Monsieur Salamanca,
Vous pointez très justement du doigt la focalisation du débat politique sur des sujets d’importance mineure qui n’ont d’autre objet que de permettre à nos politiques d’adopter des postures sans jamais évoquer les véritables problèmes dont souffre notre pays. J’ai néanmoins 3 observations à faire sur le reste de votre article :
Quand vous écrivez « qu'un pays comme la Corée du Sud, qui privilégie ses produits et taxe fortement les produits importés, a connu un taux de croissance supérieure à 6 % » ; c’est deux affirmations sont exactes mais les lier entre elles et un non sequitur ; il est possible que vous ayez raison – ce n’est pas mon avis mais c’est en l’espèce sans importance – mais, présenté comme vous le faite ici, c’est un sophisme. Le taux de chômage au Venezuela, qui est infiniment plus protectionniste que nous, atteint 12.1% et son PIB s’est contracté de 2.8% en terme réel. Dans le même temps le taux de chômage Suisse – une des économies les plus ouvertes du monde – plafonne à 3.9% et son PIB réel a augmenté en 2010 de 2.8%. Devons nous en tirer des conclusions ?
Par ailleurs, vous affirmez que la France, à cause de son adhésion à l’UE, « a fait le choix d'une certaine forme de libre échangisme naïf, qui céderait tout face à une mondialisation qui se montre toujours plus agressive, sans fixer de règles ». Passons sur l’idée selon laquelle le libre échangisme serait « naïf » bien que l’écrasante majorité des économistes qui s’intéressent aux questions de commerce international soit en sa faveur ; je m’interroge surtout sur la base de votre affirmation. La France est-elle réellement plus ouverte aux échanges internationaux que ses pairs ? Par exemple, sur la base du score de liberté des échanges publié par la fondation Heritage – un indice composite qui prend en compte les barrières tarifaires mais aussi les barrières non-tarifaires (quotas, autorisations, règlementations etc…) – la France obtient un score de 82.6 à égalité avec le Japon tandis que les Etats-Unis (86.4), le Royaume-Uni (87.6), les pays scandinaves (Suède : 87.6, Norvège : 89.4, Danemark : 87.6) et 24 des 27 membres de l’UE sont plus ouverts que nous (nous sommes à égalité avec la Grèce et Chypre). Si la France est effectivement un pays relativement ouvert aux échanges internationaux, cette idée selon laquelle nous serions plus libre échangistes que des pays comparables est tout à fait fausse.
Enfin, vous terminez votre article en suggérant qu’une « certaine forme de protectionnisme au niveau européen » - et en l’espèce des taxes sur les produits non-européens – « permettrait notamment de faire financer une partie de sa protection sociale ». Passons sur les effets économiquement dévastateurs des politiques protectionnistes et sur leurs conséquences politiques (rappelons pour mémoire que la signature des accords du GATT (1947) et la création de la CECA (1951) étaient explicitement motivées par la volonté des Etats d’éviter de nouvelles guerres provoquées par les politiques de « nationalisme économique »). Proposer de surtaxer les produits bon marché que nous importons notamment de Chine pour financer nos dépenses sociales signifie faire financer lesdites dépenses par ceux qui achètent majoritairement ces produits : c'est-à-dire les plus pauvres d’entre nous.
Sophismes, des sophismes et encore des sophismes
Ne les appelez plus « pays émergents »
Si vous n'avez jamais visité Gapminder, c'est un grand tort...
Déficit de la balance commerciale ? Et alors ?
