Exercice de style : que se passerait-il si, le Front National étant au pouvoir, ils étaient en capacité de mettre en œuvre leur mesure emblématique sur le plan économique : le Frexit ?
Avant d’entrer dans le cœur du sujet, je rappelle ici qu’il ne suffirait pas d’une élection de Marine le Pen le 7 mai prochain. Je n’ai pas la prétention d’être un expert en la matière mais je ne crois pas possible d’engager la France sur ce chemin sans disposer d’une solide majorité parlementaire et du gouvernement qui va avec. Autrement dit, tout ce qui suit relève — pour le moment — de la perspective purement hypothétique.
Outre la sortie de l'Union Européenne stricto sensu qui relève plus de la politique que d'autre chose, l'aspect économique du plan peut résumer en trois grands points:
- Abandon de l’euro et instauration d’un nouveau franc à raison d’un franc pour un euro ;
- Redénomination de la dette publique de droit français (i.e. environ 80% du total) en franc ;
- Mise sous tutelle politique de la Banque de France et dévaluation.
C’est évident mais l’expérience prouve qu’il n’est pas inutile de le rappeler : la dévaluation du franc est l’objectif explicite de la manœuvre. C’est ce que Marine le Pen entend par souveraineté monétaire : elle veut que le pouvoir politique soit en mesure de dévaluer pour, espère-t-elle, améliorer la compétitivité internationale des entreprises françaises [1] et réduire la charge réelle de la dette publique [2]. C’est-à-dire, soit dit en passant, l’exact inverse de ce qu’a fait le général de Gaulle avec l’introduction du nouveau franc en 1960 : la politique monétaire du Front National, c'est un retour aux errements de la IVème République.
Bref, peu importe. Ce qui importe aujourd'hui, c'est ce qui peut en découler et là, je crains fort que nous soyons tous très loin de mesurer l'ampleur du cataclysme. Ci-dessous, une rapide liste à peu près ordonnée que je vous invite à compléter ou a critiquer dans les commentaires.
- Au premier abord, il est évidement qu’un Frexit fait peser une incertitude majeure sur l’avenir de l’UE et de l’euro. À ce titre et sans tenir compte d’autres effets, ils très vraisemblable que ça se traduise par une chute du cours de l’euro et une hausse des taux sur toutes les dettes émises dans la monnaie commune.
- Évidemment, l’argument de « la plus grande économie au sein de la première zone économique mondiale » cesse immédiatement d’exister et ce, d’autant plus que l’attitude du FN face aux échanges internationaux ne laisse pas planer de doute quant à leurs intentions. Ça prendra certainement du temps mais il très probable que la plupart des entreprises internationales non-françaises vont chercher à déménager.
- Il est évident que l’intérêt bien compris tous les résidents français [3] est de mettre ses euros à l’abri. Si vous disposez d’une épargne investie sur des comptes rémunérés, des obligations françaises ou un contrat d’assurance-vie en euro, vous savez que vos euros vont être convertis de force en francs et que ces francs vont perdre rapidement de la valeur. En conséquence de quoi, votre intérêt bien compris consiste à vous organiser de telle sorte que vos euros restent des euros (ouvrir un compte à l’étranger et y virer votre épargne) ou, à défaut, de les convertir en quelque chose qui ne risque pas d’être transformé en monnaie de singe (une autre monnaie que l’euro, de l’or, des actifs physiques…)
- Le point précédent renforce la probabilité d’une chute de l’euro mais, surtout, risque de mettre les banques françaises dans une situation extrêmement délicate, analogue à celle qu’ont traversée les banques grecques récemment : elles vont devoir trouver d'urgence des sources de refinancement, j'y reviens plus loin.
- Si les banques françaises sont en difficulté, il est plus que probable que le problème devienne systémique et s'étende à l'ensemble de leurs contreparties. C'est un scénario identique à la faillite de Lehamn Brothers mais en bien plus grave.
- La redénomination de l'essentiel de la dette publique en franc, c'est un défaut technique. L'État français sera donc officiellement défaillant ce qui obligera une large part de nos créanciers étrangers [4] à vendre leurs titres et donc, accentuera la hausse des taux sur la dette française.
- Si l'État est défaillant, ce sont toutes les institutions françaises, publiques et privées, qui vont devoir faire face à de très difficultés de financement. On en revient ici aux banques qui, justement, cherchent à se refinancer pour compenser les sorties d'euros : elles ne pourront sans doute plus compter que sur la Banque de France.
