En défense du capitalisme mondialisé

Aussi loin que l’on puisse remonter, les hommes ont toujours vécu dans un monde de pénurie. Pendant des millénaires, les fils n’avaient aucun espoir de vivre mieux que leurs pères et n’avait rien de mieux à attendre de la vie qu’une météo clémente et un roi peu enclin à convoiter les royaumes de ses voisins. Selon les estimations d’Angus Madisson [1], le niveau de vie de nos semblables n’a ainsi augmenté que d’environ 32% de l’an 1 à l’an 1700, c’est à dire 0.02% par an ; autant dire qu’il a stagné durant près de deux millénaires.

Mais dans cette Angleterre du début du XVIIIème siècle, il va se passer quelque chose qui changera défensivement la vie de milliards de nos semblables. Des inventeurs, des entrepreneurs, des financiers et des ingénieurs vont profiter des possibilités que leur offre le régime le plus libéral d’Europe – garantie des droits de propriété, liberté des prix, absence de barrières douanières internes, possibilité de déposer des brevets et un système financier efficace – pour inventer ce que la postérité appellera le capitalisme et donner le coup d’envoi de ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de révolution industrielle. De 1700 à 2008, le niveau de vie moyen des anglais va être multiplié par 19 – soit une progression de pratiquement 1% par an ou 14 fois plus vite que durant les deux millénaires qui avaient précédé.

Progressivement, cette révolution va gagner le reste de l’Europe puis les pays que nous appelons aujourd’hui « développés » : à l’échelle mondiale, sur la même période, les revenus de nos semblables vont être multipliés par 12 – soit une progression annuelle de 0.82%. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, la grande masse des gens ordinaires va commencer à s’enrichir et à s’enrichir durablement. Jamais rien de semblable ni même d’approchant n’avait eut lieu auparavant. Peu de gens s’en rendent compte aujourd’hui mais en 1820, près de 85% de la population mondiale vivaient avec moins de l’équivalent d’un dollar actuel. En 1950, ce chiffre était tombé à 50% de la population mondiale et, selon les dernières estimations, les victimes de pauvreté extrême seraient moins de 15% aujourd’hui.
Mais une plus grande révolution restait encore à venir. Elle a commencé en 1949, sur les décombre de la seconde guerre mondiale, avec la signature des accords du GATT qui marque le début de ce que nous appelons la « mondialisation ». En réalité, la mondialisation est un phénomène aussi vieux que la route de la soie et la flotte marchande phénicienne mais quand les principales puissances économiques mondiales décident d’abandonner leurs politiques protectionnistes, ils provoquent une formidable accélération du phénomène. Les marchés, jusque là, engoncés dans d’étroites frontières nationales deviennent mondiaux.

De 1950 à 2008, l’amélioration de nos niveaux de vie s’accélère. D’un rythme annuel de 0.49% entre 1700 et 1950, elle passe à 2,24% de 1950 à 2008. En 58 ans le revenu moyen de nos semblables a été multiplié par 3.6 et, comme déjà noté plus haut, la pauvreté extrême a reculé plus vite que jamais. Confrontés à l’échec flagrant des tentatives de planification économique, de nombreux pays dits « en voie de développement » adoptent finalement l’économie de marché et commencent à rattraper nos niveaux de vie à une vitesse proprement sidérante – sur la même période, le revenu moyen des chinois est multiplié par 15 ! En 1950, l’espérance de vie des habitants des pays en voie de développement était estimée à 41 ans ; elle a franchi le cap des 68 ans en 1998. En une soixantaine d’années, le taux de mortalité infantile [2] du tiers monde a été divisé par trois (de 18% en 1950 à moins de 6% aujourd’hui), le nombre de personnes ayant accès à une source d’eau potable a doublé et, alors même que la population a connu sa plus forte croissance historique, le nombre de victime de sous-nutrition est passé de 37% en 1970 à environ 12% aujourd’hui.