Paul et Jacques sont – comme leurs prénoms l’indiquent – Français et vivent tous les deux à Strasbourg. Paul, pour des raisons qui lui appartiennent, souhaite acheter un Demi Souverain d’or tandis que Jacques – coup de chance ! – en a un qu’il souhaite vendre. Ils se rencontrent, se mettent d’accord sur un prix et échangent le Demi Souverain contre 130 euros. Qui a perdu dans cet échange ? Paul voulait sa pièce d’or et l’a eut tandis que Jacques voulait la vendre – c'est-à-dire l’échanger contre des euros – et a pu le faire. Comme nous sommes fondés à penser que 130 euros en billet de banque ne valent pas plus que 130 euros en or, aucun de nos deux protagoniste ne s’est appauvrit. Par ailleurs, si la transaction a eut lieu, c’est bien que Paul et Jacques estimaient l’un et l’autre que les termes de l’échange étaient mutuellement satisfaisants n’est-ce pas ? Bref, aucun des deux ne s’est appauvrit et les deux sont satisfait de cette opération. Imaginez maintenant que Paul n’ai pas acheté sa pièce d’or à Jacques mais à Franz, un allemand qui vit à Kehl, de l’autre coté de la frontière. En quoi cela change t’il les données du problème ? Paul et Franz ont échangé des euros contre de l’or, aucun des deux ne s’est appauvrit et chacun d’eux a de bonnes raisons d’être satisfait de cet échange. Seulement voilà : cette opération, considérée du point de vue de la comptabilité nationale, correspond à une importation nette de 130 euros. Autrement dit, l’échange entre Paul et Franz creuse le déficit de notre balance commerciale avec l’Allemagne de 130 euros. Question : pensez-vous que la France se soit appauvrit dans cette opération ?
Mais, me direz vous, l’or est un métal précieux ; c’est un cas particulier qui n’est valable que pour les métaux précieux (ou les machins précieux d’une manière générale). D’accord, imaginons que Paul cherche un manteau pour l’offrir à son épouse et que Franz tienne justement une boutique de vêtements à Kehl. Considérez vous que 130 euros d’or ont plus de valeur qu’un manteau « made in Germany » à 130 euros ? Si c’est le cas, j’ai une mauvaise nouvelle : vous êtes atteint du « syndrome de l’oncle Picsou » qui fait que vous attribuez à l’argent une valeur supérieure à ce qu’il vous permet d’acquérir. Par exemple, quand vous êtes malade – même gravement – vous préférez garder votre argent plutôt que de vous soigner parce qu’échanger quelques euros contre un médicament ou une visite chez le médecin risque de vous « appauvrir ». De la même manière, vous préféreriez mourir de faim avec votre or plutôt que d’acheter quelque chose à manger… Bref, c’est grave : consultez. Dans le cas qui nous occupe, l’épouse de Paul ne s’habillant pas avec des pièces d’or et les hivers de Strasbourg pouvant s’avérer relativement rigoureux, Paul n’a que des bonnes raisons d’estimer que 130 euros de manteau valent bien 130 euros en billets de banque qui valent eux ni plus ni moins que 130 euros d’or.
Bref, un déficit de la balance commercial, ça n’est rien d’autre que de l’argent qui sort et des biens et services d’une valeur équivalente qui rentrent. Vous trouverez certainement un jour un génie de l’économie domestique pour vous expliquer que c’est « comme un ménage ; on ne peut pas indéfiniment dépenser plus qu’on ne gagne ». C’est exact, sauf que ce que gagne Paul ce n’est pas ce qu’il exporte mais le salaire qu’il se verse (il est boulanger) et qu’il dépense beaucoup plus d’argent en France qu’en Allemagne sans avoir jamais réussit à convaincre son banquier de ne pas débiter son compte. Ce que nos génies de l’économie domestique n’ont manifestement pas bien compris, c’est qu’une économie créé de la richesse même si elle fonctionne en parfaite autarcie pour la même raison que le PIB planétaire augmente année après année sans que nous ayons encore exporté la moindre queue de cerise vers Mars.
Quand on y réfléchit un peu, cette idée selon laquelle « un pays qui importe plus qu’il n’exporte s’appauvrit » est une source inépuisable d’idioties. Imaginez que Jean achète pour 100 euros de vins français pour les vendre 250 euros dans son magasin de New York – soit 150 euros de marge par produit – et utilise le produit de ses ventes pour acheter du matériel informatique qu’il réimporte en France pour le vendre 300 euros. Résumé des opérations : Jean génère 200 euros de valeur ajoutée avec lesquels il va payer des salaires, des factures de téléphone, des impôts et se verser un dividende ou réinvestir dans le développement de son affaire. Que nous dit la comptabilité nationale ? Eh bien Jean à exporté pour 100 euros et réimporté pour 250 euros : ça fait donc un déficit commercial de 150 euros. Quelqu’un peut il m’expliquer où est le problème ?
