Notre agôgè moderne *

(*) ... que le monde nous envie.

Ci-dessous, une courte interview de madame Laurence Hansen-Love, professeur de philosophie en terminale et directrice de collection chez Belin et chez Hatier [1], à propos des sujets politiques au Bac de philosophie.



A la question : « les sujets politiques ont la réputation d’être dangereux, qu’est-ce que vous conseillez pour les traiter ? » – i.e. un étudiant risque t’il d’être noté sur la base de ses opinions si ces dernières venaient à être en contradiction avec celles du correcteur ? – cette madame Hansen-Love, qui parle manifestement d’autorité, répond en deux temps.

Première réponse : « Non, absolument pas ». Selon le professeur de philosophie, « toutes les positions sont recevables, le professeur vous jugera selon des critères formels ». Hourra ! Il existe donc encore un minimum de pluralisme si ce n’est dans l’enseignement proposé par l’EN, au moins dans les positions que peuvent défendre les élèves.

Mais il semble que cette première réponse ne soit pas suffisante et en appelle une seconde (qui commence vers 1’00) : « Il peut quand même arriver que ce que dit l’élève heurte le professeur ; soit parce que ce sont des positions insoutenables – par exemple un élève qui dirait qu’on n’a absolument pas besoin de l’Etat et ce serait tellement mieux si chacun n’en faisait qu’à sa tête… Enfin prendre des positions absurdes, bon, ce n’est même pas la peine d’insister. »

Ainsi donc, notre Education Nationale d’Etat enseigne à nos enfants que l’idée selon laquelle nous pourrions nous passer d’Etat est une idée insoutenable qui ne mérite même pas qu’on s’y arrête. C'est-à-dire que cette position, qui a été défendue par des auteurs aussi insignifiants Léon Tolstoï, Max Stirner, Gustave de Molinari, Lysander Spooner, Murray Rothbard (…) mais aussi par Karl Marx, Friedrich Engels ou Mikhaïl Bakounine (…) est jugée « absurde » ; fin de la discussion.

Mais, semble t’il, « il y a des cas plus litigieux ». Par exemple, à la question « peut-on (ou doit-on) tout attendre de l’Etat ? », cette dame nous avertit : « l’élève qui va répondre : non, absolument pas, l’individu doit se prendre en charge, ce n’est pas à l’Etat de nous garantir un travail, la sécurité, la sécurité sociale… que sais-je ? Bref : si vous défendez une thèse ultralibérale c’est un peu une provocation. »

Maintenant, les choses sont claires. Ce que cette dame appelle des positions « ultralibérales » ne sont rien d’autre que des positions libérales classiques ; les mêmes qui ont été soutenues par de ridicules provocateurs tels que Friedrich Hayek, Frédéric Bastiat, Alexis de Tocqueville, Carl Menger, Ludwing von Mises, Milton Friedman, Benjamin Constant, Adam Smith, Raymond Aron, Ronald Coase, James Buchanan, Jean-Baptiste Say (je pourrais continuer sur plusieurs pages…). Etre libéral, chez nos amis de l’Education Nationale d’Etat, cette agôgè moderne [2], c’est une provocation.

J’ai le plaisir de connaître un professeur de philo de l’Education Nationale d’Etat qui est loin (mais très loin) de partager le point de vue de madame Hansen-Love ; la théorie selon laquelle tous les profs de l’ENE seraient des socialistes militants est donc réfutée [3]. Tous non, mais vraisemblablement une grande majorité et certainement ceux et celles qui définissent les programmes.

Comme le dit madame Hansen-Love, « c’est un exemple …»

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[1] Le blog de madame Hansen-Love donne une idée assez claire des idées qu’elle ne défend certainement pas ni en classe, ni lorsqu’elle corrige une copie.
[2] L’éduction spartiate qui présentait « la triple particularité d'être obligatoire, collective et organisée par la cité » (source : Wikipédia).
[3] Principe de réfutabilité de Karl Popper ; un provocateur libéral lui aussi.

11 commentaires:

  1. Ce qu'on a pu lire sous la plume d'H16 :
    http://h16free.com/2011/06/19/8969-la-philo-cest-uberfacile-a-condition-detre-hypermou

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  2. Merci Josick,
    J'avais lu le papier de notre excellent h16... Il est toujours plus rapide que moi le bougre ;)

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  3. "la théorie selon laquelle tous les profs de l’ENE seraient des socialistes militants est donc réfutée"... M'apprêtant moi-même à commencer à enseigner la philosophie en terminale (dès la semaine prochaine), je ne vous le fais pas dire ! ;-)
    Mais je confirme que pour l'immense majorité de mes collègues le mot "libéralisme" est bel et bien un gros mot.

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  4. Fabien,
    Vous voulez dire que maintenant je connais deux profs de philo libéraux ?
    :)

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  5. Oui, je crois que vous pouvez le dire, et c'est un bon début pour retourner l'Education Nationale ! Bon après il faudrait que j'ose parler de Bastiat en salle des profs... Mais qui sait si je n'en parlerai pas un peu en cours, par exemple pour faire le lien entre Etat, liberté et justice ? (Cf. les notions au programme http://www.education.gouv.fr/bo/2003/25/MENE0301199A.htm)

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  6. tres bon post.
    ce que j'avais trouvé de plus dingue, c'est que, si on admet qu'on puisse détester les idées extrémistes ET qu'on pense que le libéralisme est un extrémisme (lol), alors on se demande pourquoi cette prof ne prend pas comme exemple absurde qu'il ne faut pas écrire l'ultra étatisme et les totalitarismes ultra socialistes, à savoir le communisme par exemple.

    L'"ultra" libéralisme n'a pas droit de cité à l'Ecole - Le Parisien Libéral

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  7. Sparte était un modèle de référence pour ces deux organisateurs de génocides que furent Robespierre et Hitler.

    "c’est un peu une provocation"

    Y compris quand ça vient d'élèves dont certains aïeux ont fini dans un camp ou un crématoire ?

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  8. Théo, Parigo,
    Ravi de vous retrouver messieurs :)

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  9. Changement d'url pour cette vidéo, nouvelle url ici :

    http://www.youtube.com/watch?v=Aqy0-mVvBSY

    Bientôt le Bac, révisez bien, hein !

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  10. Aujourd'hui bac de philo. Sujet sur la liberté et l'Etat. Tu seras surpris par l'analyse de mon collègue G. Lavau : http://www.europe1.fr/France/Bac-de-philo-le-debrief-des-sujets-en-S-1134321/

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    1. Évidemment il se trompe sur Hayek en le faisant passer pour un anarcho-capitaliste, mais bon il a au moins la bonne idée d'y faire référence...

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