bisous

« Egalité taxes Bisous » est disponible à la vente. Vous pouvez acquérir les « chroniques désabusées d'un pays en lente décomposition » du camarade h16 ; cent soixante pages d’humour grinçant à souhait pour le prix « démocratique, festif et citoyen » de 4.95 euros (hors frais de port capitalistes et spoliateurs comme il se doit).


Je viens de commander mon exemplaire, je suis donc probablement fiché aux RGs.

L’insondable légèreté du Front National

Marsactu, un site d’information continue marseillais a eut l’heureuse idée de proposer un petit quizz impromptu aux candidats des élections cantonales des 20 et 27 mars prochains pour le canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille. Deuxième au premier tour avec 22.3% des suffrages exprimés, madame Mireille Barde, candidate du Front National, s’est prêté de bonne grâce à l’exercice. Elle aurait sans doute mieux fait de s’abstenir



Quiz élections cantonales : Mireille Barde (FN) par marsactu

Résumons donc : madame Barde ne sait pas combien il y a de cantons à Marseille ni combien sont renouvelables, elle ne connait pas le montant du budget du conseil général en 2010 et ignore de toute manière à quoi sert un conseil général, évalue le montant du RSA à 1 150 euros par mois, ne sait pas combien de collèges ni combien d’habitants il y a dans le canton et n’a pas la moindre idée du nom des quartiers qui le composent. Par contre, pour ce qui est du programme national-socialiste, elle semble tout à fait au point. De toute évidence, lors de ce premier tour, 22.3% des habitants du canton de Notre-Dame-Du-Mont à Marseille se sont fait couillonner comme on dit chez nous.

On rappellera, à cette occasion, une vieille maxime bien de chez nous : il vaut mieux se taire est donner l’impression d’être un imbécile que de l’ouvrir et en donner la certitude.


Merci à G7H+ pour le lien ;)

Réglementation bancaire et conséquences inattendues

Comment la règlementation bancaire a favorisé la crise plutôt que de l’éviter.

A entendre nos gouvernants et les séides de la toute puissance étatique, on pourrait presque croire que l’industrie bancaire moderne est un modèle de capitalisme sauvage échappant totalement au contrôle des Etats. Rien ne saurait être plus éloigné de la réalité : la banque est probablement le secteur de l’économie le plus lourdement réglementé après l’industrie nucléaire et les marchands de canons. Le sujet étant un peu complexe, vous ne m’en voudrez certainement pas de simplifier en me concentrant sur les deux principaux instruments de contrôle mis en œuvre par nos législateurs pour mieux tenir les banques : les « réserves obligatoires » et les « ratios prudentiels » de Bâle.

Le métier d’une banque consiste à emprunter de l’argent à court terme – principalement votre argent quand vous le déposez sur votre compte – pour le prêter à long terme. Ce faisant, la banque prend essentiellement deux risques : le premier c’est que vous veniez retirer votre argent alors qu’elle l’a prêté à un autre client – c’est ce qu’on appelle le « risque de liquidité » – et le second c’est que cet autre client se révèle incapable de rembourser son crédit – c’est ce qu’on appelle le « risque de crédit » [1]. Comme vous l’avez certainement observé, la banque prête à un taux d’intérêt plus élevé que celui auquel elle rémunère vos dépôts ; cet écart de taux constitue la rémunération des risques qu’elle prend et, si tout se passe bien, la source de ses profits.

Du pastis, de l’eau et la politique monétaire

Dans un monde de « fiat monnaie », le monopole légal de la création monétaire est confié à une institution publique qu’on appelle une « banque centrale ». Cette dernière est la seule à avoir le droit d’imprimer des billets de banque qu’elle créé comme bon lui semble à un coût pratiquement nul. Une analogie utile, pour comprendre le processus de création monétaire, est celle de l’eau et du pastis. Le pastis, c’est la masse des billets de banque – la « monnaie centrale » ou « base monétaire » [2] - qui est créée de manière purement discrétionnaire par la banque centrale. Lorsqu’une banque reçoit de la monnaie centrale sur le compte d’un de ses clients [3], elle va – comme nous l’avons vu plus haut – prêter cet argent à ses clients à la recherche de financement. Ce faisant, elle créé à son tour de la monnaie puisqu’au dépôt initial de monnaie centrale (le pastis) vient s’ajouter le montant du prêt qu’elle a accordé (de l’eau). La limite naturelle de cet exercice c’est le risque de liquidité : la banque doit être capable à chaque instant de faire face aux demandes de retraits de ses déposants et va donc garder une fraction des dépôts qu’elle a reçu en réserves. Si toutes les banques appliquaient, par exemple, un ratio de réserve de 10% (i.e. elles prêtent 90% des dépôts qu’elles reçoivent et gardent le solde en réserves), une injection de 100 euros de monnaie centrale par la BCE se traduira – au maximum – par une création monétaire totale de 1 000 euros [4]. C’est ce qu’on appelle le « multiplicateur monétaire » ; dans notre analogie, cette somme de 1 000 euros correspond à la quantité maximale de pastis dilué (de monnaie) créée par l’injection initiale de pastis pur.

C’est ici qu’interviennent les « réserves obligatoires » : le législateur, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons une autre fois, a estimé nécessaire de réguler le montant des réserves – aux Etats-Unis, c’est 10% tandis que la BCE n’impose que 2% de réserves obligatoires. En d’autres termes, la banque centrale contrôle la quantité de pastis et la dilution maximale autorisée aux banques. Comme les banques ont tout intérêt – du moins dans des conditions économiques normales – à prêter le plus possible, la banque centrale contrôle de fait le volume de crédits accordé par les banques.

