De l’ordre spontané (Re : Desaix)

Ce qui suit est ma réponse à « Desaix » (dans les commentaires)

Cher Monsieur,

Je crains que vous n’ayez pas compris ce que recouvrent les notions d’« ordre spontané » et de « main invisible ».

Ce que décrit un « ordre spontané » dans une société humaine, c’est le phénomène qui fait que nous, homo sapiens, sommes capables de nous organiser pour créer les conditions de notre survie et de notre bien-être sans que cette organisation ne nécessite aucune planification centralisée. C’est une des caractéristiques les plus saillantes de notre espèce, bien plus que le pouce opposable ou la capacité à utiliser des outils : nous sommes capables de nous coordonner, de coopérer et de travailler ensembles à la résolution des problèmes auxquels nous sommes confrontés sans qu'aucune force supérieure ne nous y oblige ni ne nous explique comment faire. Avez-vous déjà observé comment, dans une cour de récréation, les enfants organisent leurs jeux, définissent des règles qui conviennent à tous et les respectent d’eux-mêmes ? Ne vous êtes vous jamais demandé comment cela était possible sans aucune intervention de la maîtresse ? Nous le faisons, en permanence et infiniment mieux que n’importe quelle espèce du règne animal. C’est notre nature : quand la force, le vol ou la contrainte sont exclus, nous coopérons spontanément.

De la même manière, la fameuse « main invisible » d’Adam Smith n’a rien d’une théorie ; c’est une métaphore qui décrit ce que vous pouvez observer partout et tout le temps autour de vous. Votre boulanger, par exemple, ne se lève pas si tôt le matin parce que le gouvernement, Dieu ou qui sais-je encore le lui a ordonné. Il se lève et va pétrir sa pâte parce que c’est ainsi qu’il peut espérer faire un bénéfice et gagner sa vie. C’est ce même bénéfice – qu’il retire de son travail, de son talent et des risques qu’il a pris en ouvrant sa boulangerie – qu’il échangera contre le produit du travail des autres hommes qui l’entoure. Votre boulanger ne fait pas tout cela dans le but conscient de concourir à l’« intérêt général » ; il le fait pour son propre bénéfice mais pourtant c’est bien parce qu’il travaille pour lui-même que vous pouvez disposer à moindre frais d’une baguette de pain. C’est ça la « main invisible » ; c’est ce mode d’organisation spontané qui fait que les hommes, en poursuivant leurs propres intérêts, produisent, échangent et contribuent inconsciemment au bien être de la société.

Pourquoi tout les systèmes économiques planifiés ont-ils tous, sans aucune exception, été des échecs dramatiques ? Comment notre société humaine a-t’elle été capable de produire des appareils aussi fantastiquement complexes qu’un iPhone et ses composants sans aucune planification centralisée ? Comment le prix des marchés obligataires, qui résulte de milliers de transactions venues du monde entier, peut-il si fidèlement refléter les anticipations de croissance et d’inflation du marché ?

Si l’homme – l’individu – se définit lui-même, la société des hommes ne saurait être définit autrement que par l’agrégation et les interactions de nos propres définitions, de nos propres objectifs, de nos propres individualités. Vous avez tout à fait raison de souligner que nous ne sommes pas des fourmis qui répètent inlassablement les mêmes actes productifs dans le seul objectif de contribuer à la survie de la fourmilière. Nous sommes distincts des fourmis parce que nous sommes tous différents ; chacun d’entre nous est un individu unique qui définit lui-même les conditions de son bonheur, les objectifs de sa vie et les raisons qui le pousse à agir. C’est précisément pour cela qu’il est impossible de planifier la société des hommes ; c’est pour cette raison fondamentale et essentielle que toute tentative d’ingénierie sociale est vouée à l’échec.

La société des hommes, leur économie est un système d’une telle complexité qu’aucun d’entre nous n’est capable de le comprendre ne serais-ce que partiellement. C’est le résultat des interactions de milliards ce centre de décision qui réagissent, anticipent et coopèrent entre eux. C’est un gigantesque ordre spontané que seule la main invisible peut organiser. Ceux qui disent vouloir « réguler l’économie » sont coupables d’une arrogance qui tient de l’ignorance ou la mégalomanie. Les planificateurs n’ont pas de savoir ; ils n’ont que la prétention du savoir. Celui qui sait sait en fait qu’il ne sait pas. Ce que nous avons appris c’est la complexité : nous n’avons pas la présomption de dire que l’ordre spontané d’une société humaine est parfait ; nous avons l’humilité de reconnaître que nous ne savons pas comment le dépasser.

Enfin, il y a bien plus qu’un simple « esprit utilitariste » derrière nos théories ; il y a une conception de l’homme – être pensant et agissant –, de la société des hommes – dont l’Etat n’est qu’une conséquence et en aucune manière le fait originel – et de l’ultime condition de notre bonheur : la liberté.

42 commentaires:

  1. Vous dites :

    nous, homo sapiens, sommes capables de nous organiser pour créer les conditions de notre survie et de notre bien-être sans que cette organisation ne nécessite aucune planification centralisée. C’est une des caractéristiques les plus saillantes de notre espèce, bien plus que le pouce opposable ou la capacité à utiliser des outils : nous sommes capables de nous coordonner, de coopérer et de travailler ensembles à la résolution des problèmes auxquels nous sommes confrontés sans qu'aucune force supérieure ne nous y oblige ni ne nous explique comment faire.

    Je pense que vous ne répondez pas à mes objections, et je reste pour ma part du côté d'une définition de l'Homme telle que donnée par Pic de la Mirandole.

    La rationalité que vous semblez défendre est, de mon point de vue, strictement horizontale ; c'est en cela aussi que vous relevez, toujours à mon sens, d'un strict utilitarisme. La raison du XVIII - ces Lumières que vous faites vôtres manifestement - n'en rabat à aucun moment sur la spiritualité - je ne parle ni d'église, pas même de religion.

    La capacité à s'organiser, en dehors même d'une planification centralisée, n'est pas le point définissant l'Homme - enfin de mon point de vue.

    Ce qui pour moi est central en l'Homme, c'est, je me répète, la capacité de celui-ci à se définir lui-même, comme à chercher ce Sens qui le dépasse.

    Je veux bien que dans ce cadre là une part de ladite faculté, se faisant rationalité pratique, soit mis à contribution aux fins de définir l'environnement le plus favorable au développement d'un cadre de vie, mais c'est là à mon sens restreinte l'Homme que de le croire se réaliser comme Homme par cette cette simple organisation de son environnement.

    Il me semble - je peux me tromper - que vous nous décrivez un Homme sans vie intérieur, sans interrogations fondamentales.

    L'Homme construit des sociétés pour se laisser la possibilité et le temps de fonder et de penser l'Homme.

    Une société profondément humaine est une société qui ne cesse de penser l'Homme. Le régime Nazi, le Communisme (Russe...), ont cessé de penser l'Homme ; et il en est résulté ce qui devait en résulter : une société du parc humain.

    L'homme est un Homme quand il pense l'Homme.

    Au sec dans sa caverne, et après avoir échappé à la mort qui menace et s'être groupé avec d'autres individus, l'Homme s'interroge et se définit lui-même en peignant sa main - soufflant des pigments colorés - sur les murs de Lascaux.

    Je pense que vous confondez toujours la spécificité de l'animalité en l'homme et l'Homme lui-même ; ou encore, la faculté de raisonnement et d'organisation rationnelle et pratique avec la raison humaine, la seconde étant réduite, par vous, à la première ; ou enfin, et plus simplement, que vous réduisez la raison au calcul. C'est en tout cas mon humble avis.

    En dernier lieu, nous sommes distincts des fourmis - je reprends là une de vos affirmations - non parce que nous sommes tous différents, mais parce que nous ne sommes pas de la même nature que celles-ci.

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  2. "Comment notre société humaine a-t’elle été capable de produire des appareils aussi fantastiquement complexes qu’un iPhone et ses composants sans aucune planification centralisée ?"

    Au début des années 60, les communistes disaient la même chose dans le sens contraire sur Spoutnik, je pense que cela suffit à disqualifier l'argument.


    "Comment le prix des marchés obligataires, qui résulte de milliers de transactions venues du monde entier, peut-il si fidèlement refléter les anticipations de croissance et d’inflation du marché ?"

    J'aime beaucoup cet exemple récent de rationalité algorithmique sur les prix qui débouche sur n'importe quoi :
    http://tomroud.owni.fr/2011/04/23/algorithmes-economiques-fous/

    On me dira que les marchés eux-mêmes ont des mécanismes pour empêcher ce genre de choses absurdes, mais on a des exemples de mini krach boursiers basés sur le même genre de processus. On pourra aussi invoquer par exemple les désastres écologiques futurs et l'épuisement des ressources qu'entraînent la production massive de nos objets technologiques comme illustration d'un système auto-organisé devenu fou et incapable de s'auto-limiter.


