La stratégie de l’adversaire nous est connue. Elle est née sous la plume d’un certain Abou Moussab al-Souri [1], un djihadiste originaire de Syrie souvent présenté comme la tête pensante d’al-Qaïda. Fin 2004 ou début 2005, al-Souri a publié un Appel à la résistance islamique globale, un pavé de 1 600 pages dans lequel il théorise le nizam, la tanzim (« un système, pas une organisation »), le djihad décentralisé à l’échelle planétaire, lequel peut se résumer par son mode opératoire et son objectif stratégique.
Le mode opératoire, c’est la décentralisation. L’idée défendue par al-Souri, c’est une sorte de jihad open source dans lequel le rôle de la structure centrale — aujourd’hui l’État Islamique — se limite pour l’essentiel à inspirer des « loups solitaires » ou de petites cellules autonomes qui agissent en son nom mais sans bénéficier d’un réel soutien logistique. C’est le concept clé du nizam, la tanzim : en l’absence d’organisation structurée on se limite à de petites opérations symboliques mais on n’est d’autant plus difficile à repérer.
L’objectif de ce « jihad du pauvre » est assez bien décrit par ce que Yuval Noah Harari appelle la stratégie de la mouche. Ce que l’État Islamique (la mouche) cherche à obtenir de nous (l’éléphant), c’est une violente poussée d’islamophobie qui, espèrent-ils, poussera les musulmans qui vivent parmi nous dans leurs bras. J’insiste : il n’y a là aucune interprétation de ma part ; c’est explicite dans le texte d’al-Souri et c’est exactement ce qu’écrit Daesh dans sa propagande [2] :
« Les musulmans des pays occidentaux vont maintenant rapidement se retrouver face à un choix, soit ils s’apostasient et adoptent la religion mécréante propagée par Bush, Obama, Blair, Cameron, Sarkozy et Hollande pour vivre au milieu des mécréants, soit ils font leur hijra [3] jusqu’à l’État Islamique et ainsi échappent à la persécution des gouvernements et citoyens croisés. »
Face à ça, ma conviction personnelle c’est que nous devons mener un combat sur deux fronts. Le premier, c’est celui du renseignement ; l’ensemble des méthodes et organisations que nous mettrons en place pour repérer et neutraliser les cellules adverses avant qu’elles ne passent à l’acte. Le second front, c’est celui des idées ; c’est la stratégie que nous devons mettre en œuvre pour anéantir la propagande de Daesh et donc sa capacité de recrutement.
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[1] Né Mustafa bin Abd al-Qadir Setmariam Nasar.
[2] Dabiq, février 2015.
[3] Hégire, l’immigration des musulmans en terre d’Islam. Il semble que, face à ses revers récents sur le terrain, le discours de l’État Islamique a quelque peu évolué sur ce point : ils recommandent désormais aux candidats djihadistes de frapper là où ils vivent.
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