Toujours pas convaincu ? Pas de problème : j’ai un plan radical pour résorber le déficit de notre balance commerciale. Voici les grandes lignes : je propose que le gouvernement français me verse chaque année une somme équivalente au montant du déficit de notre balance commerciale en contrepartie de quoi je m’engage à aller vivre en Chine et à dépenser jusqu’au dernier centime la subvention du gouvernement en produits français. Vous le voyez bien, cette manœuvre subtile et originale permettra d’augmenter nos exportations vers la Chine d’un montant égal à notre déficit – c'est-à-dire que nous comblerions ledit déficit – et qu’il n’en coutera rien au pays puisque chaque centime versé par le gouvernement sera remboursé par la richesse créé par mes importations. Vous noterez aussi que je n’en tire aucun enrichissement personnel puisque – encore une fois – je m’engage à dépenser tout, jusqu’au dernier centime.
Je vous laisse réfléchir là-dessus.
Tabarrok sur les idées et la mondialisation
Il n'y a pas de « désindustrialisation »
Les appels au protectionnisme continuent. Du Front National au Front de Gauche en passant par cet écoanalphabète d’Emmanuel Todd, Arnaud Montebourg (PS), Julien Landfried (MRC) et jusqu’à mon pourtant très sympathique camarade causeur Laurent Pinsolle, tous appellent à « protéger notre industrie » en rétablissant des barrières douanières. Je ne reviendrais pas sur le caractère profondément inepte du mercantilisme et de la théorie de la balance commerciale – voir Frédéric Bastiat (1845) sur ce point – ni sur l’extrême dangerosité du nationalisme économique pour me concentrer – cette fois-ci tout du moins – sur cette fameuse « désindustrialisation » dont on nous rebat les oreilles depuis quelques années. Comme souvent, un petit détour par les faits (qui sont têtus) me semble nécessaire.
Ajustée de l’inflation et sur la base des chiffres de 2010, notre production industrielle a augmenté de 548% depuis 1950, de 114% depuis 1970 et de 31% depuis 1990 [1]. En termes de valeur ajoutée, notre secteur industriel a produit 6 fois plus de richesse qu’en 1950, 99% de plus qu’en 1970 et 21% de plus qu’en 1990. Le très léger recul de notre production industrielle et de sa valeur ajoutée au cours de la dernière décennie (de 2% et 1% respectivement) est intégralement imputable aux années 2008 et 2009 – c'est-à-dire à la crise dite des « subprimes ». Si pas « désindustrialisation » on entend une disparition des activités industrielles françaises, du point de vue de la production et de la création de richesse, ce phénomène n’existe pas.
En 1949, l’industrie représentait 32.6% de notre production totale ; cette proportion est montée jusqu’à 34% au début des années 1970 avant de décliner régulièrement pour atteindre 27.2% en 2010. En 1950, l’industrie produisant 15.5% de la valeur ajoutée française ; ce rapport atteint 20% au cours des années 1970 avant de rebaisser pour revenir à 15.7% en 2010 (soit le niveau de 1950). De ces chiffres ont peut conclure que la part de l’industrie dans notre production comme dans la création de richesse de notre économie a baissé depuis les années 70. En revanche, parler de désindustrialisation est un non-sens : cette évolution est tout simplement due à une progression plus rapide des activités de service.
De 1949 à la fin des années 70, l’industrie procurait environ 1 emploi [2] sur 4. Ce chiffre à commencé à décliner au détour des années 80 pour atteindre 13% en 2009. Entre 1975 et 2009, le nombre d’emplois créés par l’industrie française s’est réduit de 2.3 millions. Comme nous l’avons vu plus haut, cette perte d’emplois n’est pas liée à réduction de la production. Si le nombre d’emplois proposés par l’industrie a baissé c’est essentiellement et avant tout une conséquence du progrès technologique et de l’automatisation des chaînes de production. C’est ce même phénomène qui explique que la valeur ajoutée industrielle progresse plus vite que la production : nos industries sont devenues beaucoup plus efficaces et beaucoup moins intensives en main d’œuvre.