    Par ailleurs l'auto-organisation ne débouche pas nécessairement sur "l'ordre", cf par exemple l'éconophysique :
    http://tomroud.owni.fr/2009/04/26/econophysique-le-nouveau-paradigme/

    Quand on change d'échelle, les détails de l'échelle inférieure deviennent irrelevants. Les verres de spin, aux multiples états métastables, aux comportements de vieillissement sont probablement bien plus pertinents pour comprendre les mécanismes de marché que les histoires de pétrin.

    "nous avons l’humilité de reconnaître que nous ne savons pas comment le dépasser."

    Je ne vois pas comment résoudre un problème type "dilemme du prisonnier" sans une référence extérieure. Et on connaît tous des situations réelles approchantes (la santé, l'éducation, etc...). Quant à l'humilité, elle n'a pas de place en science vu que par définition, si un optimum existe, un planificateur algorithmique bien programmé pourrait s'en approcher, et il y a déjà des exemples concrets évidents dans la vie de tous les jours (par exemple, le traffic aérien n'a évidemment rien d'auto-organisé par la liberté des avions d'aller et venir quand ils veulent).

    Par ailleurs, j'ai l'impression que vous sous-estimez les fourmis, je vous recommande de lire The Superorganism de E. Wilson. Vous pourrez voir que les fourmis ne sont absolument pas des robots et sont tout autant capables d'auto-organisation sociale très similaire aux hommes; par exemple, chez certaines espèces de fourmis, si on met plusieurs reines ensemble, elles s'organisent et divisent les tâches spontanément (certaines pondent, d'autres s'occupent des larves etc...) pour reformer une colonie sans ouvrier ni soldat. En cela, je ne vois guère la différence avec une division des tâches économiques ou une "main invisible".

    Mais je rejoindrais le commentateur sur le fait de "penser l'homme": je ne peux m'empêcher de voir dans les discours économiques un point de vue pré-Godelien assez clos. Mais on sait depuis Godel et Turing que tout système algorithmique n'est pas complet, qu'il existe des points d'appui extérieur pour le dépasser, et que ces points aveugles viennent fondamentalement de l'auto-référence. Quand on se pense, on peut se dépasser; c'est l'oracle de Turing qui dispensait la vérité qui ne pouvait sortir de l'algorithmique pure, et cet oracle, c'est justement nous, notre libre-arbitre en somme (Turing pensait que c'est cette capacité à invoquer un oracle non algorithmique qui différenciait l'homme de la machine fondamentalement). Il est en fait paradoxal de voir des défenseurs de la "liberté" abandonner l'idée même qu'il puisse exister ce point de vue extérieur à l'échelle de l'économie.

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  3. Desaix,
    Je ne cherche pas à définir l’homme. Je ne sais pas faire ça. Je ne cherche pas à définir le « sens de la vie » mais l’objet de ma propre vie et laisse à chacun le loisir de faire de même.
    Je ne crois pas en Dieu parce que c’est une hypothèse dont je n’ai pas besoin pour vivre.
    Dans votre métaphore, je suis celui qui s’interroge sur le meilleur moyen de faire en sorte que l’homme soit au sec dans sa caverne afin qu’il puisse peindre sa main, prier ou se livrer à toute autre activité que son cœur désire.
    Si c’est une position utilitariste, alors je suis utilitariste.
    Je veux la liberté pour moi-même non pas seulement pour les richesses et le bien-être qu’elle procure mais pour la liberté elle-même. Je veux la liberté pour les autres non pas seulement parce que je poursuis un « intérêt général » - que je me refuse même de définir - ou parce que je pense que la liberté des autres est la meilleur garantie de mon propre bien être mais surtout parce que vivre au milieu d’esclaves me révulse.
    Comme Tocqueville « je n'ai pas de traditions, je n'ai pas de parti, je n'ai point de cause, si ce n'est celle de la liberté et de la dignité humaine. »

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  4. Tom Roud,
    Le fait que les soviétiques aient été capables de concevoir et de produire des appareils complexes ne disqualifie pas mon argument. C’est un non sequitur : je dis que l’innovation et l’acte de production peuvent avoir lieu sans planification centralisée ; le fait qu’ils puissent aussi avoir lieu dans une économie centralisée ne le contredit pas.
    Votre exemple de « rationalité algorithmique » (qui est par ailleurs très amusant) est précisément un exemple de faillite de la rationalité algorithmique ; pas de la rationalité humaine. L’intention, la fin, de ceux qui ont conçu se système est parfaitement rationnelle et vous l’avez parfaitement compris ; ce qui a faillit c’est la mise en œuvre, le moyen. La décision de l’algorithme est irrationnelle non pas parce que ceux qui l’ont conçu sont fous mais parce qu’ils se sont trompé ; ils ont commis une erreur. L’histoire est émaillées de systèmes pensés et créés par la main de l’homme qui ont faillit. L’essai et l’erreur font parti de notre mode d’apprentissage. C’est justement là une des grandes supériorités d’une économie de marché par rapport à un plan central : l’économie de marché faillit vite et efficacement tandis que le plan peut continuer à faillir indéfiniment.
    Je ne prétends pas que l’économie de marché soit un système parfait. Si elle est parfaitement à même d’éviter la catastrophe malthusienne que vous décrivez (l’épuisement des ressources), il est en revanche juste d’affirmer qu’elle peu, dans certains cas, aboutir à des « désastres écologiques ». Par exemple, l’exploitation forestière peut être la cause de la disparition d’une partie de la biosphère. Néanmoins, nous savons que les systèmes planifiés sont encore plus nocifs (voir l’exemple de l’URSS) et nous savons qu’il est possible d’internaliser certaines contraintes notamment en privatisant les ressources naturelles (voir cet article).
    Sans vouloir paraître pédant, l'« éconophysique » relève du scientisme. Nous ne parlons pas de particules mais d’êtres humains qui pensent, anticipent et réagissent. Contrairement aux verres de spin, l’économie est faite d’intentions et d’actions humaines. Dans votre article vous notez que dans les modèles [néo]classiques, « les perturbations majeures ne peuvent provenir dans ce modèle que d’éléments extérieurs au marché » (ce qui est exact) mais que « la récente crise économique montre que des perturbations majeures (explosion de bulles) peuvent venir du marché lui-même ». En êtes-vous si sûr ? Puis-je me permettre de vous renvoyer, par exemple, sur cet article ?
    (« ordre spontané » ne signifie pas absence d’organisation mais organisation en l’absence de coercition).

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  5. Georges Kaplan,

    Vous dites :

    Je ne cherche pas à définir l’homme. Je ne sais pas faire ça.

    C'est pourtant ce que vous faites mais en lui donnant, à mon sens, une définition qui n'est pas la sienne.

    Vous citez ensuite Tocqueville (quel ouvrage ?) :
    je n'ai pas de traditions.

    Tocqueville disait pourtant - phrase célèbre :

    Quand le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres.

    Je pense enfin à une phrase de Georges Burdeau dans son ouvrage "l'Etat" :

    Les hommes ont inventé l'État pour ne pas obéir aux hommes.

    Quand à la liberté réelle elle est pour moi du domaine de la citadelle intérieure ou d'une hypothétique cité de Dieu.

    La liberté dans la société s'entend, pour moi, de la définition, par exemple, d'un Philip Pettit - que je ne suis pas dans toutes ses thèses par ailleurs -, affirmant que la liberté signifie - devrait... - dans nos sociétés humaines "non-domination".

    Le libertarianisme et le libéralisme économique peut-être même, valident toutes les formes de la domination et à tout le moins de la domination économique : le réel est là pour nous le rappeler.

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  6. Desaix,
    « Les hommes ont inventé l'État pour ne pas obéir aux hommes »… Qui est lui-même dirigé par des hommes à cette différence prêt que ces hommes – en étant à la tête de l’Etat – disposent du monopole de la coercition.
    Celui qui vous « domine » et celui qui peu vous obliger à faire ce que vous ne voulez pas faire ou vous contraindre à ne pas faire ce que vous souhaitez faire. C’est l’Etat et lui seul.
    Bill Gates, Serge Dassault et Warren Buffet sont infiniment plus riches que moi mais ils ne me dominent pas. Mon employeur paye pour mes services mais ne me domine pas – à aucun moment. Mes relations avec Bill Gates comme avec mon employeur ou mon boulanger sont des relations libres à une seule limite près : l’Etat.
    Restreindre la liberté des hommes c’est la nature même de l’Etat. C’est une contrainte que nous acceptons parce qu’en échange de cette limitation de notre liberté, l’Etat nous protège de ceux qui voudraient exercer leur liberté au dépend de la notre.
    « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. »

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  7. @Georges Kaplan

    Les hommes ont inventé l'État pour ne pas obéir aux hommes »… Qui est lui-même dirigé par des hommes à cette différence prêt que ces hommes – en étant à la tête de l’Etat – disposent du monopole de la coercition.