Dans la pratique, les banques centrales ont décidé de remplacer le contrôle de la quantité de crédit – la « masse monétaire » – par un pilotage du taux auquel les banques se financent [5]. Quand la banque centrale, pour une raison ou une autre, souhaite faire en sorte que les banques prêtent plus, elle fait baisser ce taux et inversement, si elle souhaite restreindre la quantité de crédit, elle le fait remonter. C’est ce qu’on appelle la « politique monétaire ». Aussi incroyable que ça puisse paraître, les banques centrales – au travers de leur monopole et des réserves obligatoires – pilotent donc la quantité totale de crédits accordés par le système bancaire [6].

Ratios prudentiels et conséquences inattendues

Bien sûr, le contrôle de la quantité de crédits accordés par les banques ne permet pas de contrôler la qualité de ces crédits : une banque peut – si elle a des tendances suicidaires – prêter de l’argent à des emprunteurs insolvables et risquer de se mettre elle-même en faillite. Comme nous vivons dans un monde où ce risque n’est effectivement pas négligeable [7], le législateur – en l’occurrence le comité de Bâle [8] – a également mis en place des « ratios prudentiels » qui limitent la quantité de prêts que chaque banque peut accorder en fonction du risque de crédit que présentent – d’après les critères de la réglementation – les emprunteurs. Le premier ratio prudentiel – le « ratio Cooke » – est né en 1988 et a été imposé par voie légale dans la plupart des pays de l’OCDE à partir de 1992. Le principe de cette règlementation consiste à imposer aux banques de maintenir leurs fonds propres (l’argent des actionnaires) à au moins 8% de leurs « actifs pondérés des risques » (APRs) de telle sorte qu’elles soient toujours en mesure de rembourser leurs clients si un grand nombre d’emprunteurs devaient se révéler insolvables. Le comité de Bâle a ainsi établi une méthode de calcul des APRs qui est donc supposée limiter le « risque de crédit »pris par les banques.

En simplifiant un peu, la règlementation estime que prêter de l’argent – mettons 100 euros – à l’Etat Allemand ne présente aucun risque et applique donc aux créances de Berlin un ratio de zéro : soit, en terme d’actifs pondérés des risques, zéro pourcent de 100 euros. Si l’emprunteur est une entreprise jugée financièrement solide, le taux appliqué sera par exemple de 50% : lui prêter 100 euros augmentera les APRs de la banque de 50 euros et l’obligera à disposer de 4 euros de fonds propres (8% de 50 euros). Par contre, si l’emprunteur est une entreprise aux finances moins solide, le taux peut typiquement être de 100% : lui prêter 100 euros « coûte » 8 euros de fonds propres.

Mais qui juge de la solidité financière des entreprise me demanderez vous ? Eh bien ce sont les fameuses agences de notation ; Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch et quelques autres ont reçu de nos Etats des statuts particuliers qui confèrent à leur note une valeur règlementaire. En mettant en place cette règlementation, le législateur a littéralement institutionnalisé les agences et leur a donné un pourvoir absolument gigantesque qui n’a rien à voir avec la qualité de leurs prédictions mais avec le fait que leurs notes ont une valeur légale. C’est d’ailleurs à l’époque de la mise en place des ratios prudentiels que les agences ont cessé de faire payer leur recherche aux investisseurs et ont pris l’habitude de facturer les notes aux emprunteurs : ces derniers n’avaient plus le choix puisque la plupart de leurs créanciers potentiels – et en premier lieu les banques – étaient désormais contraints par la loi. C’est pour cette raison que la baisse d’une note a de tels effets sur les marchés : les investisseurs ne vendent pas parce qu’ils font confiance aux agences mais parce que leur règlementation le leur impose. C’est la douce ironie de ce monde : les politiques se plaignent du pouvoir des agences de notation alors que c’est eux qui le leur ont donné.

Une autre conséquence inattendue des ratios prudentiels émane du déséquilibre arbitraire qu’ils ont créé en faveur des dettes publiques et des crédits immobiliers et en défaveur des entreprises. Par exemple, prêter 100 euros à un particulier dans le cadre d’un crédit immobilier « consomme » 2.8 euros de fonds propres tandis que prêter la même somme à une entreprise notée A coûte à la banque 4 euros de fonds propres. L’objectif d’une banque étant de maximiser la rentabilité de ses fonds propres, que croyez vous qu’il se passa ? Les banques ont cessé de prêter aux entreprises et ont privilégié les crédits immobiliers : en 1988, les crédits industriels et commerciaux représentaient 25.3% de l’ensemble des crédits accordés par le système bancaire étasunien contre 26.9% pour les crédits immobiliers. En 2010, ces proportions sont passées à 13.6% et 40.6% respectivement. Le phénomène porte même un nom : la « désintermédiation financière ». Les banques ont tout fait pour que les entreprises se financent directement sur les marchés en émettant des obligations ou, quand c’était impossible [9], ont massivement revendu les créances des entreprises sur les mêmes marchés : c’est ce qu’on appelle la « titrisation ». Et bien sûr, vous entendez tous les jours nos politiques couiner en cœur que les banques ne financent pas suffisamment les entreprises…

Comme d’habitude, nos politiciens ont une réponse toute faite aux échecs et aux effets indésirables de leurs réglementations : faire plus de réglementations. A ceux qui seraient tentés de demander par quoi il faudrait remplacer la règlementation bancaire existante je répondrais ceci : s’il y avait le feu dans votre maison, par quoi le replaceriez vous ?