Dernier point sur ce sujet, une usine des années 50 à 70 était un lieu de production situé entre quatre murs au milieu desquels vous trouviez des ouvriers, des ingénieurs et un patron – certes – mais aussi des agents d’entretient, des commerciaux, des comptables, des chauffeurs-livreurs etc… Une des grandes évolutions qu’ont connues nos entreprises depuis cette époque tient en un mot : « externalisation ». Aujourd’hui, les agents d’entretient ne sont plus des salariés de l’entreprises – et ne sont donc plus comptés dans les bataillons des salariés de l’industrie – mais travaillent pour une société qui propose ses services aux entreprises industrielles. Or il se trouve que sur la période 1975-2009, le nombre d’emplois fournis par le secteur des « services aux entreprises » a augmenté de 2.6 millions. Les chiffres de perte d’emplois industriels sont donc très vraisemblablement largement surévalués.
Bref, il n’y a pas de « désindustrialisation ». Il y a une croissance plus rapide des industries de services, notamment liée à l’externalisation des fonctions annexes de l’industrie et il y a des progrès technologiques qui nous permettent de réorienter le travail autrefois utilisé pour des tâches répétitives et mécaniques vers des métiers où nous avons besoin d’êtres humains.
Nous ne connaissons pas le bilan net, en termes d’emplois, des délocalisations d’un certain nombre de métiers – et pas d’industries [3] – vers des pays où les salaires sont moins élevés : pour une filature fermée en France, combien d’entreprises ont pu se créer et prospérer chez nous parce qu’elles pouvaient faire assembler leurs produits à moindres coûts là bas? Quand Apple lance la production d’iPhone en 2007 et en confie l’assemblage à une entreprises située à Shenzhen, la firme de Cupertino employait 23 700 salariés. Au 25 septembre 2010, Apple comptait 46 600 employés. Combien d’emplois le simple fait de pouvoir disposer de produits électroménagers moins chers a-t-il créé en France ? Combien de vendeurs, de designers et d’ingénieurs ont t’ils trouvé un métier grâce à la hausse de la demande qui en a résulté ? Combien d’emplois les économies que nous avons réalisées en payant notre lave-linge une bouchée de pain ont-elles créé dans d’autres secteurs ? Combien d’emplois les activités d’imports et d’exports génèrent-elles ?
Einstein disait qu’un préjugé est plus difficile à briser qu’un atome. En voilà un qui ne déroge pas à la règle.
---[1] Chiffres de l'Insee. Est-il utile de préciser qu'ils sont ajustés de l'inflation ?
[2] En équivalent temps plein.
[3] Non, ce n'est pas la même chose.
Addendum: Don Boudreaux et Mark Perry ont le même genre de problèmes aux US...
Chronique de l’horreur écologique
Free Competition in Currency Act of 2011
Le 15 mars 2011, Ron Paul a présenté le Free Competition in Currency Act of 2011 (H.R. 1098) à la chambre des représentants. L’auteur de « End The Fed ! », avait déjà tenté de faire passer des lois similaires (notamment en 2007) mais sans succès. Voici donc l’acte de retour dans le processus législatif. Ce dernier comporte trois volets :
1/ Eliminer la taxation des gains en capital sur les pièces d’or et d’argent (qui peuvent monter jusqu’à 35% à court terme et 28% à plus long terme) ainsi que les taxes locales prélevées par les Etats et les gouvernements locaux. L’idée de ces taxations est d’empêcher les citoyens américains de fuir l’inflation sur le dollar en achetant des métaux précieux. Les éliminer revient à permettre aux étasuniens d’utiliser des monnaies métalliques en lieu et place du dollar.
