Keep Calm and Carry On

Dans une réalité alternative, les électeurs démocrates de Pennsylvanie, du Michigan et du Wisconsin se seraient mobilisés pour Madame Clinton comme ils l’avaient fait en 2012 pour élire le Président Obama. Il aurait suffi de peu de choses : au total 114 000 votes supplémentaires pour la candidates démocrates dans ces trois États lui auraient suffi pour s’assurer le soutien de 278 grands électeurs et donc pour devenir la première présidente des États-Unis. Si ce chiffre de 114 000 vous semble considérable, mesurez bien que rapporté au nombre de bulletins effectivement engrangés par Hillary Clinton, ça représente moins de 0.2% de plus. Une paille.

Et ce n’est qu’un des scénarios parfaitement réalistes qui aurait pu faire basculer ces élections présidentielles. Toujours avec la Pennsylvanie mais en remplaçant le Michigan et le Wisconsin par la Floride, les démocrates auraient obtenu une victoire encore plus large avec à peine 0.3% de votes supplémentaires sur ces deux seuls États. Encore une fois, ça s’est joué à presque rien. Il aurait suffi — et j’exagère à peine — d’une tempête qui décourage quelques électeurs républicains ou, au contraire, d’une belle journée qui invite plus de démocrates à voter pour que Donald Trump ne devienne pas le 45ème Président des États-Unis.

C’est un fait : même si les résultats, exprimés en nombre de grands électeurs donnent l’impression d’une victoire écrasante de Donald Trump, la réalité est que cette élection s’est jouée à très peu de choses. De là, deux remarques.

La première, c’est qu’il est vain de vouer aux gémonies les médias et autres instituts de sondage qui prédisaient une victoire démocrate. Que la presse mainstream ait été notoirement biaisée en faveur d’Hillary Clinton ne fait aucun doute mais, à moins de verser dans le conspirationnisme de comptoir, ça n’explique pas que presque personne n’ai rien vu venir. Rétrospectivement, au regard des résultats, seuls les sondages qui auraient placé les candidats au coude à coude auraient été dans le vrai ; aucun modèle, aussi raffiné soit-il, n’aurait pu prévoir le résultat avec un degré de certitude significatif.

Seconde remarque qui, d’un point de vue opérationnel est sans doute la plus importante : il faut se garder de sur-interpréter la victoire de Donald Trump. Voici déjà quelques jours que la presse mainstream et une solide majorité du personnel politique occidental décrit la victoire de ce candidat pour le moins atypique comme un cataclysme décisif, comme si les États-Unis d’Amérique avaient soudainement changé de nature, comme si ces électeurs américains qui, il y a quatre ans encore, reconduisaient Barack Obama à la Maison Blanche étaient soudainement devenus xénophobes, protectionnistes, autoritaristes et Dieu seul sait quoi encore.

Que ces tendances existent dans la société américaine et qu’elles aient, à la faveur de la crise, gagné quelques adeptes est tout à fait possible et même probable mais voir dans l’élection de Donal Trump un basculement de l’Amérique toute entière n’a absolument aucun sens : c’est tout au plus une légère oscillation. Que les discours outranciers du milliardaire aient pu séduire une fraction de l’électorat — notamment la fameuse Alt-Right — ne fait pas grand doute mais c’est passer un peu vite sur l’impopularité d’Hillary Clinton jusque dans son propre camp ; impopularité qui pourrait bien lui avoir coûté les 0.2 ou 0.3% de soutiens qui lui ont tant manqué.

Face à de tels évènements, nous sommes tous sujets à ce que les psychologues appellent un biais de proportionnalité (les statisticiens utilisent le même terme pour désigner autre chose) : cette tendance naturelle que nous avons tous à chercher de grandes causes aux grandes conséquences ; comme si l’élection de Donald Trump devait nécessairement être le signe d’un bouleversement profond de la société américaine et ne pouvait pas être la conséquence d’une multitude de causes mineures, voire de simples coïncidences. Nous serions tous bien inspirés de prendre un peu de recul et de garder la tête froide.

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