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[1] Il va de soi que, dans un cas comme dans l’autre, l’argent que la banque a prêté, c’est votre argent : quelque soient les difficultés qu’elle a rencontré elle est tenue de vous rembourser.
[2] En réalité, je simplifie : la base monétaire (M0) est aussi composée des réserves des banques commerciales auprès de la banque centrale.
[3] Nous reviendrons une autre fois sur ce mécanisme.
[4] La banque qui reçoit le dépôt de monnaie centrale créé 90 euros sous forme de prêts, les banques qui reçoivent à leur tour ces 90 euros créent 81 euros et ainsi de suite.
[5] Le taux du marché interbancaire, c'est-à-dire le taux moyen auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles.
[6] C’est d’ailleurs pour garder ce contrôle que vous n’avez pas le droit d’exercer le métier de banque sans autorisation administrative.
[7] Ça aussi, nous y reviendrons.
[8] Le Comité de Bâle de Supervision Bancaire, une organisation composée des dirigeants des banques centrales du G10.
[9] Soit que l’entreprise était trop petite ou pour des raisons commerciales.

Cet article fait parti d'une série sur la crise. Les épisodes précédents sont: Fannie, Freddie et les bonnes intentions et "Too Big To Fail"

Taux de pauvreté 1970-2006

« En utilisant le niveau officiel de $1/jour, nous estimons que le taux de pauvreté à l’échelle mondiale est tombé de 80% de 0.268 en 1970 à 0.054 en 2006 »
























Source : Maxim Pinkovskiy et Xavier Sala-i-Martin, “Parametric Estimations of the World Distribution of Income” (2009). Via Carpe Diem.

La démocratie est nécessaire mais pas suffisante

Que feriez-vous si la majorité des français devait décider, lors d’un vote régulier, de priver nos concitoyens d’origine nord-africaine de leurs droits civiques, de les exproprier, de les expulser et d’exterminer ceux qui refusent ? Le peuple souverain ne se serait-il pas exprimé ? Sa décision serait-elle démocratiquement contestable ? Non n’est-ce pas ?

Le cas s’est déjà présenté : qui peut ignorer que le national-socialiste d’Hitler est arrivé au pouvoir par la voie des urnes et que rien de ce qu’il a n’entreprit, y compris les pires horreurs, n’était illégal ? Une démocratie, le gouvernement du peuple – ou plus précisément de sa majorité – a accouché d’un monstre totalitaire, un Gouvernement Omnipotent, d’un Etat total et, finalement, d’une guerre totale.

Moi je désobéirais – et nous serions sans doute nombreux à le faire. Je refuserais de toutes mes forces cette décision du peuple souverain et m’élèverais contre son application. Et pourtant je suis démocrate et je crois, comme Winston Churchill, que la démocratie est la pire forme de gouvernement à l’exclusion de toutes les autres.

Hayek disait que ce n’est pas la source mais les limitations du pouvoir qui l’empêchent d’être arbitraire. La démocratie, à elle seule, n’est pas suffisante. Nous avons besoin de plus: nous avons besoin d’une démocratie avec des garde-fous qui interdisent à l’Etat, expression de la majorité, d’attenter à nos libertés les plus fondamentales. Les fondateurs de notre République avaient pleinement conscience de cette nécessité absolue et nous avaient dotés, avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, d’un tel dispositif.

Les idéologies extrêmes et liberticides prolifèrent – des nationaux-socialistes du Front National, aux socialistes du Front de Gauche en passant par les étatistes de l’UMP, du PS, du Modem et de Debout la République. Les français accusent l’économie de marché et la mondialisation d’être responsables de nos maux et – terrible ironie – demandent encore plus d’Etat pour les protéger. On entend parler de protectionnisme : qui se souvient que c’est précisément les politiques protectionnistes d’avant-guerre qui ont précipité l’Europe dans le bain de sang de la seconde guerre mondiale ? On accuse les étrangers, les capitalistes, les paradis fiscaux et, d’une manière générale, ces autres qui font de si bons boucs émissaires à jeter en pâture à une opinion publique déchainée. Faut-il que l’histoire ne nous ait rien appris ? On surveille internet, on limite la liberté d’expression, on demande des aides à l’Etat, on met la presse au pas… Les temps de crise sont des périodes dangereuses, propices au son des bottes.

Plus que jamais le « Gouvernement Omnipotent » de Mises [1] et « la Route de la Servitude » [2] de Hayek nous alertent sur les dangers totalitaires qui se cachent derrières ces politiques. Plus que jamais nous avons besoin de liberté, d’une véritable et authentique liberté au sens premier du terme : la démocratie et un Etat limité.

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[1] Ludwig von Mises, Omnipotent Government: The Rise of Total State and Total War (1944).
[2] Friedrich August von Hayek, The Road to Serfdom (1944).

Mises, un avertissement

"European governments and parliaments have been eager for more than sixty years to hamper the operation of the market, to interfere with business, and to cripple capitalism. They have blithely ignored the warnings of economists. They have erected trade barriers, they have fostered credit expansion and an easy money policy, they have taken recourse to price control, to minimum wage rates, and to subsidies. They have transformed taxation into confiscation and expropriation; they have proclaimed heedless spending as the best method to increase wealth and welfare. But when the inevitable consequences of such policies, long before predicted by the economists, became more and more obvious, public opinion did not place the blame on these cherished policies, it indicted capitalism. In the eyes of the public not anticapitalistic policies but capitalism is the root cause of economic depression, of unemployment, of inflation and rising prices, of monopoly and of waste, of social unrest and of war."