2/ Rappeler les lois qui établissent le cours légal du dollar US (United States Code, titre 31, section 5103) – c'est-à-dire les lois qui interdisent aux citoyens et aux entreprises américaines de refuser d’être payés en dollars US. Si cette loi passe, une entreprise étasunienne aurait le droit de demander à être payée dans une autre monnaie.
3/ Last but not least, l’acte ne propose rien de moins que d’en finir avec la prohibition des monnaies privées et de mettre un terme aux procédures judiciaires engagées contre elles (comme pour les Liberty Dollars). C'est-à-dire que n’importe quelle institution pourrait battre monnaie et – points 1 et 2 – pourrait être librement utilisée par les citoyens américains sans être surtaxée.
« If we don't do something about the dollar, disait Paul the market will. I would like to legalize competition in currency. ». Maintenant que le marché a clairement fait sa part du travail, se pourrait-il que le Free Competition in Currency Act signe la fin du monopole de la Fed ?
Tu ne cede malis
Etre libre ne consiste pas, comme le répètent à l’envie ceux qui ont la mémoire trop courte ou la main trop lourde, à « n'être soumis qu'aux lois ». Ce n’est pas parce qu’une loi a été votée, y compris par un gouvernement démocratiquement élu, qu’elle n’est pas liberticide, arbitraire ou qu’elle n’opprime pas une grande partie de ceux qu’on oblige à s’y plier. « L’individu, écrivait Turgot [1], a aussi ses droits, que la nation ne peut lui ôter que par la violence et par un usage illégitime de la force générale ».
« La liberté, nous dit la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article IV). Cette définition n’a pas été donnée dans l’urgence de la pression médiatique ni pour complaire à telle ou telle fraction d’un électorat versatile ; elle est le fruit des Lumières, de la réflexion des philosophes et des encyclopédistes qui avaient eux-mêmes eut à subir le joug d’un Etat total. Les hommes libres ont des droits inaliénables ; des droits qu’aucune décision arbitraire, aucun gouvernement ni aucune loi ne devrait jamais pouvoir remettre en cause. L’attachement qui est le notre à la démocratie, qui reste – pour suivre Winston Churchill – « le pire système de gouvernement à l’exclusion de tous ceux qui ont été essayés », ne doit jamais nous faire oublier que le vote majoritaire c’est aussi deux loups et un agneau qui votent pour décider du menu du dîner. La démocratie n’est pas et ne sera jamais l’unique condition de nos libertés et peut, corrompue par la peur, la haine et la soif de pouvoir, donner naissance aux régimes les plus atroces. Faut-il que l’histoire ne nous ait rien appris pour que nous soyons obligés de rappeler qu’un des pires régimes que l’humanité n’ait jamais connu est sorti des urnes et que rien de ce qu’il entreprit – jusqu’aux camps de la mort – n’était illégal ? Ceux qui voient dans la seule démocratie l’alpha et l’oméga de la liberté commettent une erreur fatale ; un Etat démocratique est une condition nécessaire mais en aucune manière une garantie suffisante.
Même en démocratie, voir dans le détenteur du monopole de la coercition la source de nos libertés est au mieux un contresens. La nature de l’Etat, son principe même, réside dans la protection qu’il nous accorde en échange d’une restriction de nos libertés individuelles. Il nous protège mais n’est pas le garant de nos libertés – il en est même l’ennemi le plus menaçant. Les philosophes des Lumières et ceux qui ont perpétué leur tradition l’avait compris. Le texte même de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 nous rappelle que, selon les termes de Friedrich Hayek, « ce n’est pas la source mais la limitation du pouvoir qui l’empêche d’être arbitraire ».
