Victimes de l’ultralibéralisme, édition dépense publique

C’est entendu, la France souffre d’un excès de libéralisme. Le chômage, la stagnation du pouvoir d’achat, la désindustrialisation, les problèmes d’immigration et de « vivre ensemble », le déficit de la balance commerciale, celui du budget de l’État et la dette qui en résulte sont des conséquences directes de l’idéologie libérale dominante, de l’ultralibéralisme mondialisé et du capitalisme financier dérégulé.

Comment en douter ? C’est ce qu’affirme Nicolas Sarkozy, notre président sortant, qui propose pour y remédier une adroite combinaison de protectionnisme, d’impôts punitifs et de politiques industrielles volontaristes. C’est aussi l’avis de François Hollande, son principal challenger, qui reproche justement à l’actuel président son ultralibéralisme et ne jure que par une augmentation des impôts et de la dépense publique. C’est encore ce que pensent Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen qui ont fait de la lutte contre l’ultralibéralisme mondialisé leur principal cheval de bataille. C’est enfin l’analyse d’Éva Joly qui déclare vouloir « en finir avec l’ultralibéralisme » et de François Bayrou qui défend un « projet de société humaniste en rupture avec le modèle ultralibéral. » Je vous passe les Nathalie Arthaud, Philippe Poutoux, Nicolas Dupont Aignan et autres Jacques Cheminade : l’unanimité est si parfaite qu’il ne peut pas en être autrement : les malheurs de notre pays sont certainement liés aux politiques ultralibérales prônées et mises en œuvre par les tenants de la pensée unique.

Exemple #1 : la dépense publique.

Le libéralisme économique, et à plus forte raison l’ultralibéralisme, prônent une intervention très limitée de l’État dans l’économie. Une fois chiffrée, la situation d’un pays libéral et donc, a fortiori d’un pays ultralibéral, devrait se traduire par un faible volume de dépense publique au regard de la « taille » de l’économie (en général le Produit Intérieur Brut).

Vérifions…

De la révolution à la veille de la première guerre mondiale, on estime que la dépense publique pesait entre 10 et 13% du PIB – ce qui correspond, pour l’essentiel, au coût des fonctions régaliennes de l’État. Après un pic à environ un tiers du PIB vers 1920, c’est surtout à partir des années 1930 que commence l’inexorable croissance de la dépense publique avec les premières politiques d’inspiration keynésiennes (grands travaux, aides spécifiques à certains secteurs, soutien des prix agricoles…). En 1938, la dépense publique atteint un quart du PIB. Mais après la seconde guerre mondiale et avec la création de la Sécurité Sociale que les dépenses s’emballent : d’environ 36% à la fin des années 1950, elle franchit le seuil des 40% en 1967, puis celui des 50% en 1983 et dépasse le seuil des 56% du PIB pour la première fois en 2009.

En 2010, la dépense publique française [1] s’élevait à 1 095,6 milliards d’euros, soit 56,6 % du PIB. Selon les premières estimations de l’Insee, elle aurait atteint 1 118,5 milliards d’euros en 2011 (55,9% du PIB, +2,1% par rapport à 2010) et le Projet de Loi de Finance pour 2012 évoque un objectif de 55,8% du PIB. Sur la base des chiffres de 2010, si l’on exclue quelques pays exotiques [2] et le cas particulier de l’Irlande [3], l’État français était le troisième État le plus dépensier des 178 pays pour lesquels les données sont disponibles [4]. Seuls les États cubain (75,2% du PIB) et danois (58,5% du PIB) parvenaient à dépenser plus que le notre.

Du point de vue de la dépense publique, donc, la France a battu tous ses records historiques sous la présidence de Nicolas Sarkozy et se trouve être, avec Cuba, le Danemark et sans doute la Corée du Nord, un des pays les moins libéraux au monde.