C'est de Ludwig von Mises dans Omnipotent Government (1944). La conséquence fût l'avènement du national-socialisme.

GSEs, les chiffres de la SIFMA

Selon les chiffres de la Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA), de 1996 à 2007 les émissions de titres adossés à des mortgages ont atteint $19 188.4 milliards. Sur ce total, $11 382.1 milliards ont été émis par les trois GSEs (Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie Mae), soit 59.3% du total. Le pic d’émission des GSEs est atteint en 2003 avec $2 130.7 milliards ou 69% des émissions avant de reculer rapidement à $1 015.0 milliards (54%) en 2004 puis à $983.3 milliards (45%) en 2005. C’est à cette occasion que les émetteurs privés parviendront à représenter la majorité des émissions en 2005/06 avec respectivement 55% et 56% du volume total des émissions

A fin 2007, le montant total des titres adossés à des mortgages émis par les GSEs représentait $5 947.7 milliards soient 65.1% du marché.

La spéculation et le prix des oignons

À chaque fois que le prix de quelque chose monte ou baisse sur cette planète on voit ressurgir dans le discours de nos élites la même explication définitive : « c’est à cause des spéculateurs ». Ajoutez à cela une dose de slogans sur la« mondialisation financière » et quelques boucs émissaires bien choisis [1] et l’habile tribun peut diriger à moindre frais la vindicte populaire vers les traders et autres hedge funds sans que personne ne sache ni ne se demande ce que c’est qu’un trader ou un hedge fund. C’est pratique, politiquement efficace et surtout, ça évite de réfléchir.

Spéculer, du latin speculare (observer, anticiper), n’est ni une activité illicite ni un acte moralement condamnable mais désigne d’une manière générale toute activité dont la finalité est d’anticiper des évènements à venir. Par exemple, quand un agriculteur décide de planter du maïs plutôt que du blé, il spécule sur les cours relatifs du maïs par rapport à ceux du blé quand le temps des moissons sera venu. Ce faisant, il ne fait donc qu’anticiper nos besoins futurs et nous rend donc service. Mais là n’est pas le sujet me direz vous puisque les agriculteurs sont des gens tout à fait honorables [2]; la spéculation dont il est question c’est celle des traders et des hedge funds, celle qui passe par les fameux produits dérivés. Alors allons-y.

Il existe une grande variété de produits dérivés sur à peu près tout ce qui se vend et s’achète mais la forme la plus courante est ce qu’on appelle un « contrat à terme » ou« contrat future » pour les intimes. Ces petites choses furent inventées il y a bien longtemps [3], principalement par des agriculteurs et leurs clients qui souhaitaient se garantir des prix d’achat ou de vente. Sans rentrer dans les détails techniques, un future est un contrat standardisé au travers duquel vous vous engagez à acheter ou à vendre une quantité déterminée d’un produit à une date future. Par exemple, le Chicago Mercantile Exchange propose des contrats future sur le maïs par lesquels vous vous engagez à acheter ou à vendre 5 000 boisseaux de maïs à une date déterminée. A l’heure où j’écris ces lignes, le contrat mars 2011 cote à $6.462 par boisseau tandis que le contrat juillet 2011 vaut $6.532 par boisseau.

Mais que viennent donc faire les traders et les hedge funds là dedans ? Eh bien, ils viennent parier – il n’y a pas de meilleur mot – sur l’évolution des cours en espérant en tirer quelques bénéfices. Typiquement, si vous pensez que le prix du cuivre va baisser d’ici l’été, vous avez la possibilité de vendre un contrat future juillet 2011 à $4.246 la livre (attention tout de même, un contrat porte sur 25 000 livres, soient $106 150). Si le prix du cuivre atteint $4 à la fin du mois de juillet, le prix du future juillet 2011 sera lui aussi très proche de $4 et vous pourrez annuler votre positions en le rachetant et en empochant au passage $6 150 de bénéfices. Bien sûr, les traders et les hedge funds n’attendent jamais que le contrat arrive à échéance pour se faire livrer des tonnes de blé ou de pétrole : il vous suffit pour vous en convaincre d’imaginer un type en costume trois pièces avec des bretelles rouges qui descend à l’accueil d’une banque de la City pour prendre livraison de 127 tonnes de maïs [4] (et ça c’est juste un contrat). Les « spéculateurs financiers »vendent ou rachètent leurs positions sans jamais toucher au produit sur le prix duquel ils ont parié.

En conséquence de quoi, l’idée selon laquelle les traders et les hedge funds font monter (ou baisser) les prix des denrées alimentaires en achetant (ou en vendant) des produits dérivés est, au premier ordre, parfaitement stupide. C’est exactement comme au PMU : vous aurez beau miser beaucoup d’argent sur votre cheval favori, vous ne le ferez pas courir plus vite pour autant.