Si nous voulons vivre dans une société libre, nous devons admettre que la désirabilité d’une chose ne justifie pas l’usage de la coercition. Un homme libre doit être capable d’admettre que ses concitoyens ne vivent ni ne pensent pas nécessairement comme il souhaiterait qu’ils le fassent. Lorsqu’un peuple prend et perpétue cette détestable habitude d’en appeler au législateur et à la police à chaque fois que quelque chose lui déplait ou lui semble « injuste » [2], il sème les graines de son propre esclavage. C’est oublier qu’un Etat qui peut tout nous donner peut tout aussi bien tout nous prendre. C’est là le vice profond des idées socialistes – de gauche comme de droite – qui confondent le gouvernement et la société : refuser au gouvernement le droit de faire quelque chose ne signifie pas qu’on ne souhaite pas que cette chose soit faite ; cela signifie qu’on préfère la confier à la société civile plutôt qu’à l’appareil coercitif. C’est de ce corps d’idées, qui fait de l’Etat la source même de toute société que sont nées toutes les idéologies totalitaires.
Ceux d’entre nous qui aspirent encore à demeurer des hommes libres devraient toujours garder à l’esprit que derrière le protecteur pourrait bien se cacher le maître. Benjamin Franklin disait qu’« une société qui abandonne un peu de liberté pour gagner un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et perdra les deux ». L’histoire lui a-t-elle donné suffisamment raison ou devons nous encore sentir le poids des chaines pour mieux nous en convaincre ?
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[2] Existe-t-il seulement une notion plus vague et moins universellement partagée que cette notion de « justice » ?
Égalité Taxes Bisous
Je viens de commander mon exemplaire, je suis donc probablement fiché aux RGs.
L’insondable légèreté du Front National
Quiz élections cantonales : Mireille Barde (FN) par marsactu
Merci à G7H+ pour le lien ;)
Réglementation bancaire et conséquences inattendues
A entendre nos gouvernants et les séides de la toute puissance étatique, on pourrait presque croire que l’industrie bancaire moderne est un modèle de capitalisme sauvage échappant totalement au contrôle des Etats. Rien ne saurait être plus éloigné de la réalité : la banque est probablement le secteur de l’économie le plus lourdement réglementé après l’industrie nucléaire et les marchands de canons. Le sujet étant un peu complexe, vous ne m’en voudrez certainement pas de simplifier en me concentrant sur les deux principaux instruments de contrôle mis en œuvre par nos législateurs pour mieux tenir les banques : les « réserves obligatoires » et les « ratios prudentiels » de Bâle.
Comme d’habitude, nos politiciens ont une réponse toute faite aux échecs et aux effets indésirables de leurs réglementations : faire plus de réglementations. A ceux qui seraient tentés de demander par quoi il faudrait remplacer la règlementation bancaire existante je répondrais ceci : s’il y avait le feu dans votre maison, par quoi le replaceriez vous ?
Taux de pauvreté 1970-2006
Source : Maxim Pinkovskiy et Xavier Sala-i-Martin, “Parametric Estimations of the World Distribution of Income” (2009). Via Carpe Diem.
La démocratie est nécessaire mais pas suffisante
Mises, un avertissement
"European governments and parliaments have been eager for more than sixty years to hamper the operation of the market, to interfere with business, and to cripple capitalism. They have blithely ignored the warnings of economists. They have erected trade barriers, they have fostered credit expansion and an easy money policy, they have taken recourse to price control, to minimum wage rates, and to subsidies. They have transformed taxation into confiscation and expropriation; they have proclaimed heedless spending as the best method to increase wealth and welfare. But when the inevitable consequences of such policies, long before predicted by the economists, became more and more obvious, public opinion did not place the blame on these cherished policies, it indicted capitalism. In the eyes of the public not anticapitalistic policies but capitalism is the root cause of economic depression, of unemployment, of inflation and rising prices, of monopoly and of waste, of social unrest and of war."
GSEs, les chiffres de la SIFMA
A fin 2007, le montant total des titres adossés à des mortgages émis par les GSEs représentait $5 947.7 milliards soient 65.1% du marché.
La spéculation et le prix des oignons
À chaque fois que le prix de quelque chose monte ou baisse sur cette planète on voit ressurgir dans le discours de nos élites la même explication définitive : « c’est à cause des spéculateurs ». Ajoutez à cela une dose de slogans sur la« mondialisation financière » et quelques boucs émissaires bien choisis [1] et l’habile tribun peut diriger à moindre frais la vindicte populaire vers les traders et autres hedge funds sans que personne ne sache ni ne se demande ce que c’est qu’un trader ou un hedge fund. C’est pratique, politiquement efficace et surtout, ça évite de réfléchir.