    Je pense Georges, que vous confondez l'homme avec sa fonction. Les institutions permettent que la démocratie soit ce lieu vide du pouvoir : les hommes passent, la fonction, qui est définie par la loi et soumise à celle-ci, demeure.

    Même quand le pouvoir du fonctionnaire se fait discrétionnaire il est encadré en dernier lieu par la loi. L'action de l'Etat n'est jamais le pur arbitraire, ce qui ne veut pas dire que certains fonctionnaires ou politiques à la tête de l'Etat n'enfreignent pas la loi.

    La puissance publique agit au nom du bien commun et conformément à la loi de la nation prenant sa légitimité en la souveraineté populaire.

    C'est donc l'Etat qui, dans ce cadre légal et politique défini et précis, a le monopole de la violence légitime, ou de la coercition légitime.

    La liberté n'est pas la licence, et sans l'intervention du cadre politique, administratif, qui borne la liberté, il n'y a pas de liberté véritable dans l'espace social, si ce n'est celle du lion de dévorer l'impala :

    Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, c’est la loi qui affranchit. (Lacordaire)

    Et vous avez raison de citer l'article 4 de la DDHC - de l'Homme et du CITOYEN - et de démontrer ainsi de fait que c'est grâce au pouvoir de contrainte de l'Etat que la règle instituant les libertés civiles et politiques - et instituée par l'Etat - est respectée.

    Bise,
    votre Aventin.
    ;-)

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  8. Desaix,
    Je ne confonds pas l’homme et sa fonction ; j’ai conscience que la fonction est occupée par un homme. Il y a là cet étrange paradoxe qui fait que les adversaires du libéralisme reprochent aux hommes de n’être motivés que par leur profit personnel mais veulent, dans le même mouvement, confier les pouvoirs les plus étendus à quelques uns de ces mêmes hommes. Croiriez-vous que le pouvoir rend noble et désintéressé ? Moi je crois que le pouvoir corrompt.
    Vous placez, je le crains, beaucoup trop de confiance dans la loi, y compris celle qui est issue du vote majoritaire. Si la majorité votait une loi qui vous impose de tuer votre voisin parce qu’il est noir ou juif : le feriez vous ? N’est-ce pas suffisamment arbitraire ? Les nazis sont arrivés au pouvoir par la voie des urnes et aucune des horreurs dont ils se sont rendus coupables n’était illégale.
    L'article 4 de la DDHC, comme les autres articles, a été écrit par des hommes qui savaient ce qu’est l’arbitraire, qui l’avaient vécu dans leur chair. Ces hommes savaient très précisément ce qu’ils entendaient par « liberté » et avaient compris ce que Friedrich Hayek formulera plus tard : « ce n’est pas la source mais la limitation du pouvoir qui l’empêche d’être arbitraire. »

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  9. @Georges Kaplan

    Il y a une loi, fondamentale, écrite en l'Homme, et qui fonde les sociétés, qui est savamment disqualifiée - par elle-même et dans sa complexité - par vos théories. Cette loi, c'est la loi du don.

    Ce don (Cf. Mauss - Essai sur le don) est essentiel dans la constitution des sociétés humaines, et vient tuer dans l'oeuf l'idée centrale de vos théories selon laquelle le moteur humain premier et déterminant en l'homme est cet intérêt privé rationnellement mis au jour par vos camarades en libéralisme décomplexé.

    Je cite Michéa :

    En interprétant le don sous le primat des catégories de la relation, c'est-à-dire comme cycle et non comme échange (ou, encore, comme structure intersubjective, ou symbolique, inintelligible à partir du point de vue de l'individu isolé), l'essai fondateur de Mauss permettait également de comprendre concrètement comment cet individu monadique - qui est l'étrange point de départ de toutes les constructions idéologiques modernes - constitue toujours, en réalité, le simple résidu philosophique d'un travail de déconstruction arbitraire consistant à éliminer inconsciemment les multiples figures de l'intersubjectivité. (J. -C. Michéa - Impasse Adam Smith - proposition II).

    Bise,
    Votre Aventin

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  10. Desaix,

    Le problème n’est pas dans « nos théories » ; il est dans votre compréhension de « nos théories ». Un don, consenti librement et en dehors de toute contrainte hors celle que nous nous imposons à nous même, est parfaitement rationnel. En donnant l’homme libre exprime le fait que le plaisir qu’il retire du bien qu’il fait est plus grand que celui qu’aurait pu lui apporter cet argent s’il l’avait conservé pour son propre usage. C’est ce que font les gens quand ils donnent : ils pensent avec plaisir au soulagement qu’ils apportent à ceux qui en ont besoin. La générosité – la véritable générosité – trouve sa source dans l’empathie.

    L’intérêt privé c’est l’expression du libre arbitre, de la volonté des hommes. Il peut tendre vers l’enrichissement personnel, la religion, la culture, le don ou tout autre chose que nos cœurs désirent. C’est ce que nous en faisons ; c’est notre volonté, notre libre consentement.

    Le don, vu par les socialistes, est obligatoire ; c’est un devoir qu’impose l’Etat à ses sujets. Il n’y a là aucune générosité, aucune empathie : le don des socialistes est le don dont ils bénéficient au dépend des autres. C’est une relation univoque, c’est un don forcé : techniquement c’est du vol.

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  11. @Georges Kaplan

    Je vous répondrais que le problème n'est pas dans ma compréhension du monde, mais dans votre compréhension du monde passée au filtre de vos théories, lesquelles portent en elles-mêmes une définition bien particulière - et terriblement réductrice - de l'Homme et des sociétés humaine.

    Tenez, je vais prendre une citation de J-F Revel, libéral éminent, qui disait pourtant :

    L'idéologie c'est ce qui pense à votre place.

    A mon sens, Georges Kaplan, c'est votre idéologie qui vous pense, et vous êtes - à mon sens toujours - totalement enferré dans vos dogmes libertariens - pour faire vitre.

    Vous défendez une foi religieuse que le concept de main invisible révèle pleinement.

    La fin des idéologies est un mythe entretenu par votre église dans le cadre d'une supposée fin de l'histoire dont l'objet et de nous faire croire que votre Dieu est ce Dieu universel, incarné en une rationalité réduite au calcul qui aboutit à un ordre spontané, qui vient nous offrir cette Vérité libérale définitive - ontologique - et tant attendue.

    Le libertarianisme est un utilitarisme comme un autre. Vous êtes, à mon sens, cet autre communisme du XXIème Siècle.

    Je précise enfin que je ne vous parlais pas du don socialiste Georges Kaplan, mais de la pensée de Mauss sur le Don. Qu'un certain socialisme puisse s'en inspirer librement, c'est autre chose.

    Je crois que nous demeureront irréconciliables - snif, snif...- encore et toujours sur cette même chose : une définition de l'Homme à hauteur de lui-même.

    Bise,
    Votre Aventin.

    ps : lisez tout de même Michéa - le bougre a sévèrement malmené mon républicanisme et m'oblige à reconsidérer certaines positions, socialistes notamment -, ça en vaut la peine, et Lasch également, et Mauss aussi bien sûr.

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  12. Votre apparente opposition sur "le don", sur "la définition de l'homme" et le libéralisme me rappelle un bon passage de l'ami Bastiat. Je me permets ce petit intermède pour le citer.

    Frédéric Bastiat (La Loi) :
    "Ici je me heurte au plus populaire des préjugés de notre époque. On ne veut pas seulement que la Loi soit juste ; on veut encore qu'elle soit philanthropique. (...)
    Mais je me répète, ces deux missions de la Loi se contredisent. Il faut opter. (...) Et, en effet, il m'est tout à fait impossible de séparer le mot "fraternité" du mot "volontaire". Il m'est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité "légalement" forcée, sans que la Liberté soit "légalement" foulée aux pieds. (...)
    Et qu'on ne dise pas, comme on le fait sans cesse, qu'ainsi conçue la Loi, athée, individualiste et sans entrailles, ferait l'humanité à son image. C'est là une déduction absurde, bien digne de cet engouement gouvernemental qui voit l'humanité dans la Loi. Quoi donc ! De ce que nous serons libres, s'ensuit-il que nous cesserons d'agir ? De ce que nous ne recevrons pas l'impulsion de la Loi, s'ensuit-il que nous serons dénués d'impulsion ?"

