Pure conjecture : imaginez qu’en 2017, le parti désigné par les urnes pour gouverner la France soit la pire formation politique que vous puissiez imaginer. Quelques semaines à peine après leur élection, les parlementaires de cette nouvelle majorité ont déjà modifié le cadre législatif en vigueur de telle sorte qu’ils puissent, en toute légalité, voter et faire appliquer la loi n°2017-666 ; loi qui, quelle que soit votre sensibilité politique, de droite, de gauche ou d’ailleurs, vous est totalement insupportable et que vous jugez parfaitement infâme — laissez libre cours à votre imagination.
Seulement voilà, malgré tout le mal que vous pensez de cette loi et du parti qui l’a faite voter, il reste un fait absolument incontournable : ce gouvernement a été porté au pouvoir de manière incontestablement démocratique et le processus législatif qui aboutit à la mise en application de cette loi abjecte est tout à fait légal.
Vous pouvez, bien sûr, reprocher cette dérive à la démocratie elle-même et souhaiter un mode de gouvernement plus autoritaire. C’est une forme de pari. Comme celles et ceux qui réclament à grand cris qu’on confie toujours plus de pouvoirs à nos dirigeants, vous posez l’hypothèse implicite que ces derniers les utiliseront comme bon vous semble. Le pari, à humble avis, est extrêmement risqué.
Admettons donc que vous restiez dans le camp démocrate. Vous avez deux manières d’envisager le problème :
(i) La première consiste à considérer que jamais la loi n°2017-666 ne sera votée. C’est un acte de foi. Parce que vous avez totalement confiance en nos institutions, parce que la majorité ne peut être corrompue, parce que les électeurs sont sages ou parce qu’ils ne cèderont jamais, selon vous, aux arguments des démagogues… Bref, peu importent vos raisons, vox populi, vox Dei, vous estimez que rien d’à ce point mauvais ne peut sortir des urnes.
(ii) Si ce n’est pas le cas, si vous considèrerez donc qu’il existe un risque — fût-il ténu — qu’une telle loi soit un jour votée, vous préféreriez sans doute qu’il existe quelque part un principe supérieur du droit qui limite ce que le législateur peut voter et des garde-fous qui permettent de contrôler l’action de l’exécutif. En sommes, vous plaideriez pour une limitation des pouvoirs de l’État.
Voilà l’alternative dans toute sa simplicité : soit vous faîtes aveuglément confiance à la démocratie — auquel cas vous pouvez sans risque confier tous les pouvoirs à l’État ; soit vous nourrissez quelques doutes — auquel cas vous devriez vouloir limiter les pouvoirs de l’État.
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