Spéculer, du latin speculare (observer, anticiper), n’est ni une activité illicite ni un acte moralement condamnable mais désigne d’une manière générale toute activité dont la finalité est d’anticiper des évènements à venir. Par exemple, quand un agriculteur décide de planter du maïs plutôt que du blé, il spécule sur les cours relatifs du maïs par rapport à ceux du blé quand le temps des moissons sera venu. Ce faisant, il ne fait donc qu’anticiper nos besoins futurs et nous rend donc service. Mais là n’est pas le sujet me direz vous puisque les agriculteurs sont des gens tout à fait honorables [2]; la spéculation dont il est question c’est celle des traders et des hedge funds, celle qui passe par les fameux produits dérivés. Alors allons-y.
Il existe une grande variété de produits dérivés sur à peu près tout ce qui se vend et s’achète mais la forme la plus courante est ce qu’on appelle un « contrat à terme » ou« contrat future » pour les intimes. Ces petites choses furent inventées il y a bien longtemps [3], principalement par des agriculteurs et leurs clients qui souhaitaient se garantir des prix d’achat ou de vente. Sans rentrer dans les détails techniques, un future est un contrat standardisé au travers duquel vous vous engagez à acheter ou à vendre une quantité déterminée d’un produit à une date future. Par exemple, le Chicago Mercantile Exchange propose des contrats future sur le maïs par lesquels vous vous engagez à acheter ou à vendre 5 000 boisseaux de maïs à une date déterminée. A l’heure où j’écris ces lignes, le contrat mars 2011 cote à $6.462 par boisseau tandis que le contrat juillet 2011 vaut $6.532 par boisseau.
Mais que viennent donc faire les traders et les hedge funds là dedans ? Eh bien, ils viennent parier – il n’y a pas de meilleur mot – sur l’évolution des cours en espérant en tirer quelques bénéfices. Typiquement, si vous pensez que le prix du cuivre va baisser d’ici l’été, vous avez la possibilité de vendre un contrat future juillet 2011 à $4.246 la livre (attention tout de même, un contrat porte sur 25 000 livres, soient $106 150). Si le prix du cuivre atteint $4 à la fin du mois de juillet, le prix du future juillet 2011 sera lui aussi très proche de $4 et vous pourrez annuler votre positions en le rachetant et en empochant au passage $6 150 de bénéfices. Bien sûr, les traders et les hedge funds n’attendent jamais que le contrat arrive à échéance pour se faire livrer des tonnes de blé ou de pétrole : il vous suffit pour vous en convaincre d’imaginer un type en costume trois pièces avec des bretelles rouges qui descend à l’accueil d’une banque de la City pour prendre livraison de 127 tonnes de maïs [4] (et ça c’est juste un contrat). Les « spéculateurs financiers »vendent ou rachètent leurs positions sans jamais toucher au produit sur le prix duquel ils ont parié.
En conséquence de quoi, l’idée selon laquelle les traders et les hedge funds font monter (ou baisser) les prix des denrées alimentaires en achetant (ou en vendant) des produits dérivés est, au premier ordre, parfaitement stupide. C’est exactement comme au PMU : vous aurez beau miser beaucoup d’argent sur votre cheval favori, vous ne le ferez pas courir plus vite pour autant.
Pour autant, il serait aussi faux d’affirmer que le prix des futures n’a aucune influence sur le prix des produits sous-jacents mais la relation est extrêmement complexe. Imaginez par exemple que vous disposiez d’une grosse quantité de palladium et que vous observiez que le prix du future septembre 2011 sur le palladium est nettement plus élevé que le prix auquel vous pourriez espérer vendre votre stock aujourd’hui : vous êtes incité à garder votre stock et à le vendre au prix du future. En d’autres termes, le marché anticipe un déficit de palladium en septembre et votre intérêt bien compris consiste précisément à vendre votre stock à ce moment… et donc à réduire ce déficit – la « main invisible » a encore frappé ! De la même manière, un agriculteur qui observe que le prix des futures sur le maïs est plus intéressant que celui du blé sera naturellement incité à planter du maïs plutôt que du blé [5]. On pourrait multiplier les exemples de stratégies possibles mais comme le travail a déjà été fait, vous me permettrez de vous résumer le résultat auquel sont arrivés les chercheurs qui se sont intéressé au sujet : l’existence de contrats future tend à réduire la volatilité des prix des produits sous-jacents. Autrement dit, les futures tendent à stabiliser les prix et pas le contraire.