    Il me semble en effet que quiconque conçoit le libéralisme comme signifiant que l'homme ne peut être généreux n'a en réalité qu'une piètre opinion de l'homme - en d'autres termes, qu'il n'en a qu'une définition bien basse et étriquée. S'opposer au libéralisme au nom de la générosité signifie en effet croire que l'homme, s'il n'est pas contraint en quelque manière par l'Etat, ne peut être généreux, ne peut faire par soi-même de don ; c'est croire encore que, livré à soi-même, c'est-à-dire à la "licence", il ne peut que "dominer" son prochain dans un égoïsme parfaitement immoral.
    Bref, celui qui a vraiment la plus haute opinion de l'homme n'est peut-être pas ici, selon moi, celui qui le proclame haut et fort...

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  13. @Georges Kaplan,

    En dernier lieu, Debreu a fait péter en vol votre joli système - sans l'assumer au grand jour - et vous le savez très bien. Jacques Sapir, notamment - on pourrait citer Bernard Marris, agrégé d'économie -, a fait état des erreurs fondamentales - trous noirs - de votre école de "pensée"(Jacques Sapir - Les trous noirs de la science économique).

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  14. @ Desaix

    À la lecture de vos différents commentaires, je pense que Kaplan a raison: vous connaissez ou comprenez mal la pensée libérale.

    Vous dites par exemple que les libertariens sont utilitaristes alors qu'au contraire on trouve parmi eux, et notamment parmi les anarcap, les plus fervents adversaires de l'utilitarisme. Et c'est d'ailleurs le point qui différencie le plus libéraux et libertariens: les premiers peuvent parfois (je dis bien parfois) justifier des lois étatiques par des raisons utilitaristes, alors les seconds ont tendance à rejeter systématiquement toute justification utilitariste, ce sont des purs jusnaturalistes.

    Je pense également que vous comprenez mal ce qu'entendent les "autrichiens" par rationalité: pour les Autrichiens, Von Mises en tête, l'action humaine volontaire découle de la raison, et donc toute action humaine est "rationnelle". Mais cette rationalité est purement subjective. Même si telle ou telle action est considérée comme irrationnelle, illogique ou "bête" par le reste de la population, même si les moyens utilisés ne sont manifestement pas appropriés aux fins visées, même si le résultat n'est pas conforme aux attentes de celui qui a entrepris l'action, elle n'en reste pas moins rationnelle en ce sens qu'elle est fondée sur la raison de l'individu qui l'entreprend.

    Il s'agit donc d'une définition bien différente de celle des néoclassiques, pour lesquels la rationalité est définie comme l'adéquation des moyens aux fins visées.

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  15. @Matéo,

    Il ne me semble pas mal comprendre la philosophie des libertariens.

    Pour faire simple, je dirais que vous réduisez la raison au calcul. Dans ce dernier cadre, les subtilités entre les différents courants, ne sont, à mon sens, d'aucune portée.

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  16. @Desaix

    Il est une information que vous ne prenez pas en compte c’est le concept même d’information.
    La présence d’un état omniscient suppose que l’état, (ou l’organisme régulateur appelez-le comme vous voulez) connait les informations émises pas chacun des individus sous son pouvoirs.

    En effet, l’état a besoin d’avoir des informations pour prendre les décisions. Il ne peut pas se contenter de décréter que ceci serait bien ou cela ne le serait pas. Une telle pratique, conduirait inévitablement à ce que l’état adopte une position erronée sur le sujet.
    Or les informations ne sont pas disponibles a priori. Chaque individu ré ajuste son comportement en fonction des informations qu’il reçoit. Son nouveau comportement sera une nouvelle information pour un autre individu qui réajustera également son comportement. Les agents ne connaissent donc même pas leur comportement à l’avance. Comment l’état le pourrait ?
    De fait, l’état ne disposant pas des informations, il ne peut pas adopter les bonnes décisions.
    Autrement dit un système centralisé autour d’un axe étatique qui ne dispose des informations qu’a posteriori ne peut pas prendre les décisions optimales pour chaque sujet.


    C’est là que l’ordre spontané intervient. C’est le seul système qui prend en compte le réajustement permanent du comportement des individus qui se réajuste de manière rationnels en fonction des informations qu’ils reçoivent, elles même émises par d’autres comportements.

    Cordialement, BlackCloud

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  17. @Anonyme

    Non cher anonyme, ce n'est pas vraiment de l'Etat dont il s'agit, ce n'est pas même le problème essentiel discuté ici ; et ce qu'il faut interroger avant tout c'est la racine même de vos postulats.

    A ce titre, ce que vous (général) exposez, n'est rien d'autre qu'une théologie - la main invisible, tel le divin, est indémontrable et toujours "non-démontrée" - que l'ont pourrait dire tout à la fois utilitariste et matérialiste, et qui réduit la raison au calcul.

    Dans ce calcul global - quelles que soient les subtilités de ce calcul : objectif, subjectif... - il n'y a, et n'y aura jamais, aucune place pour l'Homme.

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  18. Cher Desaix,

    Je voudrais comprendre pourquoi mon propos n’est pas le cœur du sujet discuté ici ?

    Vous avez dit « Pour faire simple, je dirais que vous réduisez la raison au calcul ».
    SI je parle d’information et d’ordre spontanée, c’est parce que justement ce système ne calcule pas. J’ai dit « C’est le seul système qui prend en compte le réajustement permanent du comportement des individus ». Ce qui est sous entendue dans cette phrase - et que ma démonstration semblait dire clairement - c’est que la totalité des informations émises par les Hommes, ne peuvent pas être prise en compte dans un calcul. C’est pour ça qu’il est erroné de qualifier les libéraux d’utilitariste. Les libéraux n’ont pas créés de système dans lequel tout le monde aurait sa place pour remplir un objectif. Ils ont trouvés un système dans lequel tout individus libre à sa place, et c’est tout.
    L’ordre spontané – ou la main invisible – c’est la mise en mot d’une compréhension et d’une constatation de la nature libre de l’homme.
    Et il me semblait bien qu’on parlait de nature de l’Homme et de liberté dans ce débat.


    Ensuite, vous dite que ma démonstration est fausse dans sa majeur parce que l’ordre spontané est indémontrable.
    Deux choses.
    Vous dite que c’est indémontrable, l’usage voudrait donc que vous argumentiez votre avis. C’est pourquoi je vous lance un défi, celui de trouver un exemple (un seul) qui invaliderait ma majeure, et ma démonstration.
    Enfin, en ce qui concerne proprement « la racine de mon postulat » :
    J’ai dit « l’état a besoin d’avoir des informations pour prendre les décisions ». C’est la majeure de mon syllogisme. En quoi cela est indémontrable ?

    Ps : La joute rhétorique qui se joue depuis le début de l’article est un parfait exemple de l’ordre spontané. Chacun d’entre nous en recevant les informations (autrement dit arguments) émises par l’ensemble des participants peut potentiellement faire évoluer sa propre pensée.

    Cordialement,
    BlackCloud

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  19. @ BlackCloud

    SI je parle d’information et d’ordre spontanée, c’est parce que justement ce système ne calcule pas.

    Comment avez-vous établi que ce système ne calculait pas ? Par une révélation venue du ciel ? Grâce à votre part de raison et de calcul ?

    Vous voulez-dire que vous avez calculé, établi, mathématiquement, que le système ne calculait pas ?

    Vous avez pensez le système lui-même, en dehors de ce calcul rationnel qui vous est cher.

    Je m'attends à ce que vous me disiez que vous avez pensé dieu lui-même, grâce à votre esprit humain.

    L’ordre spontané – ou la main invisible – c’est la mise en mot d’une compréhension et d’une constatation de la nature libre de l’homme.

    La mise en mots ?

    Mais qu'y a t-il entre la mise en mots et cet ordre spontané manifestement - on ne sait toujours pas comment - constaté ?

    Vous parlez comme Moïse ayant reçu les tables de la loi ; après la révélation à Moïse, dieu lui-même grave la loi sur les tablettes : il va donc falloir, vous aussi, vous croire sur parole : Dieu a inscrit lui-même et a tout donné à Hayek et Von Mises, et pis c'est tout.

    La main invisible est, au mieux - si tant est qu'une scientificité quelconque puisse lui être attachée et qu'elle puisse ainsi nous être démontrée -, la constatation de la part déterminée de l'animal humain.

    L'homme est libre quand il n'est plus au creux de la main invisible, c'est là qu'il est un Homme véritable.