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[1] « Dépenses des administrations publiques consolidées » ; hors entreprises publiques produisant des biens et services marchands, telles que La Poste et la SNCF.
[2] Le Timor oriental, les Kiribari, le Lesotho, les Maldives et la Micronésie.
[3] L’État irlandais a bien fait exploser la tirelire avec une dépense publique à 67% du PIB en 2010 mais ce chiffre est exceptionnel : la dépenses publique irlandaise est habituellement plus proche de 40% du PIB.
[4] Voir l’Economic Freedom Index de la fondation Heritage.

7 commentaires:

  1. Constat de l'Insolent : "L'effondrement de l'Union soviétique n'a été sanctionné par aucune conséquence officielle dans notre pays. Dans la pratique aucune flétrissure politique ne s'est abattue sur les sectateurs de l'économie planifiée. On ne doit pas s'étonner de la sorte si la frange des adeptes du marxisme et des continuateurs des utopies quarante-huitardes se redresse et s'unifie." http://www.insolent.fr/2012/04/fonctions-de-la-baudruche-melenchon.html

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  2. Je préfère "le" à "notre" président. Ne votant pas, il n'a aucun droit sur moi, à commencer par celui de me représenter.

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  3. Le Danemark, la Suède, autant de pays qui s'en sortent extrêmement bien malgré une dépense publique forte, étrange non?

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  4. benkebab,
    Le Danemark, c’est une des économies les plus ouvertes au monde que ce soit en matière de commerce ou d’investissements internationaux (i.e. aucune forme de protectionnisme). C’est un pays dans lequel créer une entreprise ne coûte pratiquement rien et peut être fait en un temps record. C’est le pays qui a inventé le concept de flexicurity, la combinaison d’une sécurité sociale forte et d’un marché du travail totalement dérégulé (pas de salaire minimum légal par exemple). C’est un pays dans lequel il n’existe pas ou très peu de réglementation sur les produits et autres normes obligatoires. C’est un pays où l’État fonctionne de manière parfaitement transparente et garanti aux résidents comme aux investisseurs étrangers un respect absolu des droits de propriété et des contrats. C’est enfin un pays qui a su gérer correctement ses finances publiques et affichait, fin 2010, une dette publique de 44,3% du PIB contre 84,3% pour la France. En revanche, effectivement, le Danemark c’est aussi une des dépenses publiques les plus élevées au monde et une pression fiscale considérable quoique que le taux de taxation des entreprises y soit relativement peu élevé (25% contre 33% chez nous). Malgré cela et sur la base de l’Economic Freedom Index de la fondation Heritage, le Danemark et la 11ème économie la plus libérale au monde. Nous sommes 67ème.

    La Suède c’est un peu la même histoire sauf que ça fait déjà quelques années que le gouvernement cherche à réduire la dépense publique et à restructurer de fonds en comble le secteur public… en vendant les actifs de l’État et en brisant les monopoles publics (la poste par exemple). En revanche, les Suédois ont tendance à avoir recours à des barrières douanières non-tarifaires (comme nous) et la réglementation du travail y est à peu près aussi rigide que chez nous. Au total, sur la base de l’Economic Freedom Index de la fondation Heritage, la Suède et la 21ème économie la plus libérale au monde. Nous sommes 67ème.

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  5. Au fond, je trouve ça assez troublant que la France demeure un pays si riche malgré l'omniprésence de l'Etat. Je suis presque tenté penser que, comme disait l'autre, "la France est une URSS qui a réussi".

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  6. C'est à dire qu'elle tombe de haut .... mais elle tombe, indéniablement.

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  7. la france est l’un des pays les plus socialistes d’europe, il suffit de regarder les chiffres (dépenses publiques 57%, la fonction publique représente pres de 7 millions de fonctionnaires), 70 au rang des libertés économiques selon Heritage Foundation après le Cap-Vert, le Kazakhstan ou encore la Jamaïque, l’un des plus haut taux d’imposition ( la France a un taux d’imposition total moyen de 64,7% principalement constitué (51,7%) de charges sociales, le 2 plus fort taux d’imposition en europe),….. certains partis de gauche dans le reste de l’europe (spd, parti travailliste,…) sont plus libéral que l’ump. la france est championne du monde en dépenses sociales. la france possède 60 code et est ultraréglementé (plus de 500000 lois et décrets).

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