Les traders et les hedge funds, qui ne sont dans ces marchés que pour tenter d’y gagner de l’argent, apportent non seulement de nouvelles informations et de nouvelles méthodes de prévision [6] mais aussi et surtout de la liquidité : plus le nombre de participants est important, plus il devient facile et peu onéreux pour nos agriculteurs et nos industriels de couvrir leurs risques ou d’améliorer leur résultats. Brefs, ils sont en réalité extrêmement utiles et toute législation visant à « civiliser » (sic) ces marchés ferait en réalité plus de tort que de bien.
Je termine sur une anecdote : en 1958, les producteurs américains d’oignons réussirent à se convaincre que les spéculateurs étaient responsables des prix exceptionnellement bas auxquels se vendait leur production et s’en émurent auprès de leurs représentants. Le 28 août 1958, le législateur passa le Onion Futures Act, une législation qui fait que les oignons sont, aujourd’hui encore, la seule matière première sur laquelle il est interdit de négocier des contrats à terme au Etats-Unis. Depuis, l’instabilité des cours des oignons ferait passer les montagnes russes de Formula Rossa [7] pour une aimable promenade de santé : +626% de mars 2006 à avril 2007 suivis d’une chute de 94% jusqu’en février 2008 avant de remonter violement de 265% jusqu’en octobre de la même année. Les prix restent ensuite relativement stables jusqu’en août 2009 (-29% tout de même) avant de repartir dans une flambée de 322% jusqu’en mars 2010 et de s’effondrer à nouveau de 69% en février 2011 [8]. Il parait que les producteurs souhaitent finalement revenir sur l’interdiction des futures sur les oignons.
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[1] Un bon bouc émissaire doit remplir trois caractéristiques : il doit être électoralement négligeable, inconnu de la plupart des gens et ne pas trop susciter de sympathie.
[2] C’est vrai et en plus ce sont de très mauvais boucs émissaires.
[3] Aristote est probablement l’inventeur du principe et le premier marché de futures fût ouvert au Japon dans les années 1730 pour rendre service aux samouraïs qui étaient payés en riz.
[4] En ricanant « greed is good » pour compléter le cliché.
[5] Arrêtez de prendre les agriculteurs pour des buses ; vous seriez surpris de constater le niveau de sophistication d’un céréalier.
[6] Certaines équipes de gestion de hedge funds sont constituées de météorologues ; d’autres de mathématiciens et de statisticiens et d’autres encore d’anciens économistes de sociétés pétrolières ou minières.
[7] Situées à Abou Dabi, les plus rapides du monde avec une pointe à 240 km/h.
[8] Chiffres de l’USDA, National Agricultural Statistics Service.
Iwy, surfez en toute sécurité
Plus que jamais, soyez prudents dans vos commentaires.
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Les raisins de la colère
La liberté des lilliputiens
Hayek disait que ce n'est pas la source mais les limitations du pouvoir qui l'empêchent d'être arbitraire.
Lettre ouverte aux Marseillais
[1] En 546 av. J.-C.
Et si Piers Corbyn avait raison ?
[1] Et oui, cette remarque est aussi valable pour la macroéconomie.
En défense du capitalisme mondialisé
[1] Angus Madisson (1926 –2010) était un économiste britannique spécialisé dans l’étude de la croissance à long terme.
Votre mot de passe
On ne va pas épiloguer pendant 150 ans, vous avez besoin : De mots de passe très forts (à partir de 128 bits), un par site (sauf, éventuel...
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