    Chacun d’entre nous en recevant les informations (autrement dit arguments) émises par l’ensemble des participants peut potentiellement faire évoluer sa propre pensée.

    Notre discussion avance, mais vous n'avez en rien modifié par une argumentation fondée ma position sur ces sujets. Je ne suis pas, ainsi, invariablement emporté par la nécessaire évolution attachée à notre discussion pour la raison que j'oppose ma conscience humaine - libre - à votre système mécaniste.

    Le fait qu'un système évolue et se réajuste est un froid constat applicable à une colonie de fourmis mais, jusqu'à preuve du contraire, la fourmis ne pense pas, n'a pas de conscience libre, ne relève pas de la raison humaine. Cela étant, si vous avez déjà déjeuner avec une fourmis, vous serez aimable de bien vouloir me faire état de la teneur de votre conversation avec celle-ci.

    Il y a de notables problèmes de logique dans vos développements, je vous invite à les résoudre ; vous trouverez vous-même, par ce moyen, ces réponses qui jusqu'ici vous échappent.

    En dernier lieu, je le maintiens, vous et vos camarades réduisez la raison au calcul.

    Cordialement,
    Aventin.

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  20. Desaix,

    Votre discours métaphysique sur l’« Homme véritable » est celui de l’homme qui, au chaud et au sec dans sa caverne, repus et habillé, peut s’offrir le loisir d’y penser.
    J’entends bien que cela vous déplait, que c’est un aspect des choses que vous méprisez mais le fait est que l’homme calcule. La réalité existe indépendamment de vos perceptions et de vos désirs. L’homme calcule parce que l’homme a appris que quand il cesse de calculer, il meurt.

    BlackCloud ne réduit pas la raison au calcul ; il intègre le calcul dans la raison tandis que vous, manifestement, le rejetez. J’imagine donc que vous ne calculez pas, vous vivez sans propos, sans but concret, vous ne possédez pas l’ordinateur devant lequel vous vous trouvez, ne percevez pas de rémunération pour votre travail et d’ailleurs peut-être même ne travaillez vous pas.

    Démontrer l’existence de la « main invisible » ? Je postule que le boulanger fait du pain dans le but égoïste de gagner de l’argent et que, ce faisant, il contribue à votre bien être. C’est ma théorie, c’est la main invisible. Quelle est la votre ?

    Que votre « conscience humaine » soit libre est une très bonne chose ; ce que nous souhaitons c’est que les actions qui découlent de cette conscience soit également libres. La situation d’un homme dont la conscience est libre mais qui ne peut vivre selon sa conscience parce qu’un autre homme lui impose sa volonté porte un nom : l’esclavage.

    Votre discours, qui consiste à nous expliquer que ces choses matérielles que sont l’exercice du libre arbitre ou la recherche du bonheur ne sont ce que devrait rechercher l’« Homme véritable », ressemble au discours d’un maître qui cherche à justifier l’asservissement de ses esclaves.

    Faîtes donc ce qui vous semble bon pour vous mais laissez nous décider pour nous mêmes.

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  21. @GK

    Non Kaplan, je ne rejette pas le calcul, je dis que je ne me réduis pas à celui, c'est tout le sens de mon propos selon lequel l'Homme est à construire, inlassablement, car il est à la fois l'Homme et la bête.

    La bête en moi calcul, l'Homme en moi rit de cette bête qui calcul au plus juste sa ration d'avoine.

    Jankélévitch dit, à-peu-près - on excusera cette rapide synthèse -, la chose suivante : l'ironie est le sourire de la conscience.

    Il n' y pas de place pour l'ironie dans votre monde économique si sérieux, dans vos calculs si savants, c'est cela que je constate.

    Sur le reste, n'imaginez pas un seul instant que j'ai pour objectif de vous voir me donner raison ; je respecte bien trop le libre arbitre de chacun, et ait bien trop d'ironie vis-à-vis de ces vérités - et de moi-même - qui ne sont telles que pour ma personne, pour vouloir une pareille chose.

    Je suis heureux que nous nous trompions - c'est forcé - de concert, par cette agréable discussion Georges Kaplan.

    Cordialement,
    Aventin.

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  22. Desaix,

    Mais c’est que nous sommes des bêtes Desaix. Nous ne sommes rien d’autres que des grands primates bipèdes à qui l’évolution a donné des capacités supérieures à celles du reste du règne animal. Cette animalité fait parti de nous ; elle nous compose au même titre que ces aspirations que vous jugez plus « élevées ». Rejeter cette part de notre nature c’est rejeter l’homme tel qu’il est.

    Il y a autant de place dans ma vision des choses pour l’ironie, la dérision, l’amour, la haine, le mépris, l’admiration, le calcul pragmatique, le questionnement métaphysique (etc…) que dans la votre. La seule différence étant que je les accepte toutes comme étant part de notre nature ; de ce qui fait de nous des hommes.

    Là n’est pas la question – pas la mienne en tout cas.

    La raison ; notre capacité à analyser, comprendre et résoudre les problèmes pratiques auxquels nous confronte notre existence est notre don le plus précieux. C’est cette raison, cette intelligence qui est à la source de la supériorité de notre espèce. C’est elle qui a permit aux hommes de dépasser le stade du grand primate pour devenir ce que nous sommes.

    Et c’est cette même raison qui nous a démontré de la manière la plus éclatante qui soit que l’usage du libre arbitrage, la liberté des échanges, le droit à la propriété et la possibilité de disposer de nos vies comme bon nous semble est – de loin – la seule organisation qui permette à ce potentiel de s’exprimer.

    Aussi vrai que ma vie sur cette terre a eut un début ; elle aura aussi une fin. Entre temps, je veux créer, construire, réaliser mon potentiel aussi loin que mes forces et mon intelligence le permettent. Je veux du bonheur, du bonheur que j’ai mérité sans en priver personne d’autre, sans jamais vivre aux dépends de mon prochain et sans jamais laisser personne vivre à mes dépends.

    Vous trouvez peut-être que mes aspirations ne sont pas assez élevées pour l’« Homme véritable ». C’est bien possible. Mais c’est ma vie.

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  23. Il y a, Georges, beaucoup - enfin à mon sens - de contradictions dans votre dernier commentaire en réponse - 15:05 -, ce dès le premier paragraphe, où vous dites tout et son contraire.

    Mais un des grands "impensés" de vos théories, une de ces choses sur lesquels tout votre système s'effondre - et je ne parle pas même des apports mathématiques de Debreu (passés sous silence...) qui font voler en éclats vos thèses, ou de données plus "spirtitualistes" relatives à la définition de l'Homme -, c'est le don.

    Je vous renvoie à la Revue du Mauss, revue anti-utilitariste, et aux travaux, notamment, d'Alain Caillé.

    L'économisme que vous proposez va droit, à mon sens, vers une nouvelle forme de totalitarisme.

    http://www.revuedumauss.com/

    Voir notamment sur ce site la rubrique "à propos du Mauss" et le 6° intitulé "Le paradigme du don" donnant accès à un fichier PDF(je précise n'avoir pour ma part aucun lien avec ce site, par ailleurs très intéressant).

    Je pense, cher Georges, et ce sans esprit polémique, que vos thèses économiques et politiques en général, sont tout simplement dangereuses.

    Cordialement,
    Aventin

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  24. Comme toujours avec les abrutis, c'est à vous de lire la documentation idoine avant de réfuter vous-même votre argument.

    Si vous avez quelque chose de concret et de sensé à exposer, Desaix, faites-le. Jusqu'ici vous ne faite de jacter sur la prétendue supériorité de votre vision du monde vis-à-vis des "théories" libérales. Je ne vois pas pourquoi M. Kaplan, dont j'admire la patience, devrait faire votre boulot à votre place.

    En fait, il y a fort à parier que ce que vous considérez comme des "grands impensés" ne sont que des phénomènes marginaux négligeables, et vous êtes, à tout le moins, très loin d'apportez un quelconque argument qui puisse nous faire penser le contraire. Mais allez-y, montrez nous le versant crypto-totalitaire du libéralisme, je suis persuadé que vous êtes sur une bonne piste...

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  25. @Desaix

    Cher monsieur,

    J'ai l'occasion de lire depuis quelques jours votre échange avec Georges Kaplan.
    Je ne doute pas de votre sincérité ni de vos connaissances philosophiques, néanmoins je pense qu'il y a un malentendu fondamental dans votre définition du libéralisme.

    On enfonce probablement ici des portes ouvertes, mais rappelons une fois de plus cette définition : le libéralisme, c'est la liberté donnée à tout individu de disposer, physiquement et moralement, de lui-même et de ses biens tant qu'il n'empêche pas les autres de faire de même.

