Avertissement : je suis à peu près certain que toutes les informations données dans cet article sont justes et à peu près à jour. En revanche, je ne suis aucunement en mesure de vous en garantir l’exhaustivité. C’est que, voyez-vous, l’eau c’est important, c’est la vie, ce n’est pas un produit comme les autres que l’on pourrait laisser aux libres forces du marchés (lesquelles sont sauvages, dérégulées et apatrides). Il faut donc l’encadrer sévèrement ce qui, dans la Grande Tradition Administrative Française (GTAF), implique moult commissions, agences et autres instances organisées en couches successives à tous les échelons de façon à créer un maillage si étroit et méticuleux qu’un esprit limité comme le mien s’y perd. Forcément.
Au niveau national, la politique de l’eau incombe à la Direction de l’Eau et de la Biodiversité laquelle dépend de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer (MEEM). Elle est, selon le site du Ministère, chargée de « la conception, l’évaluation et la mise en œuvre des politiques de l’eau, des espaces naturels, de la biodiversité terrestre et marine et des ressources minérales non énergétiques en vue de garantir la préservation et un usage équilibré de ces ressources. » On ne sait pas grand-chose d’autre sur cette indispensable Direction (ou Sous-Direction) si ce n’est, d’après l’annuaire du service public, qu’elle est physiquement située à Puteaux et placée sous la direction de M. Paul Delduc, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts.
À cette direction ministérielle s’ajoute le Comité national de l’eau (CNE), instance délibérative (a.k.a. comité Théodule) composée de pas moins de 160 membres qui ne s’est réuni que 3 fois en 2015 mais nous coûte néanmoins 38 000 euros (voir page 12). Ce dernier, selon son propre site, « construit le lien entre la protection des milieux naturels et la gestion de la ressource eau pour l’alimentation en eau potable et les activités économiques, en inscrivant son action dans une stratégie de développement durable » ce qui n'est tout de même pas rien. Placé sous la Présidence de M. Jean Launay, député de la seconde circonscription du Lot, il n’a manifestement pas produit le moindre avis ou document depuis décembre dernier.
Troisième et dernier (modulo l'avertissement donné plus haut) organisme affecté à l’eau à l’échelle nationale : l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA), un Établissement Public à caractère Administratif (ÉPA) qui employait jusqu’ici 870 personnes avant d’être fusionné, ce 1er janvier, dans la toute nouvelle Agence française pour la biodiversité (AFB) avec, entre autres, l’Agence des Aires Marines Protégées (AAMP) mais contrairement au Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres (CELRL) qui reste indépendant. Mais je m’égare. Toujours est-il que les missions, personnels et financements de l’ONEMA sont repris par l’AFB. Il y en a, si j’en crois les données du PLF 2017 au titre de l’année 2016, pour 139.8 millions d’euros dont 139 millions de financements publics qui semblent — et je reste prudent là-dessus — remonter en grande partie des Agences de l’eau sur lesquelles nous reviendrons plus tard.
Comme vous le savez sans doute (ou pas), la gestion des eaux, en France, est organisée autour de 12 bassins hydrographiques. Sept se trouvent en France métropolitaine (Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Seine Normandie, Loire Bretagne, Adour Garonne, Rhône Méditerranée et Corse) et les cinq autres se trouvent dans les DOM (Mayotte, Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion). Chacun de ces bassins dispose de son propre Comité (de bassin), une assemblée acteurs publics ou privés (mais surtout publics) qui, à l’échelle de leur bassin, agissent dans le domaine de l’eau. Notez ici que dans « agir dans le domaine de l’eau », on ne compte pas les pratiquants de sports aquatiques ni les amateurs de pastis : vous n’avez sans doute pas votre place dans une telle assemblée. Ces comités sont principalement en charge de l’élaboration du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) de leur bassin [1] et d’élire les membres des conseils d’administration de leurs Agences de l’eau respective.