Pour autant, il serait aussi faux d’affirmer que le prix des futures n’a aucune influence sur le prix des produits sous-jacents mais la relation est extrêmement complexe. Imaginez par exemple que vous disposiez d’une grosse quantité de palladium et que vous observiez que le prix du future septembre 2011 sur le palladium est nettement plus élevé que le prix auquel vous pourriez espérer vendre votre stock aujourd’hui : vous êtes incité à garder votre stock et à le vendre au prix du future. En d’autres termes, le marché anticipe un déficit de palladium en septembre et votre intérêt bien compris consiste précisément à vendre votre stock à ce moment… et donc à réduire ce déficit – la « main invisible » a encore frappé ! De la même manière, un agriculteur qui observe que le prix des futures sur le maïs est plus intéressant que celui du blé sera naturellement incité à planter du maïs plutôt que du blé [5]. On pourrait multiplier les exemples de stratégies possibles mais comme le travail a déjà été fait, vous me permettrez de vous résumer le résultat auquel sont arrivés les chercheurs qui se sont intéressé au sujet : l’existence de contrats future tend à réduire la volatilité des prix des produits sous-jacents. Autrement dit, les futures tendent à stabiliser les prix et pas le contraire.

Les traders et les hedge funds, qui ne sont dans ces marchés que pour tenter d’y gagner de l’argent, apportent non seulement de nouvelles informations et de nouvelles méthodes de prévision [6] mais aussi et surtout de la liquidité : plus le nombre de participants est important, plus il devient facile et peu onéreux pour nos agriculteurs et nos industriels de couvrir leurs risques ou d’améliorer leur résultats. Brefs, ils sont en réalité extrêmement utiles et toute législation visant à « civiliser » (sic) ces marchés ferait en réalité plus de tort que de bien.

Je termine sur une anecdote : en 1958, les producteurs américains d’oignons réussirent à se convaincre que les spéculateurs étaient responsables des prix exceptionnellement bas auxquels se vendait leur production et s’en émurent auprès de leurs représentants. Le 28 août 1958, le législateur passa le Onion Futures Act, une législation qui fait que les oignons sont, aujourd’hui encore, la seule matière première sur laquelle il est interdit de négocier des contrats à terme au Etats-Unis. Depuis, l’instabilité des cours des oignons ferait passer les montagnes russes de Formula Rossa [7] pour une aimable promenade de santé : +626% de mars 2006 à avril 2007 suivis d’une chute de 94% jusqu’en février 2008 avant de remonter violement de 265% jusqu’en octobre de la même année. Les prix restent ensuite relativement stables jusqu’en août 2009 (-29% tout de même) avant de repartir dans une flambée de 322% jusqu’en mars 2010 et de s’effondrer à nouveau de 69% en février 2011 [8]. Il parait que les producteurs souhaitent finalement revenir sur l’interdiction des futures sur les oignons.

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[1] Un bon bouc émissaire doit remplir trois caractéristiques : il doit être électoralement négligeable, inconnu de la plupart des gens et ne pas trop susciter de sympathie.
[2] C’est vrai et en plus ce sont de très mauvais boucs émissaires.
[3] Aristote est probablement l’inventeur du principe et le premier marché de futures fût ouvert au Japon dans les années 1730 pour rendre service aux samouraïs qui étaient payés en riz.
[4] En ricanant « greed is good » pour compléter le cliché.
[5] Arrêtez de prendre les agriculteurs pour des buses ; vous seriez surpris de constater le niveau de sophistication d’un céréalier.
[6] Certaines équipes de gestion de hedge funds sont constituées de météorologues ; d’autres de mathématiciens et de statisticiens et d’autres encore d’anciens économistes de sociétés pétrolières ou minières.
[7] Situées à Abou Dabi, les plus rapides du monde avec une pointe à 240 km/h.
[8] Chiffres de l’USDA, National Agricultural Statistics Service.

Iwy, surfez en toute sécurité

S’il y a bien un endroit où les gens risquent d’abuser gravement de leurs libertés, c’est internet. Cet immense far-west numérique et sauvage est devenu avec le temps un espace d’une extrême dangerosité où des individus peu recommandables et sans aucune qualification dument reconnue par l’Etat donnent leur avis sur tout et n’importe quoi, écoutent de la musique sans avoir acheté de galettes en plastique, diffusent les petits secrets que nos gouvernants auraient bien aimé nous cacher et – comble de l’horreur – organisent même des révolutions.

Quand Nicolas Sarkozy nous avait annoncé son intention de « civiliser internet », avouez-le, vous aviez esquissé le début d’un sourire narquois. Vous avez sans doute pensé à Christine Albanel, ex-ministre de la Culture [1] et de la Communication, passionaria des « firewall open office » [2] et conceptrice d’Hadopi, ce dispositif plein d’avenir que le monde entier nous envie, qui fait hurler de rire les pirates en herbe dès leur première année de collège et qui n’a pas finit de faire rire jaune leurs parents moutontribuables (en 2011, la bestiole devrait tout de même nous coûter 12 millions d’euros).

Eh bien vous avez eut tort parce que figurez vous que le décret n° 2011-219 du 25 février 2011 « relatif à la conservation et à la communication des données permettant d'identifier toute personne ayant contribué à la création d'un contenu mis en ligne » vient de passer au journal officiel et que ce machin là est beaucoup moins drôle. Avant toute chose, le nom de l’animal étant un peu long, je vous propose de l’appeler Iwy pour « Is Watching You » [3].

