Mesdames et Messieurs nos élus,
Il est sans doute inutile que je rappelle ici l’état de nos finances publiques, d’une part, et le peu de crédit qu’accordent la plupart de nos concitoyens à la chose publique c’est-à-dire à notre République, de l'autre. L’heure, vous en conviendrez, n’est plus aux demi-mesures et aux ajustement à la marge : il est temps, il est urgent de mettre de l’ordre et de la transparence dans nos affaires publiques.
Or, il se trouve que, ces dernières semaines, j’ai consacré une (trop) grande partie de mon temps libre — et de celui de quelques amis — à essayer de comprendre quelques chose aux agences de l’État et aux budgets qui leurs sont affectés. Ce que j’y ai vu, Mesdames et Messieurs nos élus, dépasse l’entendement. À l’heure où, après 42 années consécutives de déficits budgétaires et malgré une des pressions fiscales les plus élevées au monde, notre dette publique atteint des sommets historiques, je constate que les fonds qui manque tant à des fonctions essentielles de l’État (police, justice, défense…) ainsi qu'à nos modestes budgets de citoyens sont littéralement gaspillés dans un véritable maquis d’agences publiques.
L’état du maquis
Il n’existe, encore à ce jour, aucune définition claire du périmètre des agences de l’État. Le dernier recensement, celui de l’Inspection Générale des Finances, date de 2012 et évalue leur nombre à 1 244 entités et leur poids à environ un cinquième du budget général de l’État. Les seules définitions officielles sont celle de l’Insee qui identifiait, en 2014, « environ » 700 Organismes Divers d’Administration Centrale (ODAC) et celle des projets de loi de finances qui font état, en 2017, de 492 opérateurs de l’État ; lesquels se voient attribuer un budget de 51.8 milliards d’euros (en crédits de paiement).
Je constate qu’aucune de ces définitions ne permet d’établir une liste précise des entités financées par l’État et encore moins des organismes de toutes sortes qui, à des degrés divers et selon différentes modalités, vivent des deniers publics. La définitions des ODAC, organismes « auxquels l’État a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national », ne permet à l’Insee que de nous donner une liste d’exemples ; celle des opérateurs de l’État ne parvient pas à masquer la part d’arbitraire qu’elle comporte [1].
Et ce, d’autant plus lorsqu’on considère l’invraisemblable variété de statut de ces organismes qui peuvent être, si je m’en tiens à la liste des opérateurs de l’État, des Établissement Publics à caractère Administratifs (ÉPA), des Établissement Public à caractère Scientifique, Culturel et Professionnel (ÉPSCP), des Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial (ÉPIC), des Groupement d’Intérêt Public (GIP), des Établissement Public à caractère Scientifique et Technologique (ÉPST) et même des associations.
En d’autres termes, le flou est total. Nous en sommes, en tant que citoyens, réduit à constater une liste aussi interminable que fluctuante de noms à rallonge (l’Institut d'enseignement supérieur et de recherche en alimentation, santé animale, sciences agronomiques et de l'environnement, 125 caractères) et d’acronymes parfaitement abscons (EPPJP, EPPGHV, EPMQB, ENSAIT, ENSSIB, ANGDM, ORAMIP et autres ONCFS) dont les fonctions, quand elles sont accessible à la compréhension du commun des mortels (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas une reproduction in-extenso du texte juridique qui justifie leur existence) laissent un désagréable sentiment d’utilité douteuse, de redondance ou les deux [2].
À ça et je termine mes constats là-dessus, se rajoutent naturellement la myriade d’organismes rattachés non pas à l’État lui-même mais aux administrations de sécurité sociale et à nos très nombreuses collectivités territoriales — Agences régionales de l’eau, Centre d’Éducation Populaire et de Sport etc. — lesquelles, naturellement, viennent se télescoper avec des structures nationales existantes. Rien qu’autour de chez moi nous les collectionnons à l’échelle régionale (l’Agence régionale du Livre PACA, l’Agence Régionale pour l’Innovation et l’Internationalisation des Entreprises PACA, l’Agence Régionale pour l’Environnement PACA, l’Agence Régionale du Patrimoine PACA…), départementale (l’ Agence Départementale d’Information sur le Logement des Bouches-du-Rhône) et communal (l’Agence d’urbanisme de l’Agglomération Marseillaise).
Propositions
En conséquence de ce qui précède j’ose croire, Mesdames et Messieurs nos élus, que vous ne pouvez pas, en conscience, ne pas reconnaître qu’une vaste opération de rationalisation s’impose. Voici mes propositions.
Dans un premier temps, il est urgent d’établir enfin une liste exhaustive de toutes les structures — nationales, locales ou liées à la sécurité sociale — qui vivent, en tout ou partie, sous forme de subventions ou de fiscalité affectée, d’argent public. C’est, me semble-t-il, la moindre des choses.
