Je vous propose un jeu. Vous avez le choix entre deux alternatives : soit je vous donne 100 euros immédiatement et le jeu s’arrête là ; nous appellerons cela l’option sans risque. Soit nous jouons à pile ou face ; pile, vous gagnez 1 200 euros ; face vous perdez 1 000 euros. Que feriez-vous ?
Comme la plupart des gens, vous avez sans doute préféré prendre mes 100 euros et en rester là. Vous avez sans doute remarqué que l’espérance de gain du tirage à pile ou face était strictement équivalente à celle de l’option sans risque. Vous avez une chance sur deux de gagner 1 200 euros et une chance sur deux de perdre 1 000 euros ; ce qui nous donne bien une espérance de gain de 100 euros. Ce qui fait que vous avez choisit l’option sans risque c’est qu’à espérances de gain équivalentes, le tirage à pile ou face vous expose à un risque. Or il se trouve qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes averses au risque.
« Fais attention », « sois prudent », « ne prend pas de risque »… Ce sont les sages conseils que nous avons reçu depuis notre plus tendre enfance et ce sont ces mêmes conseils que nous avons, à notre tour, donné à nos enfants. C’est que, dans notre inconscient, le risque est asymétrique ; il n’a qu’un seul coté : le mauvais coté. C’est notre nature. Nous acceptons bien de prendre des risques mais seulement si « le jeu en vaut la chandelle. » Le risque n’est pas gratuit.
Le jeu et la chandelle
Par exemple, dans le cadre de notre jeu, si je souhaite vous inciter à prendre le risque de perdre 1 000 euros avec une probabilité de 50%, je dois augmenter votre espérance de gain : par exemple, si la pièce tombe coté pile, je vous paierai non plus 1 200 euros mais 1 500 euros. Dans ce cas, votre espérance de gain est de 250 euros ; soit 150 euros de plus que l’option sans risque. Cet écart, ce surcroît d’espérance de gain de 150 euros, est une prime de risque ; c’est la rémunération que nous exigeons pour accepter de subir un aléa. Elle varie en fonction des individus mais, en tout état de cause, elle est positive [1] – sans quoi vous n’accepteriez pas de prendre de risque – et elle est d’autant plus élevée que le risque est grand.
Pour un investisseur, et ce, quelque soit le projet d’investissement, cette notion de prime de risque est absolument essentielle. Comme dans le cas de notre jeu, il a le choix entre un investissement sans risque [2] comme une obligation de l’État allemand par exemple et une infinie variété de projets d’investissement plus ou moins risqués : créer une startup, acheter des obligations d’État espagnoles, acheter des actions Apple, investir dans un nouveau point de vente… Comme nous ne connaissons pas le futur, nous n’accepterons de placer notre argent dans un de ces projets risqués que si son espérance de rendement est supérieure au taux sans risque.
Bien sûr, si on prend le cas de la création d’une entreprise, le calcul de notre espérance de rendement n’a rien à voir avec un tirage à pile ou face. Il y a une infinité de scénarios possibles qui dépendent d’une infinité de facteurs et auxquels on peut associer une infinité de probabilités différentes. Créer une entreprise, c’est risqué et c’est encore plus risqué lorsque vous vous lancez dans un projet innovant sur un marché qui n’existe pas encore. Vous allez investir l’essentiel de vos économies dans ce projet, travailler – sans doute pendant plusieurs années – sans vous payer et vous savez que vous avez huit chances sur dix [3] d’y laisser toutes vos plumes ; autant dire que pour nous inciter à prendre ce risque, il faut que la rémunération en cas de succès soit conséquente.
Juste pour illustrer cette idée : si vous avez huit chances sur dix de perdre les 200 000 euros que vous avez investi dans la création de votre entreprise, une rémunération (salaires, dividendes, plus-value… à la fiscalité près, peu importe) de 800 000 euros correspond à une espérance de gain de zéro. Si ce chiffre vous semble exagéré, demandez-vous si, avec ces hypothèses, vous vous lanceriez dans l’aventure. Il y a fort à parier que non. La rémunération des investisseurs, c’est la rémunération du risque. C’est à ça qu’ils servent : à allouer du capital à des projets d’investissement et à en assumer le risque. C’est un des fondements essentiel du capitalisme : des opportunités de profits et des risques de pertes. Tuez l’un ou l’autre et c’est le système entier que vous détruisez.
Le choix, c’est maintenant !
Une société qui ne rémunère pas le risque est une société qui n’innove pas, qui ne progresse pas. C’est une société dans laquelle les fils ne peuvent pas espérer mieux vivre que leur père, la société dans laquelle nous avons vécu jusqu’à ce que la révolution industrielle nous arrache pour la première fois de l’histoire de l’humanité à notre misère séculaire, aux famines qui décimaient des familles entières et aux épidémies qui anéantissaient la population d’une ville en quelques mois. Pouvez-vous seulement citer une seule innovation, une seule invention utile à autre chose qu’à tuer des homo-sapiens qui soit sortie d’un pays socialiste ? La différence entre une société qui rémunère le risque et une société qui ne le rémunère pas, c’est la différence entre la France colbertiste de Denis Papin et l’Angleterre libérale de Thomas Newcomen : la première a laissé mourir un de ses inventeurs les plus géniaux dans la misère ; la seconde en a fait un homme riche et une des figures légendaires de la révolution industrielle.