- Effet de bord : pour éviter un effondrement du système bancaire, la Banque de France sera obligée d'adopter une politique monétaire très accommodante ce qui, évidemment, accentuera la chute du franc.
- Quid des entreprises françaises qui ont émis de la dette en euro ? À priori, deux scénarios : si elles ont émis en droit français elles seront techniquement en défaut, sinon elles vont subir de plein fouet la baisse relative du franc. Dans tous les cas, privées de financement bancaire et en l’absence de marché, elles vont avoir toutes les peines du monde à financer leur trésorerie, sans parler d’une éventuelle croissance.
- On va donc probablement se retrouver très vite dans une situation de pentification extrême de la courbe des taux : taux courts au plancher par injection monétaires de la Banque de France et taux long très élevés pour cause d’anticipation de l’inflation.
- Le gouvernement du Front National ne pourra sans doute pas financer le déficit autrement que par la création monétaire : la chute du franc est inéluctable, l’inflation risque d’être spectaculaire.
- On va sans doute assister à un crash immobilier et à une érosion accélérée du bas de laine des petits épargnants : l’effet richesse, notamment sur les retraités, va être terrible.
- À court ou moyen terme, prévoyez la nationalisation des banques, un défaut souverain en bonne et due forme, la mise en place d’un système de contrôle des changes et de contrôle des prix : nous pourrions tout à fait connaitre un effondrement économique analogue à celui du Venezuela et ce, en quelques mois.
Voilà, à vous.
Edit 2017-02-16 @ 14:55 : Lire aussi le point d'Alexandre Delaigue à ce sujet.
---
[1] Ce qui, comme je l'ai expliqué ici, ne fonctionnera que si (i) les salaires ne suivent pas l’inflation qui en résultera et (ii) nos partenaires commerciaux ne nous retournent pas la politesse.
[2] C’est-à-dire quelle rêve de disposer de l’arme fiscale absolue.
[3] Les particuliers mais aussi les entreprises, surtout les entreprises internationales installées en France.
[4] Je suppose que le FN a prévu de légiférer pour cette obligation légale ne s'étende pas aux investisseurs français.
Tout d’abord, je précise que je suis un lecteur assidu de vos articles (quand il y en a : ça, c’est un petit coup de coude pour signaler que j’en prendrais bien un peu plus) et que je les apprécie beaucoup d’une façon générale. Je fais cette précision justement parce que sur cet article-là, votre propos manque à mon sens un peu de rigueur et, de ce fait, donne une image erronée, me semble-t-il, des choses.
RépondreSupprimerEn effet, vous traitez ici d’un FREXIT mené de façon constructiviste, et seulement de cela. (Que ce soit par le FN n’a guère d’importance, n’étant et de loin pas le seul parti d’étatistes.)
Vous ne traitez pas d’un FREXIT mené tout autrement, notamment de façon libérale. Et pourtant je serais pour ma part très intéressé de vous lire sur ce sujet. Ne serait-ce que pour confronter votre position à celle de Charles GAVE (dont je suis aussi un lecteur assidu) et pour qui la sortie de l’euro non seulement ne serait pas un désastre, mais est même une condition sine qua non pour un retour à une situation économique saine.
Cela ne veut pas dire que la sortie de l’euro ne passerait pas par une phase difficile : il ne semble pas y avoir pas de voie facile et confortable pour tous.
Je cherche des éléments de réponse aux questions "la sortie de la France de l’euro est-elle souhaitable ?" et "Si oui, est-ce possible ?". Et votre article me gêne car il n’apporte aucun élément à la 1ère question, et il semble répondre non à la 2nde, avec un abord très (et même trop) partiel.
En vous remerciant pour l'ensemble de vos articles; (J'en demande plus, mais j'ai conscience du travail que cela représente).
Cordialement,
Frexit ou pas, ce n’est pas vraiment le sujet. La vraie question c’est pour quoi faire ? Si c’est pour faire ce que le FN veut faire, c’est une catastrophe ; si c’est pour imiter nos voisins suisses, par exemple, c’est un tout autre sujet. Ici, je ne parle que du problème immédiat : la catastrophe.
SupprimerGuillaume tu devrais lire un livre de temps en temps, sur des sujets que tu ne maitrises visiblement pas, le fait de radoter ce que le médias te disent à longueur de journée en parlant d'une sortie de l'euro comme d'une catastrophe te fait plus passer pour un débile qu'autre chose.
SupprimerVoici une petite lecture pour combler tes lacunes "L'Euro est il mort ?". Biz