Opportunité d’arbitrage

Pour évaluer le montant brut de votre allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), vous devez au préalable calculer votre salaire journalier de référence (SRJ) qui est égal à la somme de vos rémunérations brutes [1] au cours des 12 derniers mois divisée par 365 et le coefficient t qui correspond à votre temps de travail hebdomadaire (ou mensuel) divisé par 35 heures (ou 151,67 heures). La règle de calcul de l’ARE, en 2013, est la suivante :

En bon français : votre ARE sera égale au montant le plus faible entre (i) 75% de votre SRJ et (ii) le montant le plus élevé entre (a) 28,21 euros, (b) 40,4% de votre SRJ plus 11,57 euros et (c) 57,4% de votre SRJ. Si vous travailliez à mi-temps, vous devez multiplier l’allocation minimale (28,21 euros) et les 11,57 euros par t = 0,5.

Par exemple, un salarié à temps plein rémunéré au Smic (c. 1 430 euros bruts) aura un SRJ de 1 430*12/365 = 47,01 euros et un coefficient t de 1. Ce qui, en remplaçant les termes dans notre formule, donne une ARE de 30,56 euros par jour :

En généralisant ce calcul pour (i) tous les mi-temps payés de 715 euros bruts (Smic) à 1 429 euros bruts (18,8 euros de l’heure) et (ii) tous les contrats à temps plein de 1 430 euros bruts (Smic) à 7 150 (5 fois le Smic), on obtient la courbe suivante :

La diagonale en pointillés représente le salaire brut, les lignes continues donnent le niveau de l’ARE brute et la zone grisée correspond aux contrats à mi-temps.

On peut également représenter l’ARE brute en pourcentage du salaire brut :

Ce qui signifie qu'un salarié à temps plein rémunéré au Smic toucherait une ARE égale à 64,1% de son salaire brut [2] s’il se mettait au chômage (soit 916.8 euros bruts) et que ce taux décroit ensuite régulièrement jusqu’à 2 070 euros de salaire brut ; seuil à partir duquel l'ARE est proche de 56,6% du salaire brut.

Bottom line

Bien sûr, ce qu’un salarié est susceptible d’arbitrer, ce ne sont pas des montants bruts mais des montants nets – ce qui nous intéresse, quoiqu’on en dise, c’est la bottom line. En d’autres termes, nous devons comparer son ARE nette avec son salaire net et mesurer la perte de revenus qu’il devrait subir s’il se mettait au chômage.

Estimer le montant d’une ARE nette à partir du salaire brut et relativement [3] trivial ; en revanche, la multiplicité des cas possibles, des règles et des exceptions fait qu'il est presqu'impossible de déterminer une règle générale dès lors qu'il est question d'estimer un salaire net en fonction du salaire brut. Nous allons, si vous le voulez bien, contourner le problème en ayant recours à une estimation très conservatrice – c’est-à-dire le cas d'un salariés dont la rémunération nette est la plus proche possible de son salaire brut : un non-cadre qui travaille pour une entreprise soumise au régime général Arrco qui ne lui propose ni mutuelle complémentaire, ni régime de prévoyance.

Avec brut le salaire brut et pss le plafond de la sécurité sociale (3 086 euros par mois), on retiendra les charges dites salariales suivantes :

Poste Assiette Taux
SS Maladie brut 0,75%
SS Vieillesse p min(brut, pss) 6,75%
SS Vieillesse d brut 0,1%
Chômage min(brut, 4*pss) 2,4%
ARRCO tr1 min(brut, pss) 3%
ARRCO tr2 max(0, min(brut-pss, 3*pss)) 8%
AGFF tr1 min(brut, pss) 0,8%
AGFF tr2 max(0, min(brut-pss, 3*pss)) 0,9%
CSG déductible brut*98,25% 5,1%
CSG-CRDS brut*98,25% 2,9%

Avec ces paramètres, un salarié rémunéré au Smic touche 78,34% de son salaire brut (1 430,22 – 309,78 = 1 120,43). En généralisant, on obtient la courbe suivante :

Où l’on constate que ce chiffre de 78,34% est stable jusqu’au plafond de la sécurité sociale et qu’il décroit ensuite légèrement pour atteindre 74.67% du salaire brut à 5 fois le Smic (ce sont, bien sûr, les deuxièmes tranches Arrco et Agff qui jouent).

Net contre net

Nous pouvons donc maintenant comparer des salaires nets et des ARE nettes [4] :

Un salarié à mi-temps rémunéré au Smic (715 euros bruts) touchera une ARE nette équivalente à 81,8% de son salaire net. Ce taux décroit ensuite jusqu’à c.72,3% pour un salaire brut de 1 035 euro et reste stable au-delà. Notez que, sur le graphique ci-dessus, ce sont des salaires nets qui sont en abscisse.

De la même manière, un salarié à temps plein rémunéré au Smic (1 430 euros bruts), touchera une ARE nette équivalente à 78% de son salaire net. Ce taux décroit jusqu’à 68,5% (salaire brut d’environ 2 070 euros), reste stable jusqu’à un salaire brut de 2 627 euro (i.e. net de 2 061 euros sur le graphique) avant de rechuter à 63,7% (brut de c.2 824 ; net de c.2 212) et de remonter ensuite doucement.

Je rappelle ici que ces estimations sont volontairement conservatrices : dans la plupart des cas (tous ?), le montant des charges prélevées sur votre salaire sont plus élevées que dans mon hypothèse [5] ; c’est-à-dire que le différentiel entre salaire net et ARE nette est vraisemblablement plus faible dans la réalité que dans cette simulation [6].

Soyons réalistes…

À cela, rajoutez le fait que l’arbitrage est particulièrement intéressant sur les bas salaires (le Smic) c’est-à-dire sur ceux où les montants en jeux sont les plus faibles. Typiquement, pour un Smic à mi-temps, vous toucheriez 560 euros nets au maximum ; en vous mettant au chômage, vous ne perdriez, dans le pire des cas, que 102 euros par mois – et encore, on admet ici que le fait de travailler n’engendre pas de frais (transport, garde des enfants etc.). Autrement dit : 76 heures de travail valent-elle 102 euros ?

Je ne doute pas un instant qu’il existe parmi nous un nombre appréciable de gens qui, malgré ce qui précède, préfèreront continuer à travailler quand cette opportunité d’arbitrage se présentera. J’en connais. Mais refuser d’admettre qu’il existe aussi un nombre non-négligeable de chômeurs stratégiques, c’est faire preuve, au mieux, d’une naïveté confondante, au pire, d’un aveuglement coupable.

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[1] En pratique, l’ensemble des éléments de rémunération soumis aux cotisations de Pôle Emploi ce qui inclus les primes et pensions d’invalidité. Pour plus de détails, voir le site de Pôle Emploi.
[2] Calcul effectué sur un mois de 30 jours.
[3] Relativement. Il y a encore quelques règles d'arrondis qui m'échappent.
[4] Pour mémoire, les charges qui pèsent sur l’ARE comprennent une cotisation pour la retraite complémentaire (3% du SRJ), la CSG (6,2% de 98,25% de l’ARE brute) et la CDRS (0,5% de 98,25% de l’ARE brute). En deçà de certains seuils, le bénéficiaire et exonéré de tout ou partie de ces charges.
[5] Mutuelle, prévoyance et effet induit de ces dernières sur votre CSG/CRDS.
[6] Je rappelle que Laure toucherait 83% de son salaire net.

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