Il y en a 6 agences de l’eau en France : celles des bassins Adour-Garonne,Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, et Seine-Normandie et des deux bassins Rhône-Méditerranée et Corse. Selon les chiffres du PLF 2017, elles occupaient 1 736 personnes (Équivalent Temps Plein) en 2016 et ont consommé, à elles six, un budget de 2.3 milliards d’euros lequel se trouve être essentiellement alimenté par une myriade de « redevances » — pour la pollution domestique, la pollution non domestique, la modernisation des réseaux de collecte, le prélèvement d’eau, la production hydroélectrique, les pollutions diffuses, la pollution d’élevages, les obstacles en rivière, le stockage en période d’étiage et la protection des milieux aquatiques... Notez que si les DOM ont bien leur Comités de bassin, ils n’ont pas, en revanche et pour une raison que j’ignore, d’Agences de l’eau.
La coordination, à l’échelle de chaque bassin, des actions des différents services de l’État dans le domaine de l’eau est placée sous la responsabilité d’un Préfet coordonnateur de bassin lequel s’appuie sur une Commission Administrative de Bassin (CAB) qui regroupe des représentants de l’État et un Délégué de bassin qui est typiquement le Directeur d’une des Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) concernées. Le Préfet coordonnateur est un préfet comme un autre à ceci près qu’il coordonne. Quoi, me demanderez-vous ? Eh bien l’action des autres préfets de son bassin notamment en matière de Police de l’Eau et des Milieux Aquatiques. Il y a des préfets coordonnateur et des préfets coordonnés, c'est ainsi. En outre, le Préfet coordonnateur préside un certain nombre de commissions comme, typiquement, les COmités de GEstion des POissons Migrateurs (COGEPOMI).
Enfin, à l’échelle de chaque bassin versant et de son cours d’eau, une Commission Locale de l’Eau (CLE) décline le SDAGE vu plus haut en Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE). Aujourd’hui, la mise en œuvre de la Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) c’est-à-dire de l’entretien et la restauration des cours d’eau et des ouvrages de protection contre les crues incombe à tous les niveaux de collectivités (région, département, communes et intercommunalités). Dès 2018, cette compétence sera transférée aux seules communes ou à leurs Établissements Publics de Coopération Intercommunale (ÉPCI) à fiscalité propre (communautés de communes, communautés d’agglomération, métropoles, communautés urbaines) même si ces derniers auront la possibilité de déléguer cette responsabilité à des structures de gestion par bassin versant comme les Établissement Public Territorial de Bassin (EPTB) [2] ou les Établissements Publics d’Aménagement et de Gestion des Eaux (ÉPAGE). Quant au traitement et à l’assainissement des eaux, c’est encore une compétence des communes mais à compter de 2020, elle devra être transférée aux ÉPCI à fiscalité propre.
Évidemment, tout ça peut sembler un brin compliqué au premier abord (au second et au troisième aussi, d’ailleurs) et je vous concède volontiers qu’une source d’informations centralisée ne serait pas de trop. Fort heureusement, les Pouvoirs Publics mettent à notre disposition un véritable service public d’information sur l’eau (et les milieux aquatiques) qui dépend manifestement de l’AFB et qui, si j’ai bien compris, est chargé du Schéma National des Données sur l’Eau (SNDE) qui, lui-même, « fixe les objectifs, le périmètre, les modalités de gouvernance et décrit ses dispositifs techniques » du Système d’Information sur l’Eau (SIE). Vous conviendrez donc, j’en suis sûr, que la gestion de l’eau, en France, est prise pour le moins au sérieux.
Les mauvaises langues, naturellement, diront que ce magnifique édifice administratif — que dis-je, un édifice, c’est une cathédrale ! — est une véritable usine à gaz (de la vapeur d’eau, pour rester dans le thème) et qu’il y a sans doute là matière à simplification tout en réalisant quelques économies. Ce n’est peut-être pas tout à fait faux mais gardez tout de même en tête, en reconsidérant ce qui précède, que nous n’avons abordé ici qu’une infime partie de la gigantesque toile administrative française. La prochaine fois, si je trouve le courage, je vous parle de la gestion de l’air.
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[1] Pour plus d’informations, consultez le site de Gest’Eau, la communauté des acteurs de gestion intégrée de l’eau.
[2] Selon le site de l’Association française des établissements publics territoriaux de bassin (AFEPTB) il en existe 40 en France. Elle-même, puisque nous y sommes, rassemble 32 membres dont 30 EPTB.
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