La Genèse ouvre le ban [III, 16] et le principe est confirmé par la première épître de Saint Pierre [III, 1] mais c’est sans doute Paul de Tarse qui, dans sa foisonnante correspondance, met les choses le plus au clair : vous pouvez consulter la première épître aux Corinthiens [XI, 3 puis XI, 6-10 et XIV, 33-35], l’épître aux Éphésiens [V, 22-24], l’épître aux Colossiens [III, 18], l’épître à Timothée [II, 11-14] ou l’épître à Tite [II, 3-5] — j’en oublie sans doute. Bref, à la lecture des textes canons de la bible catholique, il est tout à fait clair que la femme est soumise à l’homme autant que ce dernier est soumis à Dieu. « L’homme n’a pas été créé pour la femme, écrit Paul, mais la femme pour l’homme » — raison pour laquelle cette dernière doit se voiler en « signe de sujétion » [Corinthiens, XI, 8-10].
Et donc ?
Eh bien, mon Dieu, pas grand-chose. Il est bien possible que, pendant quelques siècles, la subordination de nos douces moitiés ait eu force de loi avec plus ou moins de rigueur en fonction des temps, des gens et des lieux mais, aujourd’hui, il n’en reste pas grand-chose et même, à vrai dire, rien du tout. Aujourd’hui et pour autant que je puisse en juger, il semble bien que la chrétienne soit devenue l’égale du chrétien et, qu’à l’exception des très consentantes moniales, plus personne ne songe à la voiler.
La religion catholique, bousculée par l’histoire, concurrencée de toutes parts et tiraillée entre ses tendances conservatrices et les aspirations de l’Église concrète — les gens, de chair et d’os — s’est adaptée tant bien que mal à notre monde moderne, elle s’est sécularisée. La religion de Tomás de Torquemada [1] n’est plus. L’Église de Rome, objectivement, ne parle plus que de paix, elle ne cesse de prôner le dialogue interconfessionnel, elle a abandonné ses ambitions politiques pour endosser pleinement son habit de guide spirituel, elle vole au secours des pauvres, sermonne les puissants… Si Voltaire voyait ça, il n’en reviendrait pas.
Ah ! bien sûr ! Il se peut que vous soyez de celles et ceux qui trouvent encore à y redire. Peut-être, par exemple, jugez-vous sévèrement les positions du Saint Siège quant à l’homosexualité ou sur le préservatif. Allez, à vous je peux le dire : je suis bien d’accord avec vous. Seulement voilà, on ne réforme pas une religion vieille de deux-mille ans de l’extérieur et encore moins de force. N’en déplaise aux ingénieurs sociaux, ces choses-là prennent du temps, beaucoup de temps et elles doivent surtout venir de l’intérieur.
Parce qu’une religion, voyez-vous, n’est jamais rien d’autre que ce qu’en font les croyants. De la même manière que ce sont les chrétiens eux-mêmes qui, en les contextualisant ou en les réinterprétant, ont adouci les épîtres de Paul de Tarse, ce sont encore les chrétiens qui, partout dans le monde, pousse à la roue pour faire fléchir ces dogmes anachroniques. Ça viendra. Un jour où l’autre. Eh quoi ? Vous pensiez vraiment que c’est l’Esprit Saint qui désigne les papes ? C’est qu’il doit être sacrément doué en sociologie et en géopolitique cet esprit-là [2] !
Donc voilà : la religion, soulignait très justement le rabbin Delphine Horvilleur [2], c’est aussi une affaire de relecture. Dans le judaïsme, c’est presque une seconde nature, les chrétiens s’y sont mis sur le tard ; reste, pour boucler le tour des trois grands monothéismes, l’islam. C’est la plus jeune des trois, l’enfant terrible de la fratrie, mais elle devra bien s’y mettre un jour — à la relecture — parce que dans notre monde, c’est une question de survie.
En attendant, de grâce, cessez de nous asséner des versets du Coran et ce, quoi que vous souhaitiez démontrer. C’est ridicule. La seule interprétation des textes révélés de l’islam qui vaille, la seule qui puisse avoir un effet sur le monde concret, c’est celle des musulmans eux-mêmes. Comme l’Église a relu les épîtres de Paul (entre autres), l’Oumma relira un jour ses sourates. Avec un peu de chance, les brutes épaisses qui sévissent actuellement du Levant jusqu’à nos capitales européennes vont même parvenir à accélérer le processus.
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[1] Oui, je sais, on a sans doute noirci le tableau.
[2] Point Isabelle de Gaulmyn : l’élection de François, au moment où les courants chrétiens évangéliques taillent des croupières à Rome en Amérique latine… (C dans l’air du 28 mars 2016.)
[3] Même émission (que je vous recommande rien que pour l’excellent Jean-François Colosimo).
La relecture du Coran ne serait-elle pas handicapée par le fait qu'il est censé retranscrire les paroles exactes d'Allah alors que les autres textes saints (enfin pour la chrétienté en tout cas) sont "seulement" une retranscription faite à travers les yeux des apôtres, et qui est donc beaucoup plus sujette à l'interprétation car elle est elle meme le produit d'un point de vue forcément partial et non omniscient ?
RépondreSupprimerCe qui n’empêche pas l’islam d’être divisé : shiisme, soufisme, sunnisme (4 écoles juridiques) etc.
SupprimerComme quoi…
NB : argument théologique : qui peut prétendre comprendre la pensée divine ? Dire que Mahomet en était capable ne revient-il pas à en faire l’égal de Dieu (d’où polythéisme) ? Et hop :)