Dans un second temps, il va falloir trier. Tout ce qui peut être privatisé doit l’être — je pense, notamment, aux établissements d’enseignement supérieur [3]. Le reste doit être soit regroupé dans une trentaine d’agences nationales [4] (au maximum) soit sortir définitivement du périmètre des agences publiques.
À titre d’illustration, je vois une bonne vingtaine d’agences nationales qui auraient toute leur place dans une Agence de Protection de l’Environnement ; à commencer par les 27 associations de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), les 6 agences de l’eau et tous les opérateurs de l’État qui, sous des angles divers, s’occupent d’environnement.
Toutes les agences de l’État doivent avoir le même statut (ÉPA par exemple), publier leurs rapports d’activité dans des délais raisonnables (6 mois au maximum), présenter leurs comptes au public de façon homogène et être financées exclusivement par des subventions pour service public sur le budget général de l’État [5].
Toutes les structures qui n’ont été ni privatisées ni intégrées dans une agence ne doivent, désormais, être financées que par un seul et unique organisme (l’Agence de Services et de Paiement semble toute désignée [6]). Chaque subvention doit être dûment motivée, ses bénéficiaires clairement identifiés et cette information rendue publique.
C’est à ce prix que les citoyens de ce pays (et par ailleurs contribuables) pourront enfin y voir à peu près clair dans cet inextricable maquis et donc, voter en toute connaissance de cause. Cette opération de rationalisation n’est pas seulement une exigence financière et organisationnelle : c’est aussi et peut être surtout une exigence démocratique.
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[1] Plus précisément : (i) étant donné le nombre, la diversité et les nomenclatures pour le moins imprécises des 121 programmes dont l’État croit devoir se charger, il va de soi qu’à peu près n’importe quel organisme, quoi qu’il fasse, puisse être « explicitement rattaché » à l’un d’entre eux. Par ailleurs, (ii) s’agissant de la capacité de l’État à « orienter les décisions stratégiques » il est évident que ça s’applique à n’importe quelle personne, physique ou morale, résidant en France. Reste (iii), le « financement assuré majoritairement par l’État » qui pourrait être un critère réellement discriminant à ceci près « qu’il est également possible de qualifier d’opérateur de l’État des organismes ne répondant pas à tous les critères ci-dessus. »
[2] À quoi servent l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence pour la création d’entreprises (APCE) ou le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL) ? Avons-nous vraiment besoin, au regard de l’état de nos finances publiques, d’un Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) et d’un Centre Interministériel de Formation Anti Drogue (CIFAD) ? Est-il réellement utile de cumuler un Centre d’étude de l’emploi (CEE) et un Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) ?
[3] Les écoles d’ingénieur, d’art, d’architecture (etc.) mais aussi les universités, les communautés d’universités et autres chancelleries d’universités. Il coûtera de toute façon infiniment moins cher de verser des bourses aux étudiants dont les revenus sont modestes que de maintenir toutes ces structures dans le domaine public.
[4] J’ai bien écrit nationales : la fuite en avant qui consiste à multiplier les structures locales doit cesser immédiatement et ce, d’autant plus que toutes les structures que j’ai cité à l’échelle de la région PACA ont un ou plusieurs équivalents à l’échelle nationale.
[5] Il est largement temps de mettre fin à ces imbécilités que sont la fiscalité affectée et les subventions entre agences.
[6] Dans laquelle vous aurez l’obligeance d’intégrer l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) que la Cours des comptes estimait estimait déjà « inutile » et « sans réelle valeur ajoutée » en 2009.
NB : pour celles et ceux qui veulent faire un tour dans la liste des opérateurs de l'État, nous en avons compilé une ici.
Un EPIC ne fonctionne pas forcément avec des subventions publiques. Certains EPIC rapportent même de l'argent à l'État.
RépondreSupprimerConcernant les propositions, on peut rationaliser tout ce qu'on veut, tant qu'un employé de la fonction publique sera "invirable" on ne fera aucune économie.
Je suis bien d'accord. Malheureusement ce n'est pas près d'arriver. En France, les faits ne semblent intéresser personne...
RépondreSupprimerJe m'étais aussi intéressé aux listes du "jaune" il y a quelques années et je confirme, tout le monde préfère croire que la seule cause des déficits est la fraude fiscale...
On peut faire des economies en affectant les personnels des agences inutiles à des taches régaliennes qui sont sous traitées ou non assumées.
SupprimerL'état a besoin de faire des économies. Ces agences inutiles seront une mine, beaucoup plus facile à exploiter que la chasse à la fraude fiscale, même si ce travail doit aussi être amplifié.
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