Comme son nom officiel le suggère, Iwy oblige désormais les fournisseurs de services sur internet à stocker consciencieusement toutes les données que vous auriez malencontreusement laissé traîner sur la toile pendant un an afin de les maintenir à disposition – par exemple – de la maréchaussée, des services du fisc ou de l’URSSaf. Toutes ? Oui toutes : vos noms, prénoms, adresses e-mail, pseudos, mots de passes, numéros de téléphone, dates de connexion, adresses IP, transactions, commentaires, billets de blog… Toutes ces petites traces de vous serons désormais stockées dans de grosses bases de données et, au regard des progrès fulgurants réalisés ces dernières années en matière de traitement de données, vous pouvez être sûrs qu’elles ne tomberont ni dans l’oreille d’un sourd, ni dans l’œil d’un aveugle.

Autant que vous le sachiez, donc, la grande marche civilisatrice d’internet est en marche et ça va être formidable. Nous allons enfin pouvoir surfer en toute sécurité sous le regard bienveillant et protecteur d’Iwy. Si quelque parti moyennement regardant sur la question des libertés individuelles venait à prendre le pouvoir dans ce pays, il y trouverait un outil merveilleux pour veiller d’encore un peu plus près sur nous.

Plus que jamais, soyez prudents dans vos commentaires.


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[1] Je ne m’y ferais décidément jamais : nous avons, depuis 1959, des ministres de la culture – avant ça, sans doute, la France n’avait pas de culture.
[2] Ne cherchez pas, ça n’existe pas.
[3] Parce que Big Brother… En plus ça servira de nom de code pour plus tard.

Les raisins de la colère

Durant les années 40, le pouvoir soviétique avait autorisé la diffusion des Raisins de la Colère (John Ford, 1940) dans les salles de cinéma d’ex-URSS. Ils espéraient, en montrant la détresse des américains durant la crise de 1929, convaincre les citoyens soviétiques des méfaits de l’économie de marché. Mais l’effet obtenu fût inverse : les spectateurs s’émerveillaient de ce que la famille Joad fuyait la misère en voiture. La censure décida finalement d’interdire le film.

Via Cafe Hayek

La liberté des lilliputiens



Hayek disait que ce n'est pas la source mais les limitations du pouvoir qui l'empêchent d'être arbitraire.

Lettre ouverte aux Marseillais

Chers tous,

Il y a environ 2600 ans, des grecs venus de Phocée débarquèrent sur les rives du Lacydon est y fondèrent un comptoir commercial. Une cinquantaine d’années plus tard [1], les Phocéens qui fuyaient l’invasion des perses de Cyrus II vinrent se réfugier dans leur colonie et, de simple relais commercial, Marseille devînt une ville.

Marseille c’est la métropole – la cité-mère –d’Agde, d’Antibes, de Hyère, de Nice et d’Aléria, c’est l’alliée de Rome et la concurrente de Carthage, la première ville de France et un des plus importants ports antiques de Méditerranée occidentale. C’est aussi la ville d’Euthymènes qui explora les côtes africaines au-delà des colonnes d’Hercule et celle de Pythéas qui remonta jusqu’au Groenland et s’approcha du cercle polaire. Marseille c’est encore la ville par laquelle la vigne [2], la religion chrétienne et l’écriture sont arrivés en Gaulle ; c’est de cette même ville que Strabon disait qu’« il n'y en a pas dont les lois soient meilleures » [3].

Notre ville c’est des siècles d’histoire, une ville qui est née et a prospéré de son commerce, de son ouverture sur le monde et de l’esprit d’entreprise des marseillais. Elle a survécu à César, aux Wisigoths, aux Ostrogoth, aux Francs, aux Sarrasins, aux Vikings, aux Catalans, à la peste, à Charles Quint et aux nazis. Fière et rebelle, jalouse de son indépendance, rien n’avait jamais réussit à réduire notre ville au silence.

Qu’avons-nous fait de notre ville ?

Là où les cannons du fort Saint-Nicolas [4] ont échoué à nous mater, l’Etat centralisateur a fini par nous réduire à une dépendance honteuse. Là où, pendant plus de deux millénaires, Marseille fût cet extraordinaire creuset où tout les peuples de la Méditerranées vivaient en bonne intelligence, les grands ensembles des quartiers nord et les « politiques sociales » de l’Etat ont réussit à nous diviser comme nous ne l’avons jamais été. Là où le gouvernement de notre ville faisait l’admiration de Strabon, nous avons laissé proliférer une classe politique corrompue qui chaque jour nous ridiculise aux yeux de ceux qui savent encore que Marseille existe. Là, enfin, où notre ville est née – le port – nous avons laissé s’installer des organisations mafieuses qui chaque année réduisent un peu plus à néant l’instrument de notre prospérité pendant des siècles. Il est inutile que je vous donne des noms, des chiffres et des faits : vous les connaissez tous, et mieux que la cours des comptes.

Aujourd’hui, on veut nous vendre un « forum mondial de l'eau », « Marseille-Provence capitale européenne de la culture » et – encore ! – du football avec l’Euro 2016. C’est ça Marseille ? Une ville subventionnée ? Une ville qui n’a rien d’autre à espérer de l’avenir que les emplois public des chantiers d’Euromed et des allocations chômage ? Nous en sommes donc là ?