Quand, pour la dernière fois, avons-nous vu sortir un Bill Gates, un Larry Page ou un Thomas Lipton de nos rangs ? Depuis des décennies, nous avons fait tout ce qui était possible et imaginable pour rendre la création d’une entreprise le plus onéreux possible, pour que ce soit le plus risqué possible et pour taxer l’espérance de gain des investisseurs. Si c’est un projet de société, si c’est une volonté de votre part, si vous voulez réellement décroître : dites-le donc et laissez-nous en tirer les conclusions qui s’imposent.
Mais si la soviétisation de notre pays n’est pas votre objectif, alors je suis au regret de vous dire qu’après 60 années d’efforts dans ce sens, c’est précisément là que nous allons. C’est la règle du jeu : vous voulez que les gens travaillent ? Rémunérez le travail. Vous voulez que les gens investissent ? Rémunérez le risque. Acceptez la règle ou assumez les conséquences : c’est pile ou face, il n’y pas d’autre option.
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[1] Sauf dans certains cas bien précis comme le casino (où les joueurs prennent du plaisir à perdre de l’argent) ou les loteries (perte minimale et gains gigantesques assortis d’une probabilité infinitésimale).
[2] Si tant est qu’une telle chose existe encore.
[3] Cette statistique ne veut rien dire ; c’est juste un exemple.
Une drole de façon détournée pour louer le capitalisme et ses ravages. Prenons un autre angle de vue. Les socialistes ont été au pouvoir de 1981 à 1995. période de rayonnement intellectuel de la France, les pays s'arrachaient nos scientifiques.La croissance de la france était sur un train stable de 2-3%.
RépondreSupprimerLes marchés financiers ont créés des produits, pris des risques. Des risques qu'il n'ont même plus maitrisés. Au nom du capitalisme, tout était possible tant que ça rapporte a court terme.
La droite a suivit ce mode de fonctionnement, supprimant les budgets non important (la culture, et surtout l'éducation !!!) pour faire du résultat a court terme...
Et les marchés, ont tellement pris de risques, sans se contrôler qu'ils ont entrainer avec eux le monde entier...Au nom de la rémunération du risque ???
Et voila depuis 3 ans, la croissance de la france est nulle, le chomage explose... Merci le capitalisme...
Bref, encourager les entreprises oui, rénumérer le risque démesurer non.
un train stable ?!?
Supprimerc'est comique . savez vous que la france fut en récession dans les années 1993.
dire qu'elle fut stable est un abus sinon un mensonge
Houla, que de confusion(s)! Ce n'est pas bien clair mais ce que vous dénoncez est le capitalisme de connivence, celui où les gains sont privés et les pertes socialisées, et ça c'est de l'étatisme.
SupprimerD'autre part, vous ne semblez pas au fait des origines de la crise des subprimes (ce qui est normal si vous consultez les médias français du genre l'Immonde, l'Aberration ou le Figacon). Or, c'est bien l'état qui est à l'origine de la crise des subprimes: politique de taux bas de la FED (banque centrale avec monopole légal, organisme para-étatique donc), CRA, fortes incitations de l'état envers les banques pour accorder toujours plus de subprimes, Freddy Mac et Fanny Mae, organismes para-publics, auxquels le gouvernement fixait comme objectif de vendre toujorus plus de subprimes (et les privilèges qu'ils avaient faisaient qu'ils détenaient une bonne part du marché), lois de zonage ayant provoqué la bulle dans l'immobilier, fiscalité plus avantageuse pour l'endettement que pour les autres formes d'investissement etc.
Vous parlez ensuite de droite et de gauche... Mais ce ne sont que les deux faces opposées de la même pièce: celle de l'étatisme. Alors que l'une ou l'autre soit au pouvoir, ce sera la même chose: toujours plus d'étatisme. Seule la "clientèle" change.
Enfin, concernant l'éducation, ce que vous dites est faux: le budget par élève a énormément augmenté en 30 ans, à euros constants bien sûr. De tête, il a doublé.
Pour la culture, c'est déjà une ineptie totale que celle-ci soit financée par l'état. Ce n'est pas à l'état de définir quelle oeuvre d'art ou autre produit culturel mérite ou pas d'être financé. C'est à nous! La culture doit être libre et indépendante! L'état devrait financer au grand maximum le patrimoine historique, et rien d'autre.
Enfin, c'est se foutre de la gueule du monde que de parler d'un sous-financement de la culture par l'état. Le budget de la culture est plus important que celui de... la justice!!! C'est la qu'on s'aperçoit de l'ineptie totale de la chose.
Pour Denis Papin, fallait quand même l'oser.
RépondreSupprimerIl n'a quasiment pas vécu en France, et il est même mort ruiné en Angleterre.