Le dernier des Neandertals

Il y a environ 28 000 ans, au pied du rocher de Gibraltar, le dernier groupe de Neandertal connu s’éteignait définitivement. Ça faisait, à vrai dire, un moment que nos cousins n’étaient pas en très grande forme : on considère aujourd’hui que leur espèce avait déjà pratiquement disparu d’Europe il y a pas moins de 40 000 ans.

Pourtant, Neandertal n’était ni l’imbécile pour lequel on a voulu le faire passer ni une chiffe molle. En plusieurs centaines de milliers d’années, il avait appris à fabriquer des outils et il s’était parfaitement adapté aux rigueurs climatiques d’Europe et d’Asie. Mais cette fois-ci, c’était bel et bien la fin et cette fin coïncidait avec deux évènements majeurs dans l’environnement de Neandertal. Le premier, c’est une période changements climatiques particulièrement intense qui pourraient être à l’origine de la disparition de la mégafaune — les mammouths laineux entre autres — qui composaient la base de l’alimentation de notre cousin. Le second, c’est notre arrivée.

Nous, c’est Homo Sapiens. Nous avons quitté notre Afrique de l’est natale, le berceau commun du genre Homo, il y a une bonne centaine de milliers d’années — soit plusieurs centaines de milliers d’années après les ancêtres de Neandertal. Nous avons traversé le Sinaï, colonisé le Moyen-Orient puis l’Asie du sud et, enfin, il y a environ 45 000 ans, nous avons commencé à nous installer en Europe.

Le fait est que, dans une période de stress alimentaire lié à la disparition des proies de grande taille, nous avions un avantage décisif à faire valoir face à notre cousin : il était petit, trapu et particulièrement glouton ; nous étions grands, légers et bien plus économes en énergie [1]. Pour autant, cette différence ne suffit sans doute pas à expliquer l’extinction de Neandertal ; il faut bien se rendre à l’évidence : nous avons probablement une part de responsabilité dans son funeste sort.

Alors évidemment, on pense immédiatement à tout un tas de choses abominables : nous aurions amené avec nous des maladies auxquelles Neandertal n’était pas préparé, nous lui aurions fait une concurrence déloyale lors de nos chasses ou, pire encore, nous aurions purement et simplement éliminé physiquement un concurrent dans un monde de ressources qui se raréfient.

Seulement voilà, il y a une hypothèse bien plus sympathique qui, depuis quelques années, semble de plus en plus probable : il est fort possible qu’au lieu de se faire la guerre, Homo Sapiens et Neandertal aient fait des enfants.

Comment le sait-on ? Eh bien figurez-vous que notre génome est composé de 1 à 4% d’ADN Neandertal et qu’en mettant ces fragments bout à bout, on peut retrouver un bon cinquième du patrimoine génétique de notre cousin disparu. Mieux encore, on retrouve cette part de Neandertal chez tous les Homos Sapiens modernes à l’exception de ceux d’entre nous qui descendent de familles africaines ; c’est-à-dire de cette partie de l’humanité qui n’a jamais (ou que très tardivement) quitté le berceau originel et n’a donc jamais croisé Neandertal.

Nous n’avons, bien sûr, aucune certitude en la matière mais il est très probable que ce soit à Neandertal que les asiatiques comme les européens doivent leur peaux claires, leurs cheveux fins et, d’une manière générale, une adaptation rapide et réussie aux conditions climatiques rigoureuses de nos contrées.

Un héritage de 4% d’ADN, me direz-vous, ça ne fait pas grand-chose. Sauf qu’il faut bien mesurer que quand papa Neandertal a rencontré maman Homo Sapiens, près de 500 000 années d’évolution les séparaient de telle sorte qu’ils étaient à la limite de la compatibilité biologique. Nous avons donc sans doute récupéré ce qui était utile tandis que la sélection naturelle s’est chargée de nous débarrasser de ce qui, chez notre parent Neandertal, nous faisait plus de mal que de bien.

Bref, Neandertal n’aurait pas vraiment disparu ; il aurait été comme absorbé par Homo Sapiens.

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[1] Neandertal consommait jusqu’à 5 000 calories par jours là où un mâle Homo Sapiens moyen maintient son poids avec 2 500 calories.

— Addendum – 04 septembre 2014 @ 8h55.

Je pensais pouvoir y échapper et je me suis trompé. Il va me falloir apporter quelques précisions.

1 — J’ai écrit ce papier parce que le sujet me fascine (et aussi parce que je suis tombé l’autre soir sur un documentaire qui abordait le sujet). Il n’y a pas le moindre sous-entendu derrière ces mots et épargnez-moi, de grâce, les références au « grand remplacement » et autres imbécilités racistes.

2 — Je ne suis ni généticien ni paléoanthropologue : ce papier est écrit par un amateur qui tente, autant que faire ce peu, de résumer simplement ce qu’il a compris de ce que racontent les gens qui savent de quoi ils parlent (qui ne sont d’ailleurs pas tous d’accord entre eux). Vos remarques/corrections sont les bienvenues.

3 — Sur la base de ce que j’ai lu, il semble qu’après 4 à 500 000 ans d’évolution séparée, les génomes d’Homo Sapiens et de Neandertal étaient homogènes à 99,5%. J’en conclue — peut être à tort — que c’est à peu près à partir de ce seuil qu’on peut parler d’espèces différentes (la reproduction devient périlleuse). On estime habituellement que l’espèce humaine est homogène à 99,9%.

2 commentaires:

  1. L'homo Sapiens a entre 1 et 4% d'ADN commun avec l'homme de Neandertal.
    Or on ne retrouve pas cette présence d'ADN chez les familles africaines modernes ("qui n'ont jamais croisé l'homme de Neandertal")
    Donc, l'homme africain diffère de 1 à 4% des autres hommes.
    Poursuivons le raisonnement...
    Nous savons par ailleurs que les hommes ont entre 98.5 % de patrimoine génétique commun avec les singes.
    Faut-il en déduire que les hommes (euro/asiatiques) sont plus proches des singes que des africains ?
    ou
    Que les africains sont plus proches des singes que des hommes (euro/asiatiques) ?

    Merci pour votre éclairage...

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    1. Je ne suis pas généticien mais il est bien évident que non. Le génome de Neandertal ne diffèrerait du nôtre que de moins de 0,5% et on estime que l'espèce humaine est homogène à environ 99,9%.

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