Il y avait, quand j’étais gamin un t-shirt qui proclamait qu’« il y a deux sortes de gens au monde : les marseillais et ceux qui rêvent de l’être ». J’appartiens à cette première catégorie et j’y appartiendrais toujours. Nom de Dieu ! J’aime cette ville ! J’y suis né, j’y ai grandi et je ne l’ai quitté, la mort dans l’âme, que pour trouver un job décent. J’aime Marseille. J’aime ses quartiers du cours Julien à Endoume en passant par la pointe rouge, j’aime ses calanques, la grande bleue, le mistral, les navettes de Saint-Victor, la Bonne Mère et jusqu’au nouveau « Féri-Bôate » [5] mais surtout et par-dessus tout, j’aime les marseillais. J’aime les marseillais parce qu’ils ont en eux cette gentillesse naturelle qui laisse croire aux parisiens qu’ils sont « superficiels ». Je les aime parce malgré leurs grandes gueules et leurs fanfaronnades, les marseillais s’écartent encore pour laisser passer les poussettes et aident les aveugles à traverser les rues. Et je les aime, enfin, parce que pour peu qu’on laisse faire, ils sont capable de tout et en particulier du meilleur.

Alors je ne sais pas pour vous mais moi, voir notre ville dans cet état, ça me met en rage. Je ne supporte plus les dockers et les grutiers du port, les taxis, les éboueurs, les petits réseaux et cette caste politique qui a érigé la corruption et le clientélisme en art de vivre. Je ne peux plus souffrir de voir nos minos obligés de choisir entre quitter leur ville ou pointer à Pôle Emploi en ne vivant plus qu’au travers de l’OM. Réveillons-nous ! La mondialisation ? c’est nous qui l’avons pratiquement inventé et pour une ville comme Marseille, c’est une bénédiction. Récupérons notre port, débarrassons nous des politiciens corrompus et reprenons notre destin en main. Marseille n’est rien sans les marseillais ; sauver notre ville du déclin, c’est à nous de le faire et à personne d’autre.

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[1] En 546 av. J.-C.
[2] Probablement sur le site de l’actuelle gare St Charles.
[3] Strabon, Géographie, Livre IV, 1, 5.
[4] Construit par Louis XIV, ses cannons sont pointés vers la ville.
[5] Tout de même : la ligne maritime la plus courte du monde !

Et si Piers Corbyn avait raison ?

Il y a quelques mois, je suis tombé sur un article de Boris Johnson (le maire de Londres) dans lequel il attribuait la bonne gestion des services publics londoniens lors de l’« épisode neigeux » – doux euphémisme – de décembre dernier à un certain Piers Corbyn, météorologue, astrophysicien et fondateur de Weather Action, une petite PME spécialisée dans les prévisions météo à long terme.

En effet, fin novembre 2010, Weather Action avait publié un bulletin dans lequel ils prévoyaient, en totale contradiction avec les prédictions du Met Office (l’équivalent british de Météo France), un mois de décembre « extrêmement froid et exceptionnellement neigeux » et ajoutaient même que le mois de décembre 2010 serait probablement le plus froid des 100 dernières années. La petite boutique de Corbyn ayant la fâcheuse habitude de ridiculiser le Met Office, l’équipe de Johnson avait décidé de prendre en compte cet avertissement en préparant leurs troupes pour des fêtes de Noël particulièrement froides et neigeuses. Bien leur en a prit : Corbyn avait raison. Une fois de plus.

Bien sûr Corbyn a un truc. Et le truc, en l’espèce, c’est un modèle de prévision – le Solar-Lunar-Action-Technique (SLAT) – qui, comme son nom le laisse deviner cherche à établir des prévisions météo en se basant sur l’activité solaire. Je suis bien évidemment parfaitement incapable de vous expliquer comment fonctionne le machin en question mais vous reconnaîtrez que lier le temps qu’il fait sur terre à l’activité solaire, sur le principe, ça ne semble pas complètement délirant. Mais là où ça devient encore plus intéressant c’est que Piers Corbyn fait aussi des prévisions à long terme et que pour lui, la théorie du réchauffement climatique anthropique ne serait rien d’autre qu’une « fraude avec du rouge à lèvre ». Mieux encore, selon lui notre petit problème climatique à venir ne serait pas un réchauffement d’origine humaine mais plutôt… un petit âge glaciaire d’origine solaire.

Comprenons nous bien : je me déclare totalement incompétent en matière de climatologie. J’ai quelques arguments à faire valoir en matière d’économie mais sur l’évolution future du temps qu’il fera sur le troisième caillou en partant du soleil, je suis bien incapable de porter le moindre jugement qui ait une quelconque valeur. En revanche, il y a deux choses que je sais à ce propos : primo, la climatologie n’est pas une science dans la mesure où ses prédictions ne sont pas réfutables [1] et deuxio, les recommandations du GIEC, si elles étaient appliquées, nous mèneraient tout droit à un véritable enfer économique.

Je ne sais pas si Piers Corbyn a raison mais il me semble qu’étant données les deux remarques précédentes, le moins que nous puissions attendre de nos gouvernements c’est de créer les conditions d’un véritable débat contradictoire et non biaisé au sein de la communauté scientifique.

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[1] Et oui, cette remarque est aussi valable pour la macroéconomie.

En défense du capitalisme mondialisé

Aussi loin que l’on puisse remonter, les hommes ont toujours vécu dans un monde de pénurie. Pendant des millénaires, les fils n’avaient aucun espoir de vivre mieux que leurs pères et n’avait rien de mieux à attendre de la vie qu’une météo clémente et un roi peu enclin à convoiter les royaumes de ses voisins. Selon les estimations d’Angus Madisson [1], le niveau de vie de nos semblables n’a ainsi augmenté que d’environ 32% de l’an 1 à l’an 1700, c’est à dire 0.02% par an ; autant dire qu’il a stagné durant près de deux millénaires.

