L’ordre de mission d’une banque centrale comporte plus ou moins officiellement deux volets : préserver la valeur de la monnaie – c'est-à-dire limiter la hausse des prix – et créer les conditions d’une croissance suffisante pour assurer le plein emploi. Dans la pratique, si la banque centrale estime que la croissance est trop faible, elle va faire baisser le niveau des taux d’intérêt [1] afin d’inciter les agents économiques à s’endetter pour investir et donc, relancer la croissance. A contrario, si la banque centrale détecte des tensions inflationnistes, elle va faire remonter les taux d’intérêt pour freiner l’expansion du crédit, l’investissement et donc la hausse des prix. C’est le principe même de la politique monétaire tel qu’il est défendu par les partisans du système des banques centrales et de la politique monétaire.
Imaginez un banquier central qui se trouve confronté à une crise économique. Il décide conséquemment de créer de grandes quantités de monnaie pour faire baisser les taux en espérant que cet argent fraichement imprimé [2] sera emprunté par les ménages et les entreprises pour investir. Si cette politique fonctionne, il est probable que les sociétés s’endettent pour financer de nouveaux projets d’investissement et que les particuliers fassent de même pour acquérir des biens immobiliers.
Bref, quelles que soient par ailleurs les difficultés de l’économie, les agents économiques s’endettent pour acheter des actifs et font monter leur prix. In fine, ils créent ce que l’on appelle volontiers dans le langage courant une « bulle spéculative », qui n’est jamais rien d’autre qu’une conséquence de l’inflation qui se manifeste sur autre chose que sur le panier de l’indice des prix à la consommation et ce « autre chose » est en général un secteur de l’économie particulièrement réglementé ou subventionné par les pouvoirs publics.
Risquons un exemple purement spéculatif et imaginons que les ménages et les entreprises décident d’investir massivement dans les énergies renouvelables. Il est très vraisemblable que les ventes et le prix des panneaux photovoltaïques et autres pompes à chaleurs grimpera en flèche. Comme, par ailleurs, les taux bas obligent les investisseurs institutionnels à chercher des placements plus rémunérateurs et donc plus risqués, il y a fort à parier que même les projets les plus hasardeux trouveront du financement à profusion.
On verra ainsi de très nombreuses entreprises, attirées par des prix élevés et un financement abondant, se créer et embaucher dans le secteur des énergies vertes. C'est-à-dire que les capacités productives de l’économie seront réorientées vers le secteur des énergies renouvelables. Très vite, les journaux parleront de « bulle verte » [3].
Seulement voilà, il arrivera fatalement un moment où le banquier central réalisera que sa politique incite ménages et entreprises à s’endetter de manière tout à fait déraisonnable et s’accompagne d’une hausse spectaculaire du prix des actions des entreprises éco-compatibles. Il décidera donc d’y mettre fin en faisant remonter les taux. Bien sûr, cette hausse de taux aura pour immédiate conséquence de réduire la demande pour des installations énergétiques durables. De nombreuses entreprises du secteur vont rapidement en faire les frais et licencier leur personnel.
Très vite, le problème va gagner les banques qui, sous l’impulsion bienveillante de la banque centrale, avaient gagné beaucoup d’argent en finançant la révolution verte. Avec pour tout résultat que les prix baissent, la bourse s’effondre, le chômage monte et une crise bancaire se profile à l’horizon.
Toute ressemblance avec des évènements récents ou à venir serait, bien entendu, purement fortuite.
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[1] Les banques centrales agissent sur le niveau des taux d’intérêt à court terme via le taux moyen du marché interbancaire (le taux auquel les banques se prêtent de l’argent entre elles).
[2] C’est, bien sûr, une image : l’essentiel de la monnaie créée par une banque centrale est électronique.
[3] Je dépose le nom… juste au cas où.
Article publié sur 24hGold le 13 juillet 2011.
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