L’effet 35 heures

En 2000, le salarié français médian gagnait 1 311 euros nets par mois [1]. Dix ans plus tard, en 2010, il gagnait 1 651 euros – soit une progression de 25,9%. Bien sûr, en corrigeant ces chiffres de l’inflation officielle (1 euro de 2000 = 1,189 euros de 2010), la progression est moins spectaculaire : en euros 2010, le salaire net de notre salarié médian est passé de 1 559 à 1 651 euros (+5,9%).

Le tableau ci-dessous répète la même opération pour quatre autres seuils de salaire net : le Smic net (en moyenne sur l'année), le seuil du 1er décile (D1), celui du 9ème décile (D9) et celui du 99ème percentile (C99) [2]. Voici les données :

Salaires nets
(en euros 2010)

Seuil20002010%
Smic1 0371 056+1,8%
D11 0161 103+8,5%
Médiane1 5591 651+5,9%
D93 1333 280+4,7%
C997 4477 573+1,7%

C’est D1 – le seuil en deçà duquel vous faites partie des 10% les moins bien payés – qui progresse le plus : +8,5%. Symétriquement, D9 – le seuil à partir duquel vous faites partie des 10% les mieux payés – ne progresse que de 4,7%. C’est-à-dire que l’écart de salaire entre deux salariés théoriques [3] qui, en 2000 comme en 2010, touchait respectivement D1 et D9 s’est réduit. En 2000, le salarié « riche » (D9) touchait 3,08 fois le salaire du salarié « pauvre » (D1) ; en 2010, ce rapport n’était plus que de 2,97. Les inégalités de salaire se sont donc réduites.

Vous pouvez faire le même calcul en comparant l’évolution du salaire de notre salarié pauvre à celle des émoluments d’un salarié très riche (C99) : le rapport passe de 7,3 à 6,9. Même conclusion : dans cette zone qui couvre 89% des salariés français (de D1 à C99), les écarts de salaires se sont réduits.

Restent, bien sûr, les 10% les moins bien payés – en deçà de D1 – et les 1% les mieux payés, ceux qui sont au-delà de C99.

Pour les très hauts salaires, je n’ai pas de données mais pour le premier décile, en revanche, on peut considérer qu’en équivalent temps plein, ils sont tous entre le Smic et D1. Or, si ce dernier, nous l’avons vu, a très bien progressé, ce n’est pas le cas du pouvoir d’achat d’un salarié payé au salaire minimum légal : en une décennie, ils n’ont gagné que 1,8%. Pourquoi une si faible progression ? Eh bien parce que le chiffre de 2000 est donné sur une base de 39 heures de travail hebdomadaire ; c’est pour cette raison que D1 lui est inférieur cette année-là : en réalité, avec le passage aux 35 heures, un grand nombre de salariés (plus de 10%) gagnaient moins de 1 037 euros par mois. De fait, sur la période considérée, le taux horaire du Smic net progresse d’environ 13,4%. C’est-à-dire que la faible progression relative du pouvoir d’achat des salariés payés au Smic est essentiellement due au simple fait qu’on a réduit leurs horaires de travail.

Bref, sauf à considérer qu’il se soit passé quelque chose de très particuliers chez les très hauts salaires, le seul élément qui puisse permettre de parler d’accroissement des inégalités salariales est directement imputable à la mise en œuvre des 35 heures.

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[1] Données de l’Insee, en équivalent temps plein, sur l’ensemble des salariés français (métropole + DOM).
[2] Pour mémoire et par définition : 10% des salariés gagnent moins que le seuil du 1er décile (D1), 50% gagnent moins que le salaire médian, 90% gagnent moins que le seuil du 9ème décile (D9) et 99% gagnent moins que le seuil du 99ème percentile (C99).
[3] Théoriques parce qu’en réalité, en dix ans, la plupart des salariés progressent : à titre personnel, j’étais très nettement en dessous de la médiane en 2000 et, une décennie plus tard, j’étais au-delà du 95ème percentile…

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