Mais dans cette Angleterre du début du XVIIIème siècle, il va se passer quelque chose qui changera défensivement la vie de milliards de nos semblables. Des inventeurs, des entrepreneurs, des financiers et des ingénieurs vont profiter des possibilités que leur offre le régime le plus libéral d’Europe – garantie des droits de propriété, liberté des prix, absence de barrières douanières internes, possibilité de déposer des brevets et un système financier efficace – pour inventer ce que la postérité appellera le capitalisme et donner le coup d’envoi de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de révolution industrielle. De 1700 à 2008, le niveau de vie moyen des anglais va être multiplié par 19 – soit une progression de pratiquement 1% par an ou 14 fois plus vite que durant les deux millénaires qui avaient précédé.

Progressivement, cette révolution va gagner le reste de l’Europe puis les pays que nous appelons aujourd’hui « développés » : à l’échelle mondiale, sur la même période, les revenus de nos semblables vont être multipliés par 12 – soit une progression annuelle de 0.82%. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, la grande masse des gens ordinaires va commencer à s’enrichir et à s’enrichir durablement. Jamais rien de semblable ni même d’approchant n’avait eut lieu auparavant. Peu de gens s’en rendent compte aujourd’hui mais en 1820, près de 85% de la population mondiale vivaient avec moins de l’équivalent d’un dollar actuel. En 1950, ce chiffre était tombé à 50% de la population mondiale et, selon les dernières estimations, les victimes de pauvreté extrême seraient moins de 15% aujourd’hui.
Mais une plus grande révolution restait encore à venir. Elle a commencé en 1949, sur les décombre de la seconde guerre mondiale, avec la signature des accords du GATT qui marque le début de ce que nous appelons la « mondialisation ». En réalité, la mondialisation est un phénomène aussi vieux que la route de la soie et la flotte marchande phénicienne mais quand les principales puissances économiques mondiales décident d’abandonner leurs politiques protectionnistes, ils provoquent une formidable accélération du phénomène. Les marchés, jusque là, engoncés dans d’étroites frontières nationales deviennent mondiaux.

De 1950 à 2008, l’amélioration de nos niveaux de vie s’accélère. D’un rythme annuel de 0.49% entre 1700 et 1950, elle passe à 2,24% de 1950 à 2008. En 58 ans le revenu moyen de nos semblables a été multiplié par 3.6 et, comme déjà noté plus haut, la pauvreté extrême a reculé plus vite que jamais. Confrontés à l’échec flagrant des tentatives de planification économique, de nombreux pays dits « en voie de développement » adoptent finalement l’économie de marché et commencent à rattraper nos niveaux de vie à une vitesse proprement sidérante – sur la même période, le revenu moyen des chinois est multiplié par 15 ! En 1950, l’espérance de vie des habitants des pays en voie de développement était estimée à 41 ans ; elle a franchi le cap des 68 ans en 1998. En une soixantaine d’années, le taux de mortalité infantile [2] du tiers monde a été divisé par trois (de 18% en 1950 à moins de 6% aujourd’hui), le nombre de personnes ayant accès à une source d’eau potable a doublé et, alors même que la population a connu sa plus forte croissance historique, le nombre de victime de sous-nutrition est passé de 37% en 1970 à environ 12% aujourd’hui.

C’est le plus gigantesque mouvement de rééquilibrage de la richesse mondiale qui n’ait jamais été observé. Nous avons ouvert la voie ; ils sont en train de nous rattraper encore plus vite que ne l’avaient fait le Japon et la Corée du sud. Des pays aussi immenses que la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie ont d’abord centré leur développement sur leurs activités exportatrices en devenant les usines du monde. Progressivement, le rythme formidable de leur croissance tire les salaires à la hausse et permet à une immense classe moyenne de voir le jour. Il est plus que probable que le mouvement de délocalisation ait déjà franchis sont intensité maximale [3] et que nous assistions bientôt à des « relocalisations » accompagnées par l’explosion de la demande intérieure de ces pays.

Mais le plus extraordinaire, c’est que le nivellement se fait par le haut. L’idée selon laquelle la croissance du tiers monde se soit faite à nos dépends ne résiste pas à l’observation des faits : les français, par exemple, dont les revenus avaient progressé de 0,73% par an entre 1700 et 1950 se sont enrichi à un rythme annuel de 2.13% durant les 58 années suivantes ! Si cette progression a été moins rapide depuis les années 70, accuser l’économie de marché ou la mondialisation relève plus du slogan politique que d’une analyse sincère de la réalité. Le fait est que l’économie de marché nous a sorti de la misère et que la mondialisation nous a rendus riches. Plutôt que de chercher à tuer la poule aux œufs d’or et de chercher à accuser les autres, nous ferions peut être mieux de nous interroger sur nos propres faiblesses et sur nos propres erreurs. Notre peuple a prouvé à de nombreuses reprises qu’il était capable de géni et que rien ne lui réussissait mieux que la liberté ; qu’attendons-nous pour recommencer ?


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[1] Angus Madisson (1926 –2010) était un  économiste britannique spécialisé dans l’étude de la croissance à long terme.
[2] Pourcentage de nouveaux nés ne survivant pas à leur première année.
[3] Plusieurs études menées ces dernières années ont révélé que de nombreuses entreprises qui avaient délocalisé réfléchissent de plus en plus sérieusement à suivre le chemin inverse : la hausse des salaires mais aussi celle des coûts de transports sont les principales raisons invoquées.

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