    Le libéralisme n'apporte donc aucune "vision du monde", aucun a priori philosophique ou idéologique, il n'a pas de présupposé, matérialiste ou autre. C'est à chacun d'y insérer sa vision du monde.
    Le libéralisme vous laisse totalement libre de votre vision du monde et de l'Homme. Il ne vous interdit pas d'avoir une très haute opinion de ce qui fait l'Homme, ni ne vous interdit l'idéalisme. En fait, il ne vous interdit rien. Vous êtes libre.
    Le libéralisme vous laisse complètement libre de construire la société et l'Homme que vous désirez. si vous trouvez suffisamment de gens pour la partager avec vous, vous pouvez construire n'importe quel idéal, voire n'importe quelle utopie, vous pouvez construire une société du don, du moment que vous n'y faites adhérer personne contre son gré. Vous êtes libre.

    Le libéralisme n'est pas un matérialisme, ni même un utilitarisme, encore moins un totalitarisme. Le fait que les sociétés libérales aient une nette tendance à créer plus de confort ou de richesses pour leurs membres n'est somme toute qu'un effet secondaire, certes fort utile et sympathique, mais il n'est pas le but premier du libéralisme. Si un jour un visionnaire proposait un modèle de société et de l'Homme qui assurerait - réellement - plus de richesses que le modèle libéral, mais au prix d'une réduction, même partielle, des libertés, alors tous les libéraux s'y opposeraient farouchement.

    Le libéralisme n'est pas Wall Street ni la haute finance, ni même la course effrénée au profit ou à la richesse matérielle. La recherche du profit est simplement le choix d'un très grand nombre de personnes quand on leur laisse la liberté de choisir leurs activités. C'est - peut-être - regrettable, mais c'est leur choix. Vous avez vous-même la liberté de construire une société fondée sur le don avec les gens qui partagent votre idéal, et il y en a sans doute beaucoup, mais ne l'imposez pas aux autres, tout comme les autres ne vous imposent pas la course au profit. Quand le matérialisme est imposé, c'est un manque et non un excès de libéralisme.

    Le libéralisme n'est absolument pas incompatible avec le don, bien au contraire. Dans les sociétés vraiment libérales, c'est même le don, via l'activité associative, qui est la base de la protection sociale aux plus démunis, bien plus que l'impôt coercitif.

    Georges Kaplan est libéral, par le fait même qu'il vous laisse exprimer votre opinion et la respecte, bien qu'il ne la partage pas.
    Et vous, ipso facto également, en argumentant avec lui plutôt qu'en voulant lui imposer votre opinion... vous êtes libéral.

    Bien à vous,

    Benjamin Franklin

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  26. @Anonyme

    On enfonce probablement ici des portes ouvertes, mais rappelons une fois de plus cette définition : le libéralisme, c'est la liberté donnée à tout individu de disposer, physiquement et moralement, de lui-même et de ses biens tant qu'il n'empêche pas les autres de faire de même.

    La liberté donnée ? Mais comment et par qui ? Si elle est donnée, il y a forcément quelqu'un qui donne.

    Le libéralisme n'apporte donc aucune "vision du monde", aucun a priori philosophique ou idéologique, il n'a pas de présupposé.

    Le libéralisme, c'est donc la voix - et la voie - de dieu ?

    J'ai déjà dit ici que votre libéralisme était une théologie de plus.

    Je me suis demandé, au vu de vos développements subséquents, qui m'ont tout de même tiré un sourire - tout à fait amical rassurez-vous - si vous n'alliez pas finir par me vendre le programme du CNR ; un programme au sein duquel, comme chacun sait, il n'y avait que des libertariens.

    Vous finissez, bien logiquement, par un "vous êtes libéral", comme un moine-compilateur chrétien du moyen-âge aurait pu finir sa lettre à un agnostique ou un athée par un "vous êtes chrétiens, vous aussi".

    La foi, ça ne se discute pas ; je ne vous empêche en rien de croire en la main invisible de Dieu. Pensez tout de même, que Dieu, s'il existe, n'est peut-être pas qu'une main.

    Pour le reste, je me permets de vous renvoyer à mes pots précédents.

    Cordialement,
    Aventin

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  27. @Desaix
    La liberté est donnée par l'Etat. N'y voyez pas une incohérence de la "théorie" libérale, les libéraux s'entendent à dire que le monopole de la violence doit être confiée à une institution supérieure chargée de s'assurer que la liberté des uns n'attente pas à celle des autres. La violence envers autrui est (et doit être) le seul "droit" retiré aux individus.
    Ce qui fait la différence avec un Etat constructiviste, c'est que l'Etat libéral s'arrête à cette fonction régalienne, de telle sorte que le pouvoir de l'Etat ne puisse être que la volonté de TOUS, et non juste de la majorité, pour éviter précisément que la majorité puisse opprimer légalement une minorité. L'Etat libéral laisse également la possibilité aux individus de faire sécession et de s'installer ailleurs.
    Ce point éclairci, à la relecture de vos précédents posts précisément, je reste perplexe.
    vous disiez vous-même :
    Ce qui pour moi est central en l'Homme, c'est, je me répète, la capacité de celui-ci à se définir lui-même, comme à chercher ce Sens qui le dépasse.
    Je veux bien que dans ce cadre là une part de ladite faculté, se faisant rationalité pratique, soit mis à contribution aux fins de définir l'environnement le plus favorable au développement d'un cadre de vie, mais c'est là à mon sens restreinte l'Homme que de le croire se réaliser comme Homme par cette cette simple organisation de son environnement.

    En quoi tout cela serait-il incompatible avec le libéralisme ? Je le répète à nouveau, contrairement à ce que vous semblez penser (mais peut-être que je me trompe ?), le libéralisme n'est pas un culte de la raison ou du calcul. Vous êtes libre de mener votre vie comme vous l'entendez, avec ou sans calcul, avec un peu ou beaucoup de calcul, peu importe ! Les libéraux aussi peuvent avoir des idéaux non matérialistes, ou ne pas en avoir, il y a des libéraux athées, croyants ou agnostiques...l'essentiel étant qu'ils ne cherchent pas à imposer leurs vues à d'autres, mais ça ne les empêchent pas de s'organiser comme bon leur semble avec d'autres libéraux qui partagent leurs goûts dans tel ou tel domaine.

    L'homme est un Homme quand il pense l'Homme.

    Bien sûr. Tout ce que le libéral souhaite en sus, c'est que l'homme ne cherche pas à penser à la place de son voisin.

    Vous évoquez régulièrement la "main invisible" comme élément de foi du libéralisme, et comme concept résolument rationaliste et calculateur.
    Entendons-nous bien. Les libéraux ne "croient" pas en la main invisible. La "main invisible" est une métaphore utilisée par Adam Smith pour décrire le fait (le constat ?) que, sans aucune coercition entre eux autre que l'assurance de ne pas faire usage de violence sur autrui ou le bien d'autrui, des hommes étaient capables d'organiser leur existence matérielle de manière satisfaisante. Le terme lui-même est peut-être impropre, on utiliserait plutôt aujourd'hui le terme "phénomène émergent". Ce constat a été fait à de nombreuse reprise, ce qui ne prouve pas que ce soit une loi absolue bien sûr (d'ailleurs Adam Smith lui-même plaçait de nombreuses activités comme la voirie, la santé publique, en dehors de ce constat, et le périmètre du "marché" fait toujours l'objet de débats parmi les libéraux), et ce constat n'est pas non plus le fondement du libéralisme. Comme je le disais précédemment, c'est un effet secondaire bienvenu, et non le but recherché.

    Pour répondre à votre remarque sur le programme du CNR, vous semblez oublier que ce programme est extrêmement coercitif (tout y est obligatoire, sous monopole légal d'Etat), donc aux antipodes du libéralisme.

    Pourriez vous donc me résumer à nouveau (là encore, je vous ai peut être mal lu) les points de "foi" du libéralisme qui en ferait une théorie dangereuse, car c'est surtout cette affirmation de votre part qui motive ma réaction ?

    Cordialement,
    B.F.

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  28. @B. F.

    Mais de quel libéralisme parlez-vous ? Du libertarianisme ?

    Dites-moi précisément de quel libéralisme vous parlez, et des postulats précis, détaillés - ces éléments fondamentaux de la "doctrine libérale" dont vous faites mention - que vous mettez sous le mot libéralisme.

    A défaut de telles précisions, nous ne savons pas de quoi nous discutons et tout se perd en grandes déclarations très générales sans portée véritable - moi aussi je pense que la liberté c'est mieux que l'asservissement.

    Quel libéralisme, quels principes, précisément ?

