« 14 civils dont quatre de race blanche. » C’est par ces mots qu’Hamed Bakayoko, ministre de l’intérieur de Côte d’Ivoire, confirmait le bilan macabre de l'attaque terroriste de Grand-Bassan.
On comprend donc que dix des victimes étaient vraisemblablement « de race noire » — puisque le ministre ne juge pas utile de préciser plus [***] — et que la nationalité des quatre « de race blanche » n’est pas encore tout à fait établie ; ce que le ministre s’empresse d’ailleurs de confirmer : « nous avons identifié une (d’elles) de nationalité française et une allemande » — il reste donc deux victimes « de race blanche » dont on ne connait pas à ce moment la nationalité.
Alors bien sûr, on pourrait rétorquer à M. Bakayoko qu’en français moderne, le terme de « race » ne s’applique qu’aux espèces animales domestiques et donc, que l’usage de ce mot n’est pas approprié. On pourrait mais on ne le fera pas parce qu’avec deux doigts de jugeote, on imagine bien, d’une part, que le ministre de l’intérieur ivoirien a un peu autre chose à faire que de se perdre en considérations sémantiques alors que son pays est victime du terrorisme et, d’autre part, on comprend bien qu’il nous donne les informations dont il dispose à ce moment : concrètement, dix victimes ont la peau (à peu près) noire et quatre autres ont la peau (à peu près) blanche.
Personnellement et étant « blanc » moi-même, je ne me sens en rien microagressé par cette référence à des personnes « de race blanche » ; je n’y vois aucune forme de racisme ni de volonté de dénigrer l’histoire de ma famille et encore moins ma culture. J’y vois un ministre sous pression qui expose des faits. Point barre.
Sauf que voilà, quand 20Minutes.fr reprend cette déclaration ministérielle en omettant, il est vrai, de la mettre entre guillemets, cette même phrase prend étrangement une toute autre dimension. Le canard a à peine le temps de publier son papier que son titre — berbatim : « Côte d’Ivoire : L’attaque d’une station balnéaire revendiquée par Aqmi, 14 civils tués dont 4 blancs. » — fait immédiatement l’objet d’une campagne d’indignation dont seuls les Guerriers de la Justice Sociale ont le secret. Quoi ? Comment ? « Vous n’avez pas honte ? » s’insurgent en chœurs les chasseurs de fascistes et autres suspects habituels.
Pourtant, 20Minutes.fr a essayé de bien faire. Si vous y prêtez attention, vous observerez que le mot « race » a disparu de la citation (telle qu’elle apparait dans le titre et dans l’article original) ce qui, incidemment, explique parfaitement bien pourquoi les guillemets ont disparu dans les deux cas.
Alors quoi ? Que reproche-t-on à 20Minutes.fr exactement ? De ne pas avoir remplacé « blancs » par « de type caucasien » ? Un ministre ivoirien pourrait donc utiliser la notion de « race blanche » sans que personne ne s’en offusque tandis qu’un journal français n’aurait pas le droit de parler de « blancs » ? Accuse-t-on 20Minutes.fr de donner plus d’importance à la mort de quatre « blancs » qu’à celle de dix « non-blancs » ? Fait-on le même procès d’intention à M. Bakayoko ?
Non. En réalité, on ne reproche rien à 20Minutes.fr. Ils n’ont fait que leur métier : informer un public français que, lors d’un attentat commis dans un pays d’Afrique dans lequel vivent beaucoup de nos compatriotes, « quatre blancs » figurent parmi les victimes.
Bref, cette micro-vague de micro-indignation collective confine au ridicule le plus achevé ; elle est, encore une fois, le fait d'un quarteron de crétins qui se sont juré de dénicher des racistes partout ; même s’il n’y en a objectivement pas la moindre trace ; même si, pour se faire, il diffament publiquement des innocents ; même si, à force de jouer à ce petit jeu, ils crédibilisent le discours de ce même Front National qu’ils prétendent combattre.
[***] 2016-03-05 @ 12:10 : On me signale qu'en fait, le ministre a bien précisé que les 10 autres victimes étaient de « race noire » (la vidéo est ici, vers 1:30).
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