C’est le plus gigantesque mouvement de rééquilibrage de la richesse mondiale qui n’ait jamais été observé. Nous avons ouvert la voie ; ils sont en train de nous rattraper encore plus vite que ne l’avaient fait le Japon et la Corée du sud. Des pays aussi immenses que la Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie ont d’abord centré leur développement sur leurs activités exportatrices en devenant les usines du monde. Progressivement, le rythme formidable de leur croissance tire les salaires à la hausse et permet à une immense classe moyenne de voir le jour. Il est plus que probable que le mouvement de délocalisation ait déjà franchis sont intensité maximale [3] et que nous assistions bientôt à des « relocalisations » accompagnées par l’explosion de la demande intérieure de ces pays.

Mais le plus extraordinaire, c’est que le nivellement se fait par le haut. L’idée selon laquelle la croissance du tiers monde se soit faite à nos dépends ne résiste pas à l’observation des faits : les français, par exemple, dont les revenus avaient progressé de 0,73% par an entre 1700 et 1950 se sont enrichi à un rythme annuel de 2.13% durant les 58 années suivantes ! Si cette progression a été moins rapide depuis les années 70, accuser l’économie de marché ou la mondialisation relève plus du slogan politique que d’une analyse sincère de la réalité. Le fait est que l’économie de marché nous a sorti de la misère et que la mondialisation nous a rendus riches. Plutôt que de chercher à tuer la poule aux œufs d’or et de chercher à accuser les autres, nous ferions peut être mieux de nous interroger sur nos propres faiblesses et sur nos propres erreurs. Notre peuple a prouvé à de nombreuses reprises qu’il était capable de géni et que rien ne lui réussissait mieux que la liberté ; qu’attendons-nous pour recommencer ?


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[1] Angus Madisson (1926 –2010) était un  économiste britannique spécialisé dans l’étude de la croissance à long terme.
[2] Pourcentage de nouveaux nés ne survivant pas à leur première année.
[3] Plusieurs études menées ces dernières années ont révélé que de nombreuses entreprises qui avaient délocalisé réfléchissent de plus en plus sérieusement à suivre le chemin inverse : la hausse des salaires mais aussi celle des coûts de transports sont les principales raisons invoquées.

8 commentaires:

  1. Analyse un peu trop macro pour convaincre quiconque n'est pas encore convaincu mais qu'il est toujours bon d'entendre.

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  2. Joe,
    On fait ce qu'on peu avec ce qu'on a ;)

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  3. Ce n'était aucunement une critique. A la lecture de votre blog, je pense partager bon nombre de vos idées et vous avez raison de rappeler ces éléments essentiels. Le problème, c'est qu'un fan de Mélenchon viendra avec l'exemple de la voisine de sa grand-mère qui vit dans la plus grande misère pour vous démontrer que forcément, vous racontez n'importe quoi. Et vous aurez beau justifier vos sources, cet abruti aura discrédité votre constat.

    Enfin, pardonnez moi cette lassitude de ma part, d'avoir l'impression que nos arguments aussi bons soient-ils, convainquent difficilement le français moyen.

    Mais votre démarche est la bonne, remettons sans fin notre métier sur l'ouvrage et le nombre de personnes voyant "ce qui ne se voit pas" atteindra un jour un seuil critique. Du moins, tel est mon vœu.

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  4. J'ai l'occasion de vérifier ça tout les jours. Oui, nos compatriotes ont oublié depuis bien longtemps ce qu'est le libéralisme mais nous avons tout de même un avantage sur les 'mélanchonistes' et autres dirigistes de droite comme de gauche : l'histoire nous donnera raison. Et puis à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire :)

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  5. A Georges

    Pourquoi "donnera" ?
    Ne nous a-t-elle pas déjà donné raison ?

    Par ailleurs Jean-François Revel a écrit de très belles pages sur l'idéologie et expliqué que les faits n'ont aucune prise sur le discours des idéologues...

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  6. Dimitri,
    J'espère (naïveté?) convaincre ceux qui ne se sont pas encore trop fait bouffer le cerveau par les intellectuels...
    Relire "Intellectuals and Socialism" de Hayek ;)

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  7. Jacques Marseille réincarné.

    Bravo pour cet article. Ayant eu un jour une discussion avec un tenant de l'anti libéralisme et lui ayant souligné l'augmentation du niveau de vie, il me répondit en dernier ressort :"ce qui nous fait défaut aujourd'hui c'est l'espoir d'une révolution". Tout est là...

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