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  29. @Desaix
    Il n'y en a pas trente-six versions.
    Georges Kaplan m'arrêtera si je me trompe, mais voilà ce que j'en sais :
    Le principe fondamental reste la possibilité pour tout homme de disposer librement de sa personne, moralement et physiquement, ainsi que de ses biens, dans la mesure où il n'empêche pas les autres de le faire.
    Cette limitation est assurée par une institution qui dispose du monopole de la violence, et dont la gestion doit être bardée autant que possible de contre-pouvoirs. Le vote et les différentes forme de démocratie sont un contre-pouvoir généralement efficace, ainsi que la séparation des pouvoirs.
    Le pouvoir de cette institution devrait idéalement rester confiné à la gestion de la violence et à la garantie des contrats passés entre individus
    En dehors de cela, les hommes sont libres de leur existence et de leurs idéaux. L'organisation sociale est basée uniquement sur le contrat entre parties consentantes.
    Ainsi, le libéralisme permet à des gens de s'associer, par exemple en mutuelles, pour mettre en place une sécurité sociale, des règlements, des normes sanitaires ou sociales, qui ne touchent que leurs adhérents. Il permet aussi aux hommes de quitter ces associations quand ils estiment qu'elles ne remplissent plus leur rôle, et d'en créer éventuellement de nouvelles.
    Le libéralisme permet aux hommes de créer des associations pour venir en aide aux démunis ou pour élever la moralité de leurs semblables, sachant toujours que personne ne doit être obligé de participer à ces associations, ni d'accepter l'aide matérielle ou morale proposée.
    Le libéralisme permet aux gens de choisir ce qu'ils produiront, à quel prix ils sont prêts à le vendre, à qui, pour qui ils sont prêts à travailler, qui ils sont prêts à embaucher.

    Vous me direz sûrement qu'une liberté totale mènera à l'asservissement de beaucoup et à la dictature de quelques-uns, en fonction de la répartition initiale de la propriété. C'est peut-être vrai, mais le libéralisme, parce qu'il permet aussi aux travailleurs de s'organiser en syndicats, aux consommateurs de boycotter, aux citoyens de vérifier les comptes, et aux chercheurs de développer de nouvelles ressources indépendantes de la répartition initiale des biens, donne aussi aux hommes tous les moyens du progrès social.

    En espérant avoir pu faire progresser le débat,

    Cordialement,

    B.F.

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  30. @B. F.

    Je comprends mieux désormais la teneur de vos posts.

    Ce que vous décrivez, cela n'est pas cette théorie libérale, dans la droite ligne de Smith, Von Mises et Hayek, mais les organes politiques et principes de liberté issus des théories de la liberté politique du XVIIème siècle - notamment.

    Parmi ces théories, certaines sont dites libérales et ainsi issues de ce libéralisme politique qui pensent, à sa manière, les libertés individuelles - l'individu - et le rapport de l'Etat à une certaine morale civile et religieuse dans la société (comment sortir des guerres de religions et de la foi ? La réponse fut : traçons un cadre politique axiologiquement neutre... Morale et libéralisme...).

    Précisons que ces libertés politiques "modernes" on pu être envisagées avant même lesdits penseurs - leur formalisation de manière plus ou moins concrètes sur un plan théorique - du libéralismes politiques ; je pense ainsi à ces juristes qui ont pu mener une critique forte de l'absolutisme royal (je vous conseille sur le sujet Blandine Kriegel et Q. Skinner).

    Ainsi, tout ce que vous développez dans votre dernier post n'a, me semble-t-il, rien à voir avec les références dont M. Kaplan fait état en tout premier lieu sur son blog, soit ces penseurs économiques libéraux français classiques (Turgot, Say, Bastiat...) et l'école autrichienne d'économie(Von Mises, Hayek...).

    C'est un peu - prenons un exemple - comme si vous confondiez la liberté de commercer, vieille liberté dont les contours ont évolués, avec le libéralisme économique et/ou le néo-libéralisme.

    Je pense que vous mélangez tout. Je comprends mieux désormais la teneur de vos posts.

    Qu'en pensez-vous ?

    Bien cordialement,
    Aventin

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  31. Robert Marchenoir25/05/2011 02:23

    "Pourquoi tout les systèmes économiques planifiés ont-ils tous, sans aucune exception, été des échecs dramatiques ? Comment notre société humaine a-t’elle été capable de produire des appareils aussi fantastiquement complexes qu’un iPhone et ses composants sans aucune planification centralisée ?"

    Hahaha, mais justement : l'iPhone n'a pu être produit que grâce à un certain degré de planification centralisée.

    Monsieur Stéphane Jobs n'est pas venu au bureau, un matin, en disant : bon les gars, amusez-vous, faites ce que vous voulez, simplement n'oubliez pas de passer à la caisse tous les 31 du mois, et puis pouf, un an plus tard, l'iPhone est sorti.

    Monsieur Stéphane Jobs a procédé à un minimum de planification centralisée. Pas que centralisée. Mais pas mal centralisée quand même.

    Ca me rappelle une fois où je suis allé aux urgences, et qu'au bout de quelques heures, j'ai demandé au régulateur un truc ressemblant à une prévision de temps d'attente.

    Et le type, avec toute l'arrogance du fonctionnaire qui explique la vie aux civils, me jette : Monsieur, ici on fait dans l'humain, on ne peut pas prévoir.

    Ben si, connard. C'est justement parce que tu fais dans l'humain que tu peux et que tu dois prévoir.

    Parce que si les gens qui "font dans l'humain" ne pouvaient pas prévoir, ben ton boulanger, quand tu passes à 8 h pour acheter ton pain, il te dirait : bah, moi, Monsieur, je travaille avec des mitrons, je fais dans l'humain, je peux pas prévoir ; là, j'ai pas de pain, repassez plus tard dans la journée, il y en aura peut-être.

    Inutile de vous dire qu'un tel boulanger ne tiendrait pas longtemps.

    Si les gens qui "font dans l'humain" ne pouvaient pas prévoir, il n'y aurait pas d'horaires de train. Tu irais à la gare, tu t'assieirais le long du quai, et tu attendrais quelques jours qu'un train finisse par passer. Peut-être. Si ça se trouve.

    Remarquez qu'en Afrique, c'est comme ça que ça se passe. Mais, par un curieux rapport de cause à effet, l'Afrique n'a pas produit l'iPhone...

    C'est seulement parce que le fonctionnaire a un poil dans la main et des comptes à rendre à personne qu'il peut se payer le luxe de dire : moi je travaille dans l'humain, je ne peux pas prévoir.

    Les autres sont obligés de procéder à un minimum de "planification centralisée".

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  32. Robert Marchenoir,

    Ne faites pas l’enfant Robert ; vous savez pertinemment ce que j’entends par « planification centralisée »...


    Desaix,

    Voilà justement une des grandes sources de votre incompréhension : pour un libéral il n’y a pas de différence entre ce que vous appelez « liberté politique » et « liberté économique » ; pas plus qu’il n’existe de différence, pour nous, entre liberté d’expression, liberté d’entreprendre, liberté de la presse, liberté des prix (etc…). Nous appelons ça liberté (cf. DDHC, IV). Ce que nous appelons « libéralisme », c’est le système de pensée qui regroupe toutes ces dimensions.


    Benjamin Franklin,
    Rien à redire ;)

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  33. @Desaix
    Le malentendu porte précisément sur la confusion entre la "liberté" (ou libéralisme politique) et le "libéralisme" d'Adam Smith et des autres auteurs que vous citez (qui désignerait le libéralisme "économique").
    Justement, l'affirmation des libéraux "économiques", c'est que... c'est la même chose.
    Ce que pensent Adam Smith, Hayek, Georges Kaplan, les libéraux en général et moi-même, c'est que le libéralisme "économique" n'est rien d'autre que l'application des libertés fondamentales au domaine économique. Le libéralisme est un tout.
    Les penseurs du libéralisme économique sont simplement des gens qui, adhérant aux idées de liberté en général, estiment que puisque les hommes peuvent organiser la vie politique d'une façon satisfaisante sans autre contrainte que l'interdiction de la violence, ils sont aussi capable d'organiser la vie économique dans les mêmes conditions.
    Il n'y a pas de "néo" libéralisme. Tous les penseurs libéraux (au sens économique du terme) sont aussi des libéraux politiques. Adam Smith, Bastiat, mais aussi Hayek, Friedman, défendent avec vigueur la liberté d'association des ouvriers, les libéraux "économiques" furent même au cours du XIXe siècle les premiers défenseurs du droit de grève et partisans de la suppression du livret ouvrier et des corporations. Pour reprendre votre propos, si, la liberté de commercer est bel et bien égale au libéralisme économique.
    Ainsi Georges Kaplan n'est pas le porte-parole des milieux d'affaires, ni ne réclame la primauté de la liberté des patrons sur celle des ouvriers. Il défend juste le droit de tout homme à monter une entreprise, à embaucher les gens qu'il juge apte à réaliser un travail, à s'en défaire quand il n'en est plus satisfait, à gagner de l'argent pour satisfaire ses besoins matériels (ce qui ne lui interdit nullement d'avoir des besoins spirituels bien sûr), mais AUSSI le droit de tout homme à négocier par contrat ses conditions d'emploi, à saisir un juge quand ce contrat est bafoué, à s'organiser avec ses collègues pour négocier au mieux avec son employeur, à changer de patron, de fournisseur, de banque, de mutuelle selon son jugement, à vendre ses produits moins cher que son concurrent.
    Finalement la "main invisible" d'Adam Smith n'a rien de "magique" et n'est pas un concept de foi : elle signifie simplement que puisque les droits et libertés fondamentales des hommes s'équilibrent entre eux, du fait de l'interdiction de la violence, alors leurs droits et libertés "économiques" s'équilibrent également.
    Ce que vous avez l'air de mettre sous l'appellation "libéralisme économique" ou "néolibéralisme" n'est en réalité pas du libéralisme, en tous cas pas au sens où tous les individus qui s'affirment libéraux le pensent. Quand quelqu'un affirme qu'il est nécessaire de faire primer les droits des hommes d'affaires, des banques, des politiciens ou que sais-je encore, sur le reste de la société, alors quelles que soient ses justifications, ce n'est pas un libéral, c'est un conservateur, un dirigiste, un socialiste, un féodaliste ou au mieux un paternaliste.
    Le blog de Georges Kaplan traite surtout de questions macroéconomique, ne lui en faisons pas le reproche, c'est très probablement sa spécialité. Cela peut masquer les aspects "sociaux" du libéralisme (encore qu'il fasse régulièrement des posts sur ces sujets), mais ils existent néanmoins bel et bien.
    Dans tous les cas, il y a bien une confusion dans la signification des termes "libéralisme" et "libéral" pour beaucoup de gens, et de ce fait je crois que vous prêtiez à Kaplan, Hayek, Friedman et Smith des idées qui ne sont pas les leurs.
    Cordialement,
    B.F.
    P.S. : oups, la rédaction ayant eu lieu avant le dernier post de Kaplan, il y a sans doute des redites, navré...

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  34. @ Anonyme, Georges Kaplan,

    Justement, l'affirmation des libéraux "économiques", c'est que... c'est la même chose.

    Le problème c'est qu'il n'y a pas un historien des idées sérieux (prenons un grand nom comme Pierre Manent, incontestable sur l'histoire du libéralisme, qui ne réfute (1) clairement la thèse de l'unité des libéralismes) ou un philosophe de la politique - libéral politiquement - contemporain, qui soutient cette thèse.

    http://www.radio.cz/fr/rubrique/economie/pierre-manent-donner-un-cadre-politique-au-liberalisme

    Le seul qui maintient cette thèse de l'unité (2) en la fondant sérieusement à mon sens, c'est Michéa ; mais ce dernier, bien que reconnaissant que cette thèse de l'unité est contestée par la plupart, la maintient pour disqualifier intégralement le libéralisme, tant économique que politique (analyse plus philosophique qu'historique d'ailleurs).

    Messieurs, vous n'êtes pas trés sérieux sur ces questions, car parmi ces historiens et philosophes pertinents validant le libéralisme politique, aucun ne défend la thèse de l'unité des libéralismes politique et économique.

    Même le vieux Touchard - on part du côté de l'antique... -, dans son vieille ouvrage d'histoire des idées politique (3), ne faisait pas cette confusion tout à fait malheureuse.

    Puis-je vous demander quels sont vos parcours dans le supérieur, économie non ?

    En dernier lieu, tout cela n'enlève rien au fait que le libéralisme économique réduit la raison au calcul, l'Homme à son animalité.

    Le gouvernement des hommes, ce ne peut-être l'administration des choses.

    Cordialement,
    Aventin

    ______________

    1. Histoire intellectuelle du libéralisme (P. Manent)
    2. L'Empire du moindre mal(J. -C. Michéa)
    3. Histoire des idées politiques(Jean Touchard)
    4. Impasse Adam Smith (J. -C. Michéa)

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    1. Conseiller Michéa c'est se décrédibiliser totalement. Michéa est juste un inculte ne connaissant rien au libéralisme.
      Lisez ceci sur Michéa: http://www.senscritique.com/livre/L_empire_du_moindre_mal_essai_sur_la_civilisation_liberale/critique/22992266
      http://fr.liberpedia.org/Jean-Claude_Mich%C3%A9a
      http://aristidebis.blogspot.be/2013/11/jean-claude-michea-le-chagrin-et-la.html
      Si vous aviez lu les auteurs libéraux vous seriez à quel point ce que raconte Michéa est ridicule

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  35. Desaix,
    Je suis, au contraire, « très sérieux sur ces questions ». Vous qualifiez trois auteurs, qui ont le mérite à vos yeux de soutenir des thèses analogues aux vôtres, d’historiens et de philosophes pertinents et en concluez que leur (votre) avis a valeur de vérité universelle. En d’autres termes, vous êtes en train de nous expliquer que ce que nous – Benjamin, moi-même et quelques siècles de penseurs libéraux – ont pensé et défendu n’existe pas au motif que Jean-Claude Michéa – un auteur notoirement antilibéral – estime que ça n’existe pas. Vous sauriez donc mieux que nous ce que nous pensons ? Allons donc…

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  36. Georges Kaplan,

    Je ne sais pas si Michéa se qualifie lui-même d'anti-libéral, mais en tout état de cause, il n'y a aucune raison de se trouver honteux d'être libéral - les libéralismes : y compris le vôtre - ou anti-libéral, voire même anti-utilitariste.

    Je ne vous mets pas, vous - ou Ben... -, en cause, mais seulement votre courant de pensée.

    Je ne dis pas, enfin, que tout cela n'existe pas, sans quoi, je ne sais pas ce que je pourrais critiquer en l'espèce ; je conteste simplement la pertinence des analyses présentées.

    Je ne sais pas mieux que vous ce que vous pensez, mais je pense que ce que vous présentez est faux s'agissant de l'unité des libéralismes, et "dangereux" s'agissant valeurs que porte votre courant d'idée qui, pour moi, diffère très notablement de ce qu'est le libéralisme politique.

    Cordialement,
    Aventin

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  37. Desaix,

    Une première étape serait de considérer Adam Smith, Say, Bastiat, Mises, Hayek, Popper, Proudhon, Aron, etc. pour ce qu'ils sont avant toutes choses : des libéraux politiques. Quelle que soit l'opinion que vous avez d'eux, vous ne pouvez nier qu'ils défendent avant tout, avant même toute considération matérielle ou utilitariste, les libertés fondamentales, ou alors il convient de les relire.

    Ensuite, je vous invite à nous dire par des exemples en quoi le libéralisme politique et le libéralisme économique seraient inconciliables, c'est-à-dire en quoi la liberté peut s'appliquer au champ politique et pas au champ économique.

    Enfin, je me répète, en quoi une théorie qui met en avant la liberté avant tout peut s'avérer dangereuse ? Pouvez nous présenter des exemples de cela également ?

    Cordialement,
    Benjamin Franklin

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  38. Robert Marchenoir26/05/2011 15:52

    "Ne faites pas l’enfant Robert ; vous savez pertinemment ce que j’entends par « planification centralisée »..." (Georges Kaplan)

    C'est tout à fait charmant. Je vois que le dogmatisme et l'insulte à l'égard de quiconque n'est pas à 100 % d'accord avec le Seigneur et Maître des lieux se portent aussi bien du côté libéral que du côté anti-libéral.

    La liberté de pensée et le goût du débat oui, mais seulement pour ceux qui pensent exactement comme moi.

    J'ignorais que j'étais sur un site communiste. Mille excuses.

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  39. Robert Marchenoir,
    Voilà que ça vous reprend… Je n’ai pas fait preuve de dogmatisme et ne vous est pas insulté ; j’ai souligné que j’utilisais le terme de « planification centralisée » dans un sens bien précis (i.e. « économie planifiée » si vous préférez).

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  40. Chibounidia27/02/2017 12:41

    Et les partisans du libéralisme – auquel Michéa attribue pratiquement tous les maux de la Terre, sans que personne jamais ne lui réponde… –, ils en pensent quoi de Michéa ? Ils en pensent ça : http://fr.liberpedia.org/Jean-Claude